« J’aime cette ville, j’ai pris beaucoup de plaisir à enseigner ici, c’est un endroit qui me ressemble », affirme Djamel Mostefi. Pendant cinq ans, il a été professeur d’histoire-géographie au lycée professionnel Hélène-Boucher. Et cette année, il a choisi de se lancer dans une nouvelle aventure au lycée professionnel Tony-Garnier, à Bron. « J’ai souhaité partir car j’ai eu l’impression de terminer un cycle. Je suis né nomade, j’ai vécu nomade, et cela a peut-être influencé mon choix professionnel », explique l’enseignant. C’est donc avec émotion que l’établissement vénissian lui a dit au revoir en juin dernier.
Diplômé d’un master en affaire internationales, avec une spécialisation pour l’histoire du monde arabe contemporain, il n’était pas destiné à devenir professeur. « J’ai commencé comme animateur, puis j’ai été consultant en insertion professionnelle, et j’ai fait beaucoup de bénévolat et d’aide au devoir à Saint-Étienne, dans des milieux assez populaires, dont le quartier où j’ai grandi. Cela a toujours été dans mon tempérament de transmettre le plus possible : à mes amis, ma famille. C’est quelque chose que j’aime. Mais je suis devenu prof grâce à des rencontres, des opportunités et des circonstances», détaille-t-il.
Au service des élèves
Il devient alors enseignant contractuel dans sa ville d’origine, puis dans le Rhône, avec le désir d’enseigner dans les quartiers populaires : « J’ai pu voir la motivation de ces jeunes. » En 2019, on lui propose d’intégrer le lycée Hélène-Boucher, à Vénissieux. « J’avais le choix entre plusieurs établissements. J’ai suivi le choix du cœur : Vénissieux. J’ai été convaincu par son histoire, mon attachement aux quartiers populaires. »
« C’était comme un défi, continue-t-il. Je me suis dit que j’allais bousculer les choses en arrivant avec des projets différents. » Très pudique sur sa vie privée, il devient prolixe dès qu’il parle des élèves. « J’ai été marqué par la diversité des jeunes et j’ai vu chez eux une vraie appétence pour l’histoire du monde, mais aussi de leur ville. Nous avons eu de nombreux débats en cours, c’était très enrichissant et passionnant. Il ne faut pas oublier que nous, les enseignants, sommes au service des élèves. Il faut les valoriser, les mettre en confiance. Nous sommes des sortes d’outils intellectuels pour eux. Il faut s’oublier, ne pas se mettre en valeur. »
Tout au long de sa carrière, Djamel Mostefi a enseigné en lycée professionnel, car il estime que c’est « là où il y a le plus de besoins et où il y a l’envie de comprendre, de savoir ». « On voit très rapidement dans leurs yeux qu’ils s’épanouissent, se réjouit-il. Ils saisissent cette arme qui, pour moi, les rend invincibles : le savoir. Ce que j’apprécie avec ces profils d’élèves, c’est qu’ils n’hésitent pas à nous bousculer intellectuellement. Cette transmission de savoir entre eux et moi est utile, efficiente, efficace », affirme le professeur.
Des rencontres marquantes
Au cours de sa carrière au lycée vénissian, Djamel Mostefi a mis en place une multitude de projets. Certains en lien avec le programme scolaire, d’autres pour ouvrir ses élèves sur le monde. Il a fait venir à plusieurs reprises Claude Bloch, rescapé de la Shoah, qui s’est éteint le 31 décembre dernier. L’association Coup de Soleil est intervenue pour livrer des témoignages sur la guerre d’Algérie. Les élèves ont eu la chance d’accueillir Gwendoline Delbos-Corfield, députée européenne, pour comprendre les différentes institutions de Bruxelles et leurs rôles. Djamel Mostefi a aussi fait participer une de ses classes à une simulation du Parlement européen au sein de la Métropole de Lyon, et les jeunes ont pu devenir, le temps d’une journée, des eurodéputés.
« Il y a le programme scolaire, mais il faut aussi utiliser des passerelles historiques, culturelles, cela fonctionne bien avec les élèves. Tous les participants et intervenants ont à chaque fois joué le jeu. Ils ont donné de leur personne, ils sont venus sans a priori. Le rôle d’un enseignant, c’est ça aussi : il doit faire rencontrer des gens qui ne sont pas forcément destinés à se rencontrer. Et certaines rencontres sont marquantes émotionnellement, comme celle avec Claude Bloch. Pendant ces interventions, je me mets dans un coin et j’apprécie de voir les jeunes poser des questions, chercher à comprendre et participer au débat. Ce sont des confrontations intellectuelles qui sont riches. »
Malgré son départ de Vénissieux, l’enseignant garde des liens forts avec ses élèves. « Je les aime, ils sont formidables. On forme des ados, mais ce sont avant tout de futurs citoyens. C’est assez banal de dire ça, mais c’est la réalité. » Il est d’ailleurs encore en contact avec certains d’entre eux. « Par moments, ils me contactent à propos d’événements nationaux ou internationaux, pour avoir des précisions historiques, culturelles ou géopolitiques. Je trouve ça rassurant qu’ils se réfèrent à moi pour avoir plus d’informations sur certains sujets plutôt que de les trouver sur les réseaux sociaux. Pour cela, je leur dis merci, car cela en dit long sur mon travail, sur ce que nous faisons en tant qu’enseignants. C’est une nécessité impérieuse pour moi d’être toujours là pour eux. »
Alors qu’il commence tout juste dans son nouvel établissement, il ne manquera pas d’avoir régulièrement une pensée pour Vénissieux et les jeunes qui composent cette ville : « Il faut continuer à bousculer les choses intellectuellement et se rappeler que le savoir est invincible. »
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