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Les jeunes aussi sont victimes de la fracture numérique

Ils connaissent les codes des réseaux sociaux par cœur, sont au courant des dernières applications à la mode et dès qu’un problème numérique survient, on se tourne régulièrement vers eux. Pourtant, les jeunes générations, souvent appelées « digital natives », peuvent être aussi perdues que leurs aînés quand il s’agit d’identité numérique ou de démarches administratives en ligne.

De nombreux jeunes abandonnent leurs démarches aux premiers obstacles et n’ont donc pas accès aux prestations sociales.

En France, près de 30 % des 15-29 ans se déclarent incompétents en matière d’administration numérique, selon l’association Terra Nova. Un chiffre faramineux qui peut en étonner plus d’un. On entend souvent le même discours : « Les jeunes sont collés à leur portable ». Les 15-29 ans sont d’ailleurs la tranche d’âge la plus équipée en smartphone, selon une étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques. On les a même surnommés les « digital natives » : ces enfants du numérique qui ont grandi entouré de mobiles multifonctions, d’ordinateurs et de tablettes.

« Les digital natives, ça n’existe pas, affirme de son côté Christophe Doré, intervenant et formateur pour l’association Fréquence école. On pense qu’ils sont nés avec, mais ce n’est pas vrai. Comme pour tout, il faut les accompagner, les former, leur expliquer ces outils et leur utilité. » Certes, ils connaissent les codes des réseaux sociaux : ils sont sur Instagram, Tiktok, Snapchat, mais ils sont surtout consommateurs. « Les jeunes consomment du contenu, explique le formateur. Ils regardent des vidéos, ouvrent des PDF, mais ne vont pas en créer ou en modifier. Ils n’ont pas un usage des outils de bureautique ou des logiciels. »

Une autre enquête de l’Insee le montre : ils sont au moins un jeune sur cinq à avoir une incapacité numérique entre les quatre compétences identifiées par l’institut de statistique : l’information, la communication, les logiciels et la résolution de problème.

Une « incompréhension des institutions »

Les 15-29 ans sont éloignés des sites institutions publiques. Alors dès qu’il s’agit de réaliser des tâches administratives, ils sont comme tout le monde : perdus. En 2019, 27 % des jeunes ne s’y sont pas connectés, contre 11,3 % des 30-44 ans et 15,3 % des 75 ans et plus. L’accès au droit est donc complexe tant pour les seniors que les plus jeunes qui font face à une méconnaissance de l’administration et des outils numériques. « Ils ne savent pas où trouver les documents qu’on leur demande et pourquoi ils les donnent, détaille Christophe Doré. Sur le terrain, j’ai pu observer une incompréhension des institutions ainsi qu’une défiance envers elles. Ils ne comprennent pas comment ça fonctionne et ce que ça peut leur apporter. »

Photo Emmanuel Foudrot

Même si les lycéens, en toute logique, ne sont pas familiers avec les sites de la CAF ou des impôts, ils expérimentent les difficultés d’accès sur des sites qui les concernent directement comme Parcoursup. « Les conseillers numériques interviennent dans les établissements scolaires comme au lycée Jacques-Brel pour aider les jeunes sur cette plateforme, souligne Imeyn Boumertit, responsable du développement numérique à la médiathèque de Vénissieux. Chaque année, on le voit, cet outil est vraiment compliqué et les jeunes peuvent avoir du mal à l’utiliser. »

Cette fracture entraîne une accentuation des inégalités. Beaucoup abandonnent leurs démarches aux premiers obstacles et n’ont donc pas accès aux prestations sociales. C’est pourquoi de nombreux équipements à Vénissieux, comme les centres sociaux ou le réseau des médiathèques, permettent aux habitants d’être accompagnés. À la différence de la grande majorité des services publics où l’on trouve de moins en moins d’accueil physique, avec un recours massif à Internet, notamment pour les déclarations d’impôts, les demandes de CAF, de logement social ou encore les démarches de santé.

