Photo Isabelle Fournier
Grâce à la ténacité de quelques-unes — et non de quelques-uns —, des femmes artistes commencent à revenir à la surface du fond des oubliettes où elles avaient été enfouies. La plus célèbre aujourd’hui est sans doute Alice Guy, première femme cinéaste, première cinéaste tout court puisque, après l’invention du cinéma par les frères Lumière, on en est enfin à se demander qui le premier (ou la première) a tourné la première fiction cinématographique ? Georges Méliès ou Alice Guy ? On pencherait aujourd’hui pour Alice Guy et sa Fée aux choux, sortie le 31 mars 1896.
Il en va de même pour Hildegarde de Bingen : qui connaît le nom de cette compositrice du XIIe siècle ? Elle sera citée dans le spectacle Diva Syndicat, présenté par la compagnie Mise à feu au Théâtre de Vénissieux ce 10 mars à 20 heures, dans le cadre du festival Essenti’Elles. Chanteuses et multi-instrumentistes, Noémie Lamour et Gentiane Pierre vont faire revivre les femmes à travers l’histoire revue et (enfin) corrigée de mille ans de musique occidentale. « Un spectacle pour les jeunes et les moins jeunes, avec de la musique, de l’humour et des paillettes. »
Avant le spectacle, à 19 heures, en partenariat avec l’association H/F Auvergne Rhône-Alpes, Maïté Cussey évoquera les mécanismes de l’effacement des femmes, notamment dans les domaines culturels et artistiques. « Puisque le spectacle parle de la musique, explique-t-elle, je voudrais prendre un panorama plus large sur le matrimoine. Étymologiquement, le mot signifie « héritage des mères ». Le mot patrimoine n’est pas neutre et nous militons pour que la manifestation qui lui est consacrée soit renommée Journées de l’héritage culturel ou Journées du patrimoine et du matrimoine. Certaines municipalités sont plus à l’écoute, telle Rouen qui a pris l’initiative de les renommer, mais pas Lyon. »
« Dans les dernières nominations aux Oscars et Césars,
il n’y avait aucune réalisatrice »
Maïté Cussey, membre de l’association H/F Auvergne Rhône-Alpes
En ce qui concerne la réévaluation de la place des femmes dans la culture, les faits vont-ils dans le bon sens ? Maïté n’en est pas sûre : « On a tendance à imaginer cela comme quelque chose de linéaire, qui irait de mieux en mieux. Mais ce n’est pas vrai. » Ainsi, malgré ce que l’on croit, le Moyen Âge n’était pas aussi obscurantiste qu’on voudrait le croire. Elle cite Christine de Pizan qui, en 1404, écrivit La Cité des dames. « Son livre mettait à l’honneur ce que les femmes avaient fait. Leur valorisation connaît des cycles. Ainsi, Beauvoir a fait beaucoup pour elles et nous étions en temps de crise. Or, pas besoin de crise pour le faire ! »
Pour la période contemporaine, Maïté Cussey reprend le terme de « backlash » (littéralement « contrecoup ») utilisé par l’Américaine Susan Faludi. « Lorsque l’on constate des avancées, forcément les forces conservatrices vont faire pression pour engager un recul. Comme pour le droit à l’avortement. »
Elle cite le rapport écrit par Reine Prat en 2006, qui a donné naissance à H/F. « Les chiffres n’évoluent pas tant que cela, ils ont tendance à stagner. Ainsi, une immense majorité d’hommes dirigent des théâtres. Dans les dernières nominations aux Oscars et Césars, il n’y avait aucune réalisatrice. Et lorsque l’on récompense une femme, c’est comme si l’on disait que, maintenant, on pouvait passer à autre chose. »
Derniers commentaires