Flash-back dans les années quatre-vingt. Gabriel Boucher, père de Valéry, est alors responsable d’une salle de musculation à Corbas. Une section de boxe française y voit le jour le 4 novembre 1984. « Je me souviens précisément de la date, s’amuse Valéry, qui à ce moment-là n’a que 14 ans. C’était le même jour que le lancement de Canal + , la première chaîne à péage en France. Ange Giovanetti a été mon premier entraîneur, et j’ai tout de suite accroché. Pour moi, l’hyperactif, ce mélange de coups de pied et de coups de poing a été un coup de foudre. J’ai également eu la chance d’avoir mon frère Philippe, d’un an mon aîné, qui s’est inscrit peu après moi. Il était poids plume, technique, styliste, et moi, poids coq, plutôt rentre-dedans. On se complétait, et même quand il n’y avait pas de cours, on s’entraînait encore et encore. On se tirait la bourre. On a progressé si vite que « Dédé », un membre de la ligue de boxe française nous a conseillé de viser plus haut. »
C’est ainsi qu’en 1986, le duo intègre le Sport études de Vichy. L’aventure est en marche. « Je n’étais pas très attiré par l’école, admet Valéry, sauf pour les maths. Mais ça m’ennuyait de rester des heures assis. Dès mon entrée à Vichy, j’ai su que mon objectif allait être lié à la savate de haut niveau, j’allais donc tout miser sur elle. J’ai bien aimé mes années vichyssoises, j’y suis resté jusqu’à mes 20 ans. »
Quand la famille s’installe à Vénissieux en 1988, Gabriel Boucher reprend l’ancien club de BF estampillé CMO-V, le rebaptise Vénissieux Boxe Française et s’appuie sur Bruno Rudzky, Rafik Chergui, et ses deux fils, déjà multiples champions de France dans leurs catégories respectives. « C’est à cette époque que j’ai connu ma première sélection en équipe de France, fin 1988, souligne Valéry. J’étais conseillé par l’entraîneur national Richard Sylla, un surdoué, ce parrainage a été déterminant. Même si on n’était convoqué que trois fois l’an pour des stages en Russie ou au Liban, j’ai pu améliorer mon style, je suis devenu plus complet. »
Pourtant, un an plus tard, c’est la grande désillusion, le trou noir. « Je m’incline en demi-finale du championnat de France, une première. Une intoxication alimentaire contractée à Vichy m’avait affaibli, mais ça me faisait tout drôle de ne pas participer à une finale. Même scénario en demi-finale du championnat d’Europe que je perds. J’avais pris des coups, et quand tu perds, tu ressens vraiment la douleur. Finalement, ça m’a servi de leçon. À partir de 1990, je suis devenu intouchable. » Il sera de nouveau champion de France, chaque année, et ce jusqu’en 1993.
Le sacre grenoblois
Archi-dominateur au niveau national, avec notamment un succès face à Anthony Doubaria, détenteur du titre mondial, Valéry se dirige alors sans coup férir vers le grand rendez-vous de sa carrière. « Battre un champion du monde m’avait donné une telle confiance que j’étais sur un nuage. Plus rien ne pouvait m’arriver. » Si ce n’est des douleurs récurrentes au genou qui vont l’obliger à passer sur le billard, en octobre 1993. « Le docteur Chambat a tout fait pour que je sois rétabli en cinq semaines, avant la demi-finale du championnat du monde prévue à Vénissieux. » Dans un gymnase Anquetil acquis à sa cause, évitant de prendre des coups sur sa jambe opérée, Valéry s’impose sur disqualification de son adversaire (le Sénégalais Momar Taffa Gueye) et s’offre une finale mondiale le 4 décembre à Grenoble, face à José Pinhero.
Un car de 70 supporteurs vénissians se rend ce jour-là dans la capitale des Alpes. Avant même de croiser le regard de son adversaire, Valéry savait qu’il allait être sacré. « Ma jambe avait retrouvé puissance, souplesse et précision, j’étais très confiant. J’ai largement dominé quatre des cinq reprises. Il n’y avait pas photo, les juges m’ont déclaré champion du monde. J’avais atteint mon objectif, je pouvais ranger les gants de la savate. Pour l’anecdote, la fédération m’a récompensé d’une prime exceptionnelle de 12 000 francs… 2500 euros. Risible, non ? J’ai voulu ensuite tenter l’aventure en boxe anglaise. Mais j’ai vite compris que ce n’était pas pour moi. Du haut de mon mètre soixante, 55 kg tout mouillé, j’étais trop défavorisé par ma petite allonge. Impossible de régler la bonne distance. Après trois combats perdus, j’ai tout arrêté. »
Toujours la boxe française
Pour faire bouillir la marmite, le champion du monde enchaîne quelques petits boulots avant de trouver, en 1999, un poste de gardien d’immeuble à l’OPAC du Rhône (devenu depuis LMH). « J’ai été affecté boulevard Lénine, puis dans les quartiers Jean-Cagne et Division Leclerc. Je suis toujours agent de résidence à LMH, dans un coin de Parilly. J’y habite également, la vie est belle, je vais à pied ou à vélo au gymnase Jean-Guimier, en soirée ».
Car Valéry n’a pas tourné le dos à la Savate. Deux fois par semaine, il assure des cours de fitness, de remise en forme, du shadow et de boxe française à un groupe de femmes. « Elles sont assidues, vaillantes, c’est un bonheur de les coacher. En plus, ça me permet de m’entretenir. C’est essentiel pour mon équilibre, sans oublier ma famille bien sûr, mes enfants et mes petits-enfants. »
Quand on lui rappelle que ses deux premiers enfants, Mathias et Quentin, ont également été athlètes de haut niveau en athlétisme et en boxe thaïe, Valéry, qui n’a manifestement rien perdu de sa vivacité, lance avec humour : « Ils n’auraient pas dû opter comme moi pour des sports confidentiels. On voit où ça mène ! ».
Valéry Boucher digest
Mai 1970 : Naissance
1974 : 1re licence de BF
1985 : champion de France minime
1986 : champion de France cadet
1987 : champion de France cadet
1988 : licencié à Vénissieux Boxe Française et champion de France junior
1989 : vice-champion d’Europe junior
1990 : champion de France junior
1991 : champion de France espoir
1992 : champion de France senior, vice-champion d’Europe senior
1993 : Champion du monde, champion de France senior, vainqueur des Internationaux de France.
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