Si chacun porte en soi un jardin secret, celui de Fanette Chambon a pour terreau les mots solidarité, action locale, insertion sociale, laboratoire d’expérimentation et lutte. Autant de graines que la jeune femme a plantées, entre autres, au jardin de l’Envol où elle a travaillé et dont elle a fait le sujet de son mémoire de licence : « Comment adapter le jardin à vocation sociale et nourricière de l’Envol au dérèglement climatique ? »
Née en Ardèche et passant son enfance à Lyon, Fanette reconnaît que, de ce va-et-vient entre la ville et la campagne, « une soupape de nature a créé une forte sensibilité à ces questions ».
« J’ai toujours habité en appartement et je n’avais pas accès à la nature, hormis pendant les vacances. » Elle ajoute qu’en grandissant, les thématiques du traitement des déchets et de la protection des animaux ont pris de l’importance. « Je suis devenue végétarienne dès 13 ans. Le jardinage est venu plus tard, quand je me suis politisée un peu plus. J’ai alors réfléchi à la question de l’alimentation et de sa production. »
Lycéenne, Fanette rêve d’un BTS en gestion et protection de la nature. « Mais les options qui s’offraient étaient soit un BTS privé — mes parents n’en avaient pas les moyens —, soit d’aller à Vienne. Mais là encore, ce n’était pas possible. Je suis donc partie à la fac par dépit… et j’ai adoré ! »
« J’avais fait un dossier de candidature pour un jardin partagé et le Passe-Jardins, qui gère le jardin de l’Envol, m’a prise dans le cadre d’une subvention d’État liée au Covid. J’ai bénéficié du seul poste d’alternante créé ici. Aujourd’hui, il n’y a plus de subvention pour cela. »
Fanette s’oriente sur l’agriculture urbaine, « éminemment politique », précise-t-elle et présente son mémoire sur le jardin de l’Envol. « Toutes les luttes se sont construites sur le fait qu’on mange. Le jardin partagé est un mode d’action local hyper puissant, un laboratoire d’expérimentation et d’insertion sociale. Dans mon mémoire, j’ai choisi de parler de dérèglement climatique et non de réchauffement. On constate une augmentation de variations et d’imprévisibilités du climat. Dans les jardins, ces modifications environnementales modifient la productivité et l’accessibilité, quand il fait plus chaud ou plus humide. »
Ainsi, l’Envol a-t-il perdu en productivité ces cinq dernières années. Elle cite le passage de 2 tonnes de légumes en 2015, ce qui était « la plus forte productivité du jardin », à 800 kg en 2019. « Il y a eu plein de raisons : la canicule, le gel tardif, etc. Comment agir ? Ici, on peut tester des choses. C’est la force du collectif. »Elle évoque Philippe Zerr, un maraîcher urbain, et sa ferme dans le quartier des États-Unis : « Il arrive à une vraie productivité et a un regard professionnel agricole. C’est un vrai soutien pour nous d’avoir ce regard. »
« Toutes les luttes fonctionnent ensemble »
Quels moyens mettre alors en place ? Fanette évoque, par exemple, « le travail progressif sur le choix des semences ». Avec le Passe-Jardins, elle va les chercher à Valence, où il fait plus chaud, et les choisit pour leur bonne rusticité, pour la résistance au froid et à la sécheresse.
« Nous devons anticiper l’évolution climatique. Ainsi, un paillage couvre le sol pour éviter l’évaporation de l’eau. Il faut aussi améliorer les serres, les couvrir d’ombrières, éviter les phénomènes d’UV et de gouttes froides. »
Salariée-apprentie du Passe-jardins, Fanette a fini son contrat en septembre dernier. Ce qui ne l’empêche pas de revenir de temps en temps dans cet Envol de 2500 m2 qu’elle apprécie tant, qu’elle semble connaître par cœur et dont elle parle avec ferveur, mentionnant tous ceux qui y œuvrent : Sylvie, Yvette, Patricia, Farida… Elle fait d’ailleurs partie du conseil d’administration.
« Je suis partie travailler dans des fermes de l’Europe de l’est. J’ai d’ailleurs récupéré pour l’Envol des graines et des techniques de jardinage. Mon but est de devenir animatrice de jardins. Je travaille aujourd’hui dans un restaurant servant des produits bio et locaux. Je suis également impliquée dans le squat de l’Île Égalité, à Villeurbanne, avec une autre gestion du collectif. J’essaie de faire fonctionner différentes structures ensemble. Je travaille 25 heures de mon temps et fais 30 heures de bénévolat. Et je continue d’être engagée dans des actions féministes, anticarcérales, LGBT, etc. Je n’arrive pas à choisir une lutte. Toutes me plaisent et toutes fonctionnent ensemble. Je suis une utopiste. Une idéaliste. J’aime ressentir une joie militante. »
Quant à son prénom, est-il dû à la chanson de Jacques Brel ? « Non, mes parents m’ont dit qu’il était en relation avec la littérature provençale, style Marcel Pagnol et Alphonse Daudet. Et puis, Fanette peut faire nom de fleur, non ? »
Une jolie fleur, effectivement, pas près de se faner.
Le 5 juin à 15 heures, Fanette Chambon animera une visite guidée du jardin de l’Envol et parlera des adaptations au dérèglement climatique.
Renseignements au Passe-Jardins : 04 78 00 22 59.
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