6 janvier 1827. L’hiver est là, et particulièrement rigoureux. Il faut dire qu’en ce début du XIXe siècle, l’on ne subit pas encore les effets du réchauffement climatique. Bien au contraire, depuis plus de 300 ans l’Europe est soumise à ce que les historiens appellent « le Petit Age Glaciaire ». Partout, les glaciers avancent, descendent dans les vallées, détruisent des maisons. En plaine, le gel règne parfois pendant plusieurs semaines d’affilée. Comme en 1709, l’année d’un terrible hiver, qui fit plus de 500 000 morts en France. Celui de 1827 n’est pas aussi catastrophique, mais quand même.
Le 6 janvier, la neige est tellement abondante dans l’Est Lyonnais qu’elle forme des congères de plus de quatre mètres de hauteur ! Au point que la diligence venue de Grenoble doit s’arrêter à Saint-Laurent-de-Mure. Il faut dételer les chevaux, et l’un des cavaliers part seul braver l’hiver pour porter le courrier jusqu’à Lyon, raconte le journal Le Précurseur. A Vénissieux, deux femmes trop téméraires s’égarent dans la tempête, à deux kilomètres du Bourg. « Englouties toutes deux dans un fossé profond que la neige leur cachait, elles ont succombé pendant la nuit à la rigueur du froid. Ce n’est que le lendemain matin que leurs corps ont été retrouvés par leurs parens, alarmés de leur absence. Dans les angoisses d’une mort cruelle, ces infortunées s’étaient arraché les cheveux et meurtri le visage d’une manière affreuse ». Elles se nommaient Marie Renaud et Marie Bonnet, et étaient toutes deux marchandes de volailles.
Accidents ferroviaires
Plus souvent, ce sont des découvertes de noyés que les journaux rapportent dans leurs colonnes. Comme le 11 janvier 1828, lorsque le juge de paix du canton de Saint-Symphorien-d’Ozon « fait enlever un cadavre que le Rhône avait jeté sur le territoire de la commune de Vénissieux ». Rendu méconnaissable par un trop long séjour dans l’eau, l’on tente de l’identifier grâce à ses vêtements : « Il porte une chemise de grosse toile marquée P., un pantalon de drap gris-bleu, une cravate à raies roses », et n’a que deux liards de monnaie dans ses poches, autrement dit trois fois rien. « S’adresser pour les renseignemens, au maire de St-Symphorien-d’Ozon », conclue le quotidien.
Traversée par une voie ferrée à partir de 1858, notre commune n’est pas aussi exempte d’accidents causés par les trains. Le 10 octobre 1891, celui parti de Perrache à 4 heures 52 du soir, s’arrête en gare de Vénissieux pendant cinq minutes. Le mécanicien de la locomotive en profite pour descendre sur la voie afin de graisser les bielles de sa machine. Mal lui en prend ! Un train arrive en sens inverse, qui le heurte de plein fouet. Le malheureux « fut projeté sur les rails et eut la cuisse droite emportée ». En ce siècle où les machines et la vitesse s’invitent dans le quotidien de nos prédécesseurs, de tels accidents défrayent fréquemment la chronique, comme si hommes et bêtes avaient du mal à cohabiter avec les monstres d’acier issus de la révolution industrielle. Voyez ce que raconte Le Nouveau Lyon du 2 septembre 1894 : « Vendredi à 11 h ¼ du matin, le tramway à vapeur de St-Fons a heurté près de la station des écoles de Vénissieux, une voiture attelée d’un âne, appartenant à la dame Madeleine Boullet, marchande de fromages demeurant à Chaponnay (Isère). Le pauvre aliboron [l’âne] a été tué sur le coup. Quant à la propriétaire, projetée à terre, elle ne s’est fait aucun mal. Les fromages, sans doute, ont amorti le coup » !
En 1904, la bande des Apaches
A temps nouveaux, société nouvelle aussi. Dans un Vénissieux à présent couvert d’usines, des bandes de hors-la-loi s’invitent parmi la population, et sèment la désolation. Comme en juillet 1891, qui voit un employé de la Compagnie du gaz être agressé à minuit et demi alors qu’il « était occupé à éteindre les réverbères sur la place de Vénissieux. Il fut brusquement entouré par une bande de jeunes gens ivres », qui, après l’avoir copieusement insulté, « le rouèrent de coups et le laissèrent pour mort sur la chaussée ». En région lyonnaise comme en région parisienne, ces bandes de voyous deviennent tellement fréquentes qu’on finit par les appeler « les Apaches ». Semer la violence et le chaos parait leur seul crédo. Le Rappel Républicain du 25 février 1904 s’en fait l’écho : « La bande des apaches de Vénissieux a encore fait des siennes, hier soir, dans cette localité. Ces individus, qui sont la terreur du pays, commencèrent par attaquer un domestique de M. Béraud, marchand de beurre, au moment où il entrait dans la brasserie Bressieux. Il fut violemment frappé et tomba dans la porte de l’établissement qui vola en éclat. Les bandits se rendirent alors à la station des tramways et tombèrent à bras raccourcis sur le sous-chef de la station, qui descendait de voiture. Quelques personnes prêtèrent main-forte, et purent le dégager. Nous demandons quand on se décidera à créer un poste de police, dont l’utilité devient de plus en plus urgente dans la commune de Vénissieux ».
Des bonnes nouvelles aussi !
Heureusement, les journaux apportent aussi leur lot de nouvelles plus heureuses. Le 10 juillet 1892, rapporte l’Echo de Lyon, un ballon gonflé au gaz décolle d’une usine de Vaise et, piloté par l’aérostier Antonin Boulade, s’élève dans les airs. « Le ciel est légèrement nuageux, mais le temps est beau et nous prévoyons un magnifique voyage ». Le vent soufflant du nord-ouest pousse le ballon à l’aplomb de Lyon. « La cité développe sous nos yeux ses mille toits, ses édifices, ses rues, ses jardins, ses quais ». Arrivé à 1650 m d’altitude, cet héritier de la montgolfière passe « au-dessus du mur d’enceinte, après avoir passé le Moulin-à-Vent, et nous suivons une ligne presque parallèle au chemin de fer de Grenoble ». En bas, c’est l’émerveillement. Pour la première fois de leur vie, les Vénissians voient un vaisseau aérien voler par-dessus leurs maisons.
Sources : https://collections.bm-lyon.fr/presseXIX
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