La 15e édition du baromètre de la pauvreté du Secours populaire montre une aggravation de la précarité, liée à la crise sanitaire. Lydia et Noël, tous deux Vénissians, ont plongé dans les difficultés en l’espace d’un an. Ils témoignent.
Dans leur appartement de la rue du Professeur Roux, dans lequel ils vivent avec leurs deux enfants (Enzo, 12 ans, et Nour, 10 ans), Lydia et Noël* ne s’attendaient pas à tomber aussi rapidement dans la précarité. « Depuis la crise du Covid, tout est allé très vite », soupirent-ils.
Lydia, 38 ans, était prothésiste ongulaire à mi-temps. Son mari, 41 ans, était serveur dans un restaurant. « Avec nos deux revenus, précisent-ils, avant le Covid, nous arrivions à vivre. Nous percevions environ 2 100 euros nets, en comptant les allocations familiales. Aujourd’hui ce n’est plus le cas« .
« Pendant les confinements, nous avons été mis en chômage partiel, explique Noël. Nous avons touché 84 % de notre salaire. Mais dans la restauration, je recevais aussi quelques pourboires et je n’étais pas totalement déclaré – une pratique répandue dans ce secteur. Si bien que les aides de l’État ont été calculées en fonction des heures indiquées sur mon contrat de travail. »
La boutique où travaillait Lydia n’a, elle, pas survécu à la crise. « Elle était ouverte depuis cinq ans, se souvient-elle. Certaines de nos clientes ont fait face à des difficultés financières. Elles avaient d’autres priorités que les ongles. J’ai été licenciée. »
Suite à la crise, et après le second confinement, Noël a décidé de quitter la restauration. « Nous avions perdu environ 1 000 euros par mois. Les dettes se sont accumulées. Mais nous avons toujours payé notre loyer. Je suis actuellement en intérim, envoyé dans une société en tant que magasinier. Chaque dépense est comptée, même pour nos enfants. »
« La tenue de sport d’Enzo, qui est en 5e, ne lui va plus, illustre sa maman. Il a fallu en acheter une autre. Il y a aussi la licence pour le football. Notre fille fait de la danse, on a payé son cours en plusieurs fois. C’est extrêmement difficile. Heureusement que nos parents ne sont pas loin. » Et les enfants se rendent compte de la situation : « On voit que nos parents sont inquiets », témoigne Enzo. « Ce qui me fait peur, ajoute Nour, c’est de ne plus pouvoir vivre ici, dans notre appartement, de quitter ma chambre et pire encore, quitter mon quartier. »
Près d’un Français sur deux en perte de revenus
Ce que vit la famille de Lydia et Noël est une triste illustration du constat fait par le Secours populaire, dans son sondage annuel réalisé avec l’Institut Ipsos : la crise sociale liée à l’épidémie de Covid-19 a davantage frappé les plus précaires. Ainsi, alors qu’un tiers des Français déclaraient en 2020 avoir perdu des revenus, cette proportion grimpe en 2021 à 45 %.
Pour Sébastien Thollot, secrétaire national en charge du secteur France et responsable de la fédération du Rhône du SPF, « l’année 2020 a été extrêmement difficile en termes d’explosion sociale. Beaucoup de salariés en chômage partiel n’ont perçu que 84 % de leur salaire. De nombreuses entreprises n’ont fait aucune compensation de salaire. Les dettes se sont alors accumulées. Actuellement, il y a une petite reprise économique, pour autant la situation n’est pas stable ».
Une dégradation qui se traduit par des privations de plus en plus nombreuses. « Notre rapport montre que 20 % des Français, soit un sur cinq, déclarent sauter certains repas « parfois ou souvent », alors qu’ils étaient 14 % dans ce cas en 2020. 32 % ne peuvent pas consommer des fruits et des légumes frais tous les jours (+3 points par rapport à 2019 et +5 points par rapport à 2018) et 30 % sont dans l’impossibilité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour faire trois repas par jour (+7 points). »
Idem au niveau local. « Nous avons aidé dans le Rhône l’an dernier 19 500 personnes, reprend Sébastien Thollot. Dont plus de 7 000 enfants concernés par une solution de solidarité. »
* Les prénoms ont été modifiés
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