– La trêve hivernale des expulsions locatives et des coupures d’énergie s’achève dans quelques jours, le 31 mars. Comme vous le faites chaque année depuis que vous êtes maire de Vénissieux, déposerez-vous, en Préfecture, de nouveaux arrêtés interdisant sur le territoire communal les expulsions, les coupures de fluides et les saisies mobilières ?
Bien évidemment. Cette année encore, le maire de Vénissieux que je suis va prendre trois arrêtés afin d’éviter les expulsions locatives, les coupures énergétiques et les saisies mobilières. C’est mon rôle d’élu de protéger les habitants et de me battre pour la dignité humaine, pour la préservation de la santé publique, ainsi que pour éviter certaines troubles. Car au-delà du traumatisme et de l’injustice que représentent les expulsions et les coupures de fluides, les solutions de substitution (par exemple, pour produire du chauffage) peuvent être dangereuses pour la collectivité.
– Quelle est la situation à Vénissieux ? Le nombre de familles concernées par la menace d’une expulsion ou d’une coupure a-t-il augmenté ?
Tout d’abord, Vénissieux n’échappe pas au contexte national, très tendu pour les familles populaires. L’inflation a eu des effets terribles sur ces populations, beaucoup ont basculé dans la pauvreté — voire dans la grande pauvreté —, ont connu pour la première fois de leur vie des difficultés pour payer leurs courses, la cantine des enfants et, par extension, leurs loyers et leurs factures énergétiques. Pour s’en convaincre, il suffit de repenser au prix payé pour le gaz et l’électricité voilà quelques années, et de comparer avec le montant actuel des factures !
Localement, nous en constatons les effets au quotidien, que ce soit dans nos rencontres avec les habitants, ou au CCAS (Centre communal d’action sociale), avec lequel de plus en plus de gens rentrent en contact pour se renseigner sur les aides disponibles ou pour demander l’aide d’un assistant social. Le constat est le même à la Maison de la Métropole, dont la mission est d’aider les plus démunis à surmonter leurs difficultés.
Du côté des chiffres, grâce au travail mené notamment par le CCAS et les associations, ils sont stables — ils avaient légèrement baissé entre 2021 et 2022. En 2023, il y a eu 150 ménages assignés en justice. 38 expulsions ont été programmées, et 25 ont fait l’objet d’un accord de concours de la force publique. Neuf expulsions ont été réalisées.
– Sauf surprise, la Préfecture va une nouvelle fois demander au tribunal administratif de suspendre vos arrêtés. Avez-vous opté pour un angle différent dans leur rédaction, afin de faire entendre vos arguments à la justice ?
On essaie, en effet, de trouver un angle juridique légèrement différent tous les ans, afin d’appuyer notre argumentaire devant le juge. Je ne désespère un jour d’obtenir gain de cause. Un combat qui n’est pas mené est perdu d’avance.
Et je sais que si le juge du tribunal administratif ne juge qu’en fonction de la légalité d’un arrêté, il ne peut être totalement sourd au contexte dans lequel il s’inscrit. En France, le droit au logement est bafoué, la loi DALO n’est pas respectée, on manque de logements sociaux parce que certaines communes ne veulent pas en construire, les solutions d’hébergement d’urgence (y compris celles destinées aux femmes victimes de violences conjugales) sont saturées… Bref, le système est engorgé. Alors oui, s’il y a bien un combat, de longue haleine, qui mérité d’être mené, c’est bien celui que je mène contre les expulsions locatives.
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