Ces difficultés d’accès deviennent un véritable enjeu de société. Pour preuve : une proposition de loi transpartisane pour la « Réouverture des accueils physiques dans les services publics » a été déposée au mois d’octobre à l’Assemblée nationale par la députée LFI Danielle Obono. Une proposition de loi doublée d’une pétition sur change.org qui a déjà recueilli plus de 90 000 signatures.

Fréquence école : Aider les jeunes à « s’épanouir dans les mondes numériques »
L’association Fréquence école intervient régulièrement dans les établissements scolaires vénissians pour « accompagner la jeunesse à s’épanouir dans les mondes numériques ». « Nous intervenons de la primaire au post-bac pour faire de l’éducation aux médias et aux médias numériques », décrit Christophe Doré, intervenant et formateur.De nombreuses thématiques sont abordées comme l’identité numérique, l’esprit critique face à l’information en ligne ou encore les données personnelles afin que les élèves développent leurs compétences numériques. « Les data et les données sont deux grands enjeux de l’inclusion numérique, affirme le formateur. Il est important de comprendre ce qu’est une donnée, ce qu’est un algorithme, d’être formé à la data literacy, c’est-à-dire être capable de lire, utiliser, analyser et communiquer avec des données. ».Chaque année, l’association organise le festival SuperDemain avec des ateliers pour les enfants, jusqu’à 12 ans. Ce rendez-vous, sur inscription, est gratuit et aura lieu à l’hôtel de la Métropole du 24 au 26 novembre prochains. Cette année, la thématique porte sur « les émotions, le numérique et les enfants ». Parents et enfants pourront jouer, rencontrer des professionnels et obtenir des conseils sur la gestion des écrans ou en savoir plus sur Internet, les robots ou l’intelligence artificielle.

Questions à Bayrem Braïki : « Est-ce qu’un serveur est capable de comprendre des émotions ?  »

Bayrem Braïki, adjoint au développement numérique, rappelle que la fracture numérique est aussi un obstacle pour l’accès de chacun à ses droits.

Quelle est votre définition de la fracture numérique ?
C’est, concrètement, une manière de mettre à l’écart des populations déjà fragiles, en les privant de certains droits élémentaires au niveau, entre autres, de la santé, des loisirs ou de la retraite. À l’heure tout passe par le numérique, ceux qui sont en froid avec l’informatique sont forcément désavantagés. On pense souvent aux personnes âgées qui ont du mal à utiliser un smartphone. Mais les jeunes aussi sont concernés,  nombre d’entre eux sont incapables de se servir d’un traitement de texte ou d’envoyer leurs CV en pièces jointes.

Pourtant, les défenseurs du tout numérique mettent en avant l’aspect pratique d’Internet…
Pour les meilleurs, peut-être. Mais ce que nous constatons surtout, c’est que la relation des usagers avec les administrations et les entreprises se déshumanise. Est-ce qu’un serveur est capable de comprendre des émotions, de remplacer le contact humain, d’apporter une explication personnalisée ou simplement d’apprécier le caractère urgent d’une situation ?

Quelle est la politique de la Ville pour réduire cette fracture ?
L’innovation informatique est extrêmement rapide. Notre objectif est donc de démocratiser la pratique du numérique, de le rendre accessible à tous. Nous devons éduquer la population à ses usages, mais aussi former nos agents, qui doivent être en mesure d’aider le public à bénéficier de nos services. À notre niveau, nous voulons que le numérique serve à dégager du temps pour le contact humain. À Vénissieux, la Ville a embauché deux conseillers numériques, qui travaillent parallèlement avec deux autres, employés par les centres sociaux.

Quels sont les défis qui attendent la société dans les années à venir ?
L’intelligence artificielle doit être notre préoccupation majeure, mais c’est aussi celle de toutes les villes. L’IA est présente dans tous les foyers, elle influence nos modes de consommation, notre rapport à l’administration, aux loisirs, au droit, à tout un ensemble de choses. Il nous faut donc sensibiliser, former et informer.

Propos recueillis par A.S.

