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Culture

Pol White, sa part du gâteau

Parti de Vénissieux à l’assaut de la capitale, Paul M’Belel voulait devenir scénariste. Il sera comédien, sous le nom de Pol White, sur scène ainsi que sur les écrans de télé et de cinéma.( photo (c) Sophie Suprême).

Parti de Vénissieux à l’assaut de la capitale, Paul M’Belel voulait devenir scénariste. Il sera comédien, sous le nom de Pol White, tout à la fois sur scène ainsi que sur les écrans de télé et de cinéma. Depuis peu, il donne également libre cours à ses ambitions d’écriture.

Il a été expert d’art, SDF, homme moderne, gardien de parc, strip-teaseur sur fond de crise, élu à la culture et… Pol White, le mec d’une nana qui allait être expulsée. C’est de ce clip pour un groupe de reggae (finalement jamais diffusé) que Paul M’Belel gardera son nom d’artiste.
« On tournait à la Cité universitaire de Paris et le réalisateur demande à ce qu’il y ait un nom sur la porte. Comme je ne voulais pas mettre le mien, on s’est mis d’accord sur celui de Pol White. Ça sonnait vachement bien ! À partir de là, j’ai basculé sur ce nom et c’est incroyable le nombre d’appels que j’ai eus. Pol White, cela sonne évidemment comme un pseudo mais les gens veulent y croire. D’autant plus qu’à la même époque, j’ai commencé à porter des lentilles. Tout est parti d’une audition pour Disney —mon premier gros contrat— pour le spectacle « Le roi Lion ». Je voulais me faire les yeux violets du Dr Facilier, dans « La princesse et la grenouille ». Les lentilles violettes me faisaient des yeux gris et on m’a proposé de porter des lentilles couleur miel, avec lesquelles je suis allé à l’audition. Mon regard était complètement transformé. »
Ce jour-là (et Pol précise « ce qui ne m’arrive jamais »), l’apprenti comédien se présente à trois auditions : la première chez Disney (il est pris), la deuxième pour la série de TF1 « Section de recherches » (il est pris) et la troisième pour le film de Thomas Ngijol et Fabrice Éboué, « Case départ » (il n’est pas pris). Modeste, Pol se dit que les yeux et le pseudo y ont été pour beaucoup mais ne parle pas de son talent.
Né à Vénissieux, Pol a vécu rue Antoine-Billon jusqu’à ses 25 ans, quand il décide de rejoindre la capitale. Il fait ses premiers pas de comédien à la MJC Le Cadran, avec Nathalie Veuillet et sa compagnie Là hors de. Pour le concours d’entrée au Conservatoire de Saint-Étienne, Pol devait présenter un texte classique et un texte contemporain. D’origine camerounaise, le jeune homme sait que, parmi les textes classiques, il n’a guère le choix qu’entre « Othello » et « Titus Andronicus ». « Comment fait un acteur noir en France si on lui demande de jouer des textes classiques ? J’ai commencé à écrire une pièce que je n’ai jamais finie et je me suis intéressé concrètement à l’art dramatique. L’écriture cinématographique correspondait encore plus à mes codes et mes références, grâce à ses passerelles avec la bande dessinée et le polar, dont j’étais complètement fondu à l’époque. »
Refusé à Saint-Étienne et décidé à tirer un trait sur les activités de comédien commencées à la MJC — « eh bien, ils ne m’auront pas et j’écrirai une pièce »— Pol part à Paris pour se lancer dans la rédaction de scénarios. « En 1998, j’ai rencontré un professeur, feu Philippe Cartel, du Théâtre des Cinquante, et j’ai suivi pendant neuf ans sa formation, Auteur-acteur. Il m’a dit qu’il me prenait à condition de reprendre mon apprentissage de comédien, ce que je ne voulais plus être. »
La bagarre dure une année : « Moi, je veux écrire et lui veut me remettre sur scène. Au terme de cette année, le Théâtre des Cinquante devient propriétaire de la Comédie Bastille. Je me retrouve sur scène pour la présentation de fin d’année et ça se passe très mal. Je suis dans un état de rage ! Je me décide à devenir sérieux et je rebascule dans l’actorat. »
Lui-même élève d’Andreas Voutsinas, Cartel présente Pol à cette légende du théâtre, « plus accessible à cette époque », qui a été secrétaire de Lee Strasberg, le directeur de l’Actor’s Studio et créateur de la fameuse « Méthode », et a travaillé à Broadway avec Elia Kazan.
Le travail avec Voutsinas est un accélérateur. Pol apprend « la grammaire voutsinienne » : « Il te disait qui tu étais et ce que cela pouvait donner sur le plan créatif. La différence entre ce que tu es et ce que le metteur en scène projette de toi est l’espace créatif. Voutsinas m’a mis la tête dans le cambouis ! »
Pendant tout ce temps, pour vivre, Pol s’exerce à « un million de petits boulots » : réceptionniste de nuit, employé de la RATP, de France Télécom, démarcheur au porte-à-porte… Mais à partir de 2006, il décide de ne se consacrer qu’aux métiers du spectacle et… « advienne que pourra ». « Voutsinas était catégorique : si ce métier n’est pas vital, ne le faites pas ! À Paris, il existe tellement de petites boîtes à chaussures dans lesquelles on peut jouer devant quinze personnes… Puis, par un concours de circonstances, je me suis retrouvé à Bordeaux. »
Pol travaille avec la compagnie du Théâtre du Pont-Tournant sur un spectacle de Michel Gendarme, « Les tribulations d’Odile ». « Le texte évoquait des problèmes sociétaux : la clandestinité, les sans-papiers, la prostitution masculine, etc. Cette pièce a tourné à Bamako. J’ai foncé là-bas. Bonne pioche ! J’ai intégré la compagnie. La vie est ainsi : je pars de Vénissieux pour écrire, je me forme à Paris, je travaille à Bordeaux. »
Tout en habitant Paris, Pol participe à de nombreuses créations du Pont-Tournant et à des séries télévisées tournées dans le Bordelais (« Section de recherches », « Famille d’accueil »). « Dans « Section de recherches », je devais jouer un voiturier et je me suis retrouvé dans le rôle d’un expert d’art. J’ai même fait des essayages de costumes chez moi. C’est curieux de passer du théâtre, où tu travailles pendant des mois avec des bouts de ficelle, à la télé où tout le monde est aux petits soins pour toi. Le réalisateur arrive et te déclare : « Toi, je t’adore ! » C’est une charge de désir super forte qu’il faut assumer. Voutsinas disait qu’il faut accepter ce qu’on dégage. Toujours pour « Section de recherches », j’ai tourné une scène avec Xavier Deluc et Virginie Caliari. J’étais intimidé, je bafouillais mon texte… Pour m’aider, ils me disaient que c’était eux qui s’étaient trompés. Mais quand on a fini de tourner et qu’on se retrouve chez soi, on se demande : « Ils sont où ? Pourquoi on ne m’appelle plus ? » Il faut être solide ! »
Sur scène, Pol joue dans « 14-18 Mémoires de la grande guerre » (entre autres à Bamako), « Lettres à l’humanité » (en Guadeloupe), « Le malade imaginaire », « Ladies Night ». Ce dernier spectacle est tiré d’une pièce néo-zélandaise qui a inspiré le film « The Full Monty ». « C’est un divertissement qui raconte beaucoup de choses et le public se prend de passion pour ces pauvres gens qui veulent s’en sortir, y compris par un strip-tease. »

