Maux de ventres intenses ou troubles digestifs : des symptômes longtemps banalisés chez les femmes, notamment pendant leurs règles, et qui pourtant sont tout à fait anormaux. Ces souffrances peuvent être dues à l’endométriose, une maladie gynécologique chronique qui toucherait près d’une femme sur dix en France.
En moyenne, sept années peuvent s’écouler avant que le diagnostic ne soit réalisé, en raison de la faible spécificité des symptômes, du tabou autour des règles ou encore de la banalisation des douleurs lors des cycles menstruels.
Cela a été le cas pour Manon. Aujourd’hui âgée de 32 ans, ses symptômes sont apparus en 2012 alors qu’elle était étudiante. Malgré ses nombreux appels à l’aide, personne ne l’a cru et c’est seulement en 2021 qu’on a posé un nom sur ses maux. « J’ai commencé à avoir des douleurs du jour au lendemain. Puis ça a évolué, j’ai eu mal avant mes règles, ensuite pendant, puis depuis quatre ans, c’est devenu quotidien. »
Les effets de la maladie ont pris de l’ampleur : vomissements, maux de ventre, diarrhées, constipations et problèmes urinaires (mycoses, infection urinaire…). Des symptômes récurrents avec l’endométriose. « J’avais comme un bouclier de douleur dans toute la zone du ventre. C’était invivable, mon mari me retrouvait parfois par terre tellement la douleur était forte. »
« J’ai dit à mon médecin : ‘j’en ai marre, je veux une IRM’. Deux heures après, le résultat a mis fin à dix ans d’incohérence médicale et de culpabilité. »
Après sa deuxième grossesse, la souffrance a été tellement importante lors de son retour de règles qu’elle a décidé de prendre les devants. « Je m’étais renseignée. J’ai dit à mon médecin : ‘j’en ai marre, je veux une IRM’. J’ai eu mon rendez-vous et deux heures après, le résultat a mis fin à dix ans d’incohérence médicale et de culpabilité. Quand les médecins disent que ce n’est rien pendant des années alors qu’on souffre, ça a un impact psychologique. »
Si les deux grossesses de Manon se sont bien déroulées, 40 % des femmes atteintes d’endométriose auraient des problèmes pour concevoir un enfant. Cette maladie est même la première cause d’infertilité en France. « Dans certains cas, elle peut aussi entraîner de fortes douleurs lors des relations sexuelles, au fond du vagin », ajoute Charles-André Philip, praticien hospitalier au service gynécologie-obstétrique à l’Hôpital de la Croix-Rousse.
Cette maladie reste encore aujourd’hui très méconnue, autant par les spécialistes que par les personnes touchées. « Nous sommes au début de la recherche. Il y a beaucoup de découvertes à faire, il y a sûrement d’autres formes, d’autres symptômes que nous ne connaissons pas encore », estime Charles-André Philip.
Des traitements pour atténuer les symptômes
Une fois l’arrivée de la ménopause, les douleurs disparaissent. Mais aucun traitement curatif n’a été trouvé. « C’est une maladie hormonale, un déséquilibre, on ne sait pas encore comment la guérir, on peut seulement améliorer la situation des patientes », précise le praticien. « Il peut y avoir un traitement adapté à chacune d’elles », confirme Florence Couder, gynécologue-obstétricienne.
Pour certaines femmes, les traitements médicaux classiques ne sont pourtant pas suffisants. À l’hôpital Saint-Joseph/Saint-Luc, centre expert et de référence sur l’endométriose où exerce Florence Couder, on recourt à l’acupuncture, l’ostéopathie, à des séances de kiné. « Certaines patientes en ont vraiment besoin et leur vie peut être améliorée, affirme Florence Couder. Nous sommes dans les débuts de la prise en charge. En cinq ans, beaucoup de choses ont évolué, mais il y a encore un long chemin à faire… »
Du côté de l’hôpital de la Croix-Rousse, le Docteur Philip travaille sur une nouvelle méthode, l’Hifu (plus d’informations ci-dessous) afin d’atténuer les symptômes pour les patientes qui subissent une extension de la maladie jusqu’au rectum. Avec des ultrasons focalisés à haute intensité, une technique jusqu’alors utilisée pour soigner les cancers de la prostate, l’Hifu se présente comme une alternative à la chirurgie, qui peut être très lourde et entraîner des complications.
Pour Manon, la solution a été de prendre une pilule contraceptive en continu afin de couper son cycle menstruel, et de faire du sport à haute dose. « Je n’ai plus les périodes d’inflammations les plus difficiles, mais les problèmes de digestion sont toujours présents et peuvent arriver à tout moment. »
La jeune femme fait preuve de résilience. Elle est devenue la représentante régionale d’EndoFrance, une association qui organise des groupes de parole, dispense des conseils. Et Manon n’hésite pas à en parler autour d’elle, dans sa vie personnelle comme professionnelle. « Je le fais depuis quelques mois, ça m’enlève un poids et du stress. On m’a un peu volé dix ans de ma vie, maintenant ça suffit ! »
Pour plus d’informations vous pouvez contacter EndoFrance par email : rhonealpes@endofrance.org
EndAURA, une plateforme d’entraide
Dans le cadre du plan national de lutte contre l’endométriose lancé début janvier par le gouvernement, un réseau de prise en charge a été mis en place dans la région. Le site EndAURA met à disposition un annuaire de praticiens spécialisés, mais aussi des vidéos ou des articles. « Cette plateforme est essentielle pour guider les patientes vers la meilleure prise en charge et permet aussi d’en savoir plus sur cette pathologie », décrit Florence Couder, médecin-spécialisé gynécologue-obstétricienne à l’hôpital Saint-Joseph/Saint-Luc.
Un traitement révolutionnaire made in Lyon
Depuis maintenant sept ans, l’hôpital de la Croix-Rousse travaille sur une nouvelle méthode afin d’atténuer les symptômes de l’endométriose pour les patientes qui subissent une extension de la maladie jusqu’au rectum. Cette technologie, dite Hifu, est faite d’ultrasons focalisés à haute intensité. Ils sont introduits au niveau du rectum via une sonde et le nodule est alors brûlé. « C’est un enjeu majeur avec une efficacité significative sur les symptômes : diminution des douleurs de règles, amélioration des signes digestifs, des relations sexuelles sans douleur… », détaille Charles-André Philip, praticien hospitalier au service gynécologie-obstétrique, qui travaille sur cette méthode. Cette alternative à la chirurgie en est encore aux essais cliniques et va d’ici peu entamer sa dernière phase de test. « Pour le moment, nous avons moins de 1% de risque. On espère que toutes les femmes concernées pourront y avoir accès d’ici deux ans », conclut Charles-André Philip.
Derniers commentaires