Venir en aide aux usagers

De nombreux dispositifs existent à la Médiathèque pour accompagner les habitants dans leurs différentes démarches liées au numérique.

La médiathèque propose de nombreux ateliers pour découvrir le numérique. Photo DR

Utiliser un ordinateur, un smartphone, créer un PDF ou réaliser des démarches sur Internet : ce n’est inné pour personne et cela s’apprend, à tout âge. Depuis quelques années, des dispositifs ont été créés pour accompagner les citoyens dans l’inclusion numérique et pour qu’ils soient autonomes : « La fracture numérique est très inquiétante pour la démocratie et l’accès aux droits, indique Alexandre Massipe, directeur du réseau des médiathèques de Vénissieux. Maintenant, on sélectionne les personnes en fonction de leur agilité en informatique. »

Alors pour lutter contre ce phénomène, la médiathèque a fait de l’inclusion numérique une priorité et lui donne une place considérable dans les différents événements qu’elle organise. « Nous proposons des Cafés numériques où l’on échange et partage nos compétences, décrit Imeyn Boumertit, responsable du développement numérique à la médiathèque de Vénissieux. Nous avons aussi mis en place des Rendez-vous numériques le samedi pour toucher les actifs. Pendant ces temps, les participants abordent la culture numérique de façon générale et on essaie d’aller plus loin que le simple traitement de texte. On leur apprend aussi à maîtriser leur identité numérique. »

Les jeunes aussi ciblés

Des permanences sont également proposées avec des conseillers numériques dans différents lieux du territoire comme la médiathèque ou les bibliothèques de quartier. « Ce sont des temps sans rendez-vous et adaptables en fonction des personnes. Ils sont là pour aider les personnes dans leurs usages quotidiens du numérique comme créer un compte Ameli, imprimer une attestation de la CAF ou tout simplement se familiariser avec les tablettes, les smartphones ou les ordinateurs. »

Des initiations à l’information et à Internet sont proposées pour permettre aux habitants, dès 12 ans, de prendre en main ces outils en plusieurs séances. La médiathèque organise aussi des ateliers ludo-pédagogiques pour les plus petits, en lien avec le programme scolaire où ils peuvent coder, s’initier à la robotique, à l’impression 3D, à l’utilisation des tablettes ou encore créer des applications ou des jeux vidéo.

« Le 18 novembre prochain, pour la journée internationale du jeu vidéo, nous allons apprendre aux jeunes à créer leur propre jeu vidéo et nous accueillons AmarVolte, un streamer vénissian. Ce sera l’occasion d’en apprendre plus sur son métier et le milieu du jeu vidéo pour rassurer les parents. C’est notre rôle aussi à la médiathèque, nous sommes là pour répondre aux besoins des habitants en les accompagnants et en dédramatisant certains usages autour du numérique. »

Programme scolaire : l’école s’empare de la problématique

Longtemps boudé, le numérique fait désormais partie intégrante du programme scolaire de la primaire au lycée. Pour Jonathan Barlerin, principal adjoint du collège Honoré-de-Balzac, la fracture numérique est nettement visible chez ses élèves : « Certains arrivent au collège et ne savent pas utiliser un clavier. Ils ont l’habitude d’autres outils comme des smartphones ou des tablettes, mais ne vont pas sur des ordinateurs. »

Désormais, de nombreux établissements sont dotés d’outils numériques comme des ordinateurs portables, le haut débit, des tableaux interactifs. Les cours au collège ont aussi été adaptés pour ajouter de l’éducation aux médias et à l’information et l’enseignement de l’informatique (codage, algorithmique).

Au lycée, depuis la rentrée 2019, l’enseignement Sciences numériques et technologie (SNT) est proposé. Ce cours permet aux élèves d’acquérir les principaux concepts pour comprendre le poids croissant du numérique et ses enjeux. « C’est intéressant comme programme, mais ça ne répond pas à la problématique de la fracture numérique, explique Christophe Doré, intervenant et formateur pour l’association Fréquence école. On est par exemple très loin de la compréhension des sites administratifs. »

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