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Réforme du RSA : des « heures d’activité » obligatoires qui ne passent pas

Le gouvernement envisage de conditionner le versement du RSA à la réalisation de 15 à 20 heures d’activités par semaine. Un projet qui fait grincer des dents.

Alors que la mobilisation sociale contre la réforme des retraites entre dans son sixième mois, avec une nouvelle journée de manifestations prévue le 6 juin, un autre sujet explosif s’immisce dans les relations entre le gouvernement et les syndicats : le conditionnement du versement du RSA (Revenu de solidarité active), dans le cadre du projet de loi « Plein emploi ». L’idée ? Demander aux bénéficiaires de cette aide de s’engager à suivre « un parcours intensif » de formation ou d’insertion, de 15 à 20 heures par semaine.

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, l’affirme : il ne s’agira pas de « travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire » : « Il s’agit d’être accompagné pour retrouver un emploi, de se former, de découvrir des métiers, de reprendre parfois tout simplement contact avec le monde du travail », a-t-il précisé au Figaro fin avril. Une expérimentation de la réforme a d’ailleurs été lancée en avril dans 18 départements, avec pour ambition de l’étendre progressivement pour la généraliser début 2027.

Et Pôle emploi aura un rôle important dans cette nouvelle version du RSA. « Je souhaite notamment que, sauf exception liée à la santé par exemple, les demandeurs du RSA soient automatiquement inscrits chez Pôle emploi. Actuellement, 40 % seulement d’entre eux le sont », a expliqué Olivier Dussopt auprès du Parisien/Aujourd’hui en France.

Chaque allocataire se verra ainsi proposer un diagnostic complet de sa situation et de ses besoins, en lien avec l’ensemble des acteurs de l’emploi. Lequel permettra de commencer le plus rapidement possible l’accompagnement, en orientant le bénéficiaire du RSA vers la structure et le parcours adéquats. Le projet de loi prévoit par ailleurs que le RSA pourra être suspendu temporairement, totalement ou en partie, lorsque le bénéficiaire refusera « sans motif légitime » d’élaborer un contrat d’engagement.

« Une main-d’œuvre encore moins chère pour les employeurs »

Sans surprise, cette réforme est vivement critiquée, notamment par les syndicats et les associations de défense des plus précaires. Dans un communiqué, l’intersyndicale dénonce « la conditionnalité d’accès au RSA », qui serait une « mesure de régression sociale ». « Ce projet de réforme est tout simplement inacceptable, estime Ludovic Rioux, délégué syndical CGT. Encore une fois, on fait culpabiliser des gens, souvent abîmés par un accident de la vie, de percevoir une petite somme d’argent qui ne permet même pas de vivre dignement. Ce sont des hommes et des femmes qui sont privés d’emploi, à qui on va demander de travailler gratuitement. Cette réforme va aussi avoir une conséquence désastreuse : les employeurs vont pouvoir faire appel à une main-d’oeuvre encore moins chère sous prétexte de ‘mise en situation sur le marché professionnel’. Ça ne va pas arranger la situation sur le marché de l’emploi. »

La Métropole de Lyon expérimente… mais à ses conditions

Localement, la Métropole de Lyon s’est portée volontaire pour expérimenter ce RSA « new look », tout en fixant ses conditions. « Nous partageons plusieurs des propositions formulées dans le cadre de France Travail et testées dans les expérimentations, explique Bruno Bernard, dans un communiqué commun avec Jean-Luc Chenut, président du Département d’Ille-et-Vilaine, et Michel Ménard, président du Département de Loire-Atlantique. La nécessité de favoriser une entrée rapide et dynamique dans un parcours d’accompagnement pour éviter que les personnes ne perdent espoir et capacité à se mobiliser dans leurs démarches. L’importance d’un accompagnement progressif et renforcé (…). L’exigence de mieux coordonner les efforts des divers acteurs concernés (…). L’importance de rapprocher les professionnels de l’insertion et l’emploi avec le monde de l’entreprise afin de favoriser l’accès à l’emploi durable, mais aussi de faire évoluer les entreprises vers des recrutements plus inclusifs, garants de la diversité et de l’égalité femmes-hommes. »