« Dupontel est un mec entier, qui très vite t’intègre. »

Il ne manquait alors à Pol que le cinéma. C’est chose faite depuis 2006, année où il est embauché par Albert Dupontel pour une silhouette d' »Enfermés dehors », dans lequel il revêt la défroque d’un SDF. « J’ai tourné cinq jours. Dupontel est un mec entier, qui très vite t’intègre. Il est à 200%, c’est une pile électrique. Il possède une énergie créative incroyable. » Et il fera partie de la distribution du prochain film de Mona Achache (la réalisatrice du « Hérisson », avec Josiane Balasko), dont la sortie est prévue pour le premier trimestre 2014.
Il y a un an et demi, Pol intègre la société Hors Saison en tant que « script doctor » (celui qui retape les scénarios). C’est ainsi qu’il rencontre Jean-Pierre Sauné, un cinéaste à qui l’on doit deux films (« Coupe franche » en 1989 et « Libre » en 2002), qui lui propose de travailler avec lui sur l’écriture de son troisième long-métrage, qui se tournera au Sénégal.
Outre son travail de scénariste, Pol peut aujourd’hui s’enorgueillir d’avoir un agenda rempli sur un an, « ce qui est la norme ». Il vient de tourner avec Virginie Lemoine un épisode de « Famille d’accueil » qui sera diffusé début 2014. Il a produit et interprété un court-métrage de Brice Barbier. Il s’apprête à créer un spectacle sur les tirailleurs, qui sera joué à Montpellier, Avignon et Paris. Et répète en ce moment « La part du gâteau » avec une compagnie parisienne, le Théâtre des Deux Lions : rendez-vous l’année prochaine au théâtre de Ménilmontant. Dans cette mise en scène de Benoît Lelièvre, Pol tient le rôle de Ladislas Dantremont, un adjoint à la culture qui aimerait devenir maire et garantit ses promesses électorales par un « Oui, nous le pouvons ». À ses côtés, Marc Boubli (un jeune comédien qui s’est fait remarquer grâce à son one-man show, « Salué par la critique »), Serge Gelly et Josée Laprun. « C’est un vaudeville musical. Mon personnage est dans la continuité du notaire que je jouais dans « Le malade imaginaire ». On s’amuse entre nous sur scène et aussi avec le public. Quarante dates sont déjà prévues. »

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