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Révolution française, an I

1789 et 1790 : ces années qui ont vu la fin de l’Ancien Régime ont été parmi les plus importantes dans l’histoire de Vénissieux. Celles où tout a basculé. Lumière sur un épisode qui était jusqu’à présent totalement méconnu.

Révolution française, an I

Des évènements assez lointains, et plutôt pacifiques. C’est ainsi que les Vénissians vécurent probablement les prémices de la Révolution française. À Grenoble, les gens du peuple s’étaient révoltés dès juin 1788, en tenant tête aux troupes du roi, et avaient rapidement obtenu gain de cause : les membres du tiers état allaient désormais siéger aux côtés des aristocrates et des