Et si Beckett s’était laissé pousser la barbe de Platon ? Ou si le front et le regard de Pasolini étaient définitivement plus esthétiques sur le menton de Renée Falconetti, la “Jeanne d’Arc” de Dreyer ? C’est à partir de ce postulat, un montage d’yeux et de bouches différents à la manière d’un jeu enfantin, que le plasticien mexicain Erick Beltran, artiste invité à la Biennale d’art contemporain de Lyon, s’est chargé de l’identité visuelle de cette manifestation. Rien de mieux, en effet, pour illustrer le thème de cette année : “Une terrible beauté est née”. Tirée d’un poème de Yeats, “Easter, 1916”, cette phrase est aussi riche de sens que les œuvres qu’elle annonce.
Jusqu’au 31 décembre, cette 11e Biennale d’art contemporain va proposer au public de l’agglomération lyonnaise 78 artistes. Ils ont été réunis par la commissaire argentine Victoria Noorthoom, à qui Thierry Raspail, le directeur artistique, a confié la programmation. Le Lyonnais Christian Lhopital, le seul régional de cette grande exposition, va côtoyer des artistes venus du monde entier. Lesquels se partagent quatre lieux : La Sucrière (sur le port Rambaud), le Musée d’art contemporain de Lyon (à la Cité internationale), la fondation Bullukian (place Bellecour) et l’usine T.A.S.E. à Vaulx-en-Velin. Cette dernière, inscrite au patrimoine industriel, accueille pour la première fois des œuvres de la Biennale.
Parmi les artistes, on pourra s’étonner de trouver le nom du dramaturge Samuel Beckett, dont le cheveu dru a déjà été utilisé par Beltran. La réalisatrice et décoratrice brésilienne Daniela Thomas reprend pour cette Biennale la mise en scène d’une courte pièce de Beckett, “Breath”, déjà présentée à Porto Alegre. L’écrivain irlandais ne sera d’ailleurs pas le seul mort à figurer dans ce programme où l’on reconnaît encore des dessins d’Alberto Giacometti, une vidéo de John Cage, des objets d’Arthur Bispo Do Rosario, une toile de Robert Filliou, des dessins musicaux de Morton Feldman et les dômes géodésiques de Richard Buckminster Fuller.
Erick Beltran sera donc au cœur de cette Biennale, lui qui déclare que “la beauté est une proposition idéologique et non une solution exclusivement formelle ou esthétique”. Quant à sa série de doubles visages, il dit qu’ils font de la beauté “un territoire de contradiction”. À La Sucrière, le Mexicain expose un Nœud Perikhórein (du grec “habiter au sein de”) : un globe à l’extérieur duquel on voit une carte des forces politiques et sociales à l’œuvre dans la représentation du monde. À l’intérieur, il s’agit du “contraire approximatif”, avec une “lutte subjective entre des forces qui cherchent à produire une image du monde”.
La Biennale, c’est aussi Veduta, un projet mené par Abdelkader Damani et qui propose “des œuvres en liberté” dans neuf villes de l’agglo (Vénissieux n’en fait pas partie cette année mais y avait été associée auparavant), plusieurs expositions en Résonance (dont celle de Simon de Saint Martin à l’Espace arts plastiques de Vénissieux, du 15 octobre au 23 décembre) et un concours de nouvelles, ouvert à tous : les textes devront comporter 2011 signes et s’intituler “Une terrible beauté est née”. Les six meilleures nouvelles seront récompensées lors d’une soirée au TNP et les trois premières publiées dans le magazine “Télérama”. Ce concours est ouvert du 15 septembre au 15 octobre. Parmi les autres animations, citons encore une nuit Résonance le 24 novembre, le procès de l’art contemporain, avec la complicité d’avocats, au nouvel Hôtel de Région le 2 décembre, des rencontres avec une œuvre dans différents coins de l’agglo, d’autres avec la création contemporaine au kiosque Veduta à Vaulx-en-Velin…
Biennale de l’art contemporain : du 15 septembre au 31décembre. Tarif : 12 euros ; 6 euros (moins de 26 ans, demandeurs d’emploi, carte famille nombreuse, nocturne). Pass permanent : 19 euros.
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