« Il ne saurait être question de créer un ‘RSA sous condition’, renforçant les devoirs des allocataires du RSA et les sanctions à leur encontre, pointe le président de la Métropole. Les personnes allocataires du RSA ont besoin d’être mieux accompagnées pour lever leurs difficultés et non d’être davantage sanctionnées alors qu’elles vivent déjà sous le seuil de pauvreté. Le RSA est un revenu de solidarité. Dans le cadre de l’expérimentation, nous refusons tout chantage à l’allocation à travers un pointage des heures d’activité. L’accompagnement est avant tout un droit pour les allocataires et un devoir pour la collectivité. »

Et Bruno Bernard de l’affirmer : si ces « principes fondamentaux » devaient être remis en cause dans le futur projet de loi ou « empêchés gravement par des mesures techniques contradictoires », la Métropole « se retirerait sans délai de l’expérimentation ». « La Métropole s’est immédiatement engagée à tester le dispositif, mais elle prend des risques, commente Ludovic Rioux pour la CGT. D’abord, parce que le côté ‘pas de travail obligatoire’, c’est une promesse, et on sait ce que valent les promesses avec ce gouvernement. Ensuite, parce qu’une fois intégré au dispositif, il est difficile de revenir en arrière. Que pourra faire la Métropole si, par la suite, le contenu du projet de loi change, et que cette dernière est adoptée ? Pas grand-chose. Il faut se méfier de ces projets qui semblent pleins de vertus mais dont les plus précaires sont les seuls à payer la facture. Nous sommes dans un contexte inquiétant pour les personnes en recherche d’emploi, avec la création de France Travail, qui va regrouper notamment Pôle emploi et les Missions locales. J’aurai aimé plus de prudence de la part de la Métropole… »

De quoi imaginer que cette réforme donne de l’élan à la mobilisation sociale, concentrée actuellement sur celle portant l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ? « Je ne sais pas, pointe Gilles de Gea, pour l’Union locale CGT. Ce qui est sûr, c’est qu’en ce moment,  entre le dossier des retraites, la réforme de l’assurance chômage et maintenant celle-ci, les plus précaires sont bien amochés par le gouvernement… Toute mauvaise décision, et celle-ci en fait partie, peut relancer la mobilisation sociale. Un ras-le-bol s’exprime dans le pays, et Macron serait bien avisé, pour une fois, de l’écouter. »


TROIS QUESTIONS À MARIE-CHRISTINE BURRICAND, CONSEILLÈRE MÉTROPOLITAINE VÉNISSIANE

« Le gouvernement se trompe de combat »

Conseil de quartier Anatole-France, Pdte Marie-Christine Burricand

Conseillère métropolitaine (groupe Communiste et républicain), ancienne présidente de la CLI (Commission locale d’insertion), Marie-Christine Burricand regrette de voir le gouvernement « privilégier la contrainte ».

– Le gouvernement prévoit de conditionner le versement du RSA à la réalisation d’heures d’activité. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

Avec cette réforme, le gouvernement se trompe de combat. L’objectif à défendre, c’est que chacun ait droit à un emploi et à un salaire. Les premiers efforts devraient porter sur cette question. Ce qui est surprenant avec ce projet, c’est que dans un très grand nombre de secteurs d’activité on dit manquer de candidats alors qu’on a toujours beaucoup de gens au RSA : le vrai effort à faire, il devrait être de former ces derniers pour accéder à ces emplois — c’est d’ailleurs le sens même de cette aide sociale. Car on sait que pour un certain nombre de bénéficiaires du RSA, il existe un frein à l’emploi, qui peut être divers (maîtrise de la langue française, de santé, de formation, lié à un accident de la vie…) mais qui doit être levé pour revenir sur le marché du travail. Pour cela, il n’y a pas d’autre solution que de mettre du budget dans la formation. Obliger les bénéficiaires à accomplir des travaux mal définis, ça n’a pas de sens. Cela va contribuer à les « enfermer » dans ce statut, et je doute très fortement que cela leur permette d’accéder à un emploi plus durable. On va créer des travailleurs « captifs ».

– Est-ce qu’on ne stigmatise pas, une nouvelle fois, les bénéficiaires du RSA ?

Totalement. Mais ce n’est pas nouveau : cycliquement, depuis que le RMI — devenu RSA par la suite — existe, on a des gouvernements qui affirment que trop de bénéficiaires ne veulent en fait pas travailler, que d’autres fraudent… Sauf que les études ne montrent pas ça du tout ! La réalité, c’est que la part des bénéficiaires qui ne veulent pas travailler est très faible. On stigmatise les plus pauvres et les plus fragiles sous couvert d’une solution miracle, par la contrainte, qui n’existe pas.

– Quelles autres solutions préconisez-vous ?

Tout est une question de budget : quand j’entends que le gouvernement est prêt à porter, d’ici 2030, à 413 milliards le budget de la Défense, je m’étrangle. S’il y a de l’argent, plutôt que d’enrichir des marchands d’armes qui n’ont franchement pas besoin de ça pour avoir la belle vie, mettez-le dans un programme de formation ambitieux, pour les plus éloignés du marché du travail notamment ! Ce sont aujourd’hui des emplois essentiels, dans la santé par exemple, qui ne sont pas pourvus. Ce sont des besoins concrets, exprimés aussi par les plus fragiles — je pense notamment aux personnes âgées —, qui ne sont pas satisfaits. Et ce alors qu’il y a toute une partie de la population qui ne demande qu’à avoir le savoir-faire pour pouvoir travailler.


TÉMOIGNAGES

Respectivement bénéficiaire et ex-bénéficiaire du RSA, Gus et Ranya portent un regard amer sur le projet de réforme de cette aide sociale.

Gus, 61 ans : « Personne ne veut m’embaucher »

« Je suis vieux, personne ne veut m’embaucher, et il faudrait que je fasse semblant d’avoir une chance en allant 15 heures par semaine je ne sais où, faire je ne sais quoi ? Il faut arrêter l’hypocrisie. Les bénéficiaires du RSA sont avant tout comme moi, des personnes qui présentent un problème pour le marché de l’emploi, qui fait qu’ils ne trouvent pas de travail. Des fois, on peut le résoudre, ce problème, par de la formation par exemple ou des soins médicaux, et d’autres, non : je peux aller faire des formations soixante heures par semaine, je ne vais pas rajeunir ! J’ai été ouvrier toute ma vie, aujourd’hui j’ai les mains en compote et les usines ferment partout en France. Je n’ai plus droit au chômage, alors je touche le RSA. Je vis seul, je limite les dépenses au strict minimum. Mais j’essaie d’apporter autre chose à la société, je donne un coup de main, presque tous les jours, à l’association de mon fils par exemple. Je suis plus utile là qu’en allant faire croire à un conseiller Pôle emploi que je peux devenir informaticien. »

Ranya, 42 ans : « Il a fallu que je me reconstruise »

« Moi, le RSA, je l’ai touché pendant trois ans. Divorcée, j’ai vécu avec mon fils de 10 ans avec environ 900 euros par mois. J’entendais aux informations parler des fins de mois compliquées, mais pour moi, c’était dès les premiers jours que c’était la galère ! Mon quotidien, c’était la calculatrice pour faire les courses, les rappels de paiement par courrier et par SMS, les choix à faire entre manger et acheter un livre pour l’école. La vie au RSA, ce surtout de la survie.

Je déteste l’idée que les bénéficiaires du RSA seraient des feignants. J’en ai connu quelques uns dans mon entourage. Nous étions tous pareil : un événement nous a fait tomber dans la précarité. Moi, c’est quand mon ex-mari est parti. J’étais en longue maladie, je ne pouvais pas retravailler tout de suite, et avant toute chose, il fallait que je me forme à un nouvel emploi. Et que je gère mon fils au quotidien ! Donc mes années passées au RSA n’ont pas consisté à regarder la télévision, assise sur mon canapé. Il a fallu que je me reconstruise, mentalement et physiquement, que j’apprenne un nouveau métier. Quand je lis le contenu de la réforme, j’ai surtout l’impression qu’on cherche de la main d’œuvre gratuite. Si l’on m’avait imposé 15 à 20 heures d’activité par semaine, sans pouvoir les moduler selon mes possibilités, je ne serai jamais sortie du RSA. Pire, je me dis que j’aurais pu finir à la rue. »

1 Commentaire

1 Commentaire

  1. Marie

    11 février 2024 à 10 h 15 min

    Bjr
    Il faut cesser de dire que ns smes des fainéants, croyez vs qu il est simple d embaucher des femmes à partir de 50 ans?on en veut + de ces femmes là !
    Depuis qqs années le monde du travail n appartient qu aux hommes,c est dur à dire mais c est la triste réalité
    Pdt que certains crèvent la dalle,d autres se remplissent les poches sur le dos des pauvres,les patrons doivent bien rire!!!
    Enlever 10euros sur ts les salariés et 20euros sur les responsables d entreprises serait bcp + judicieux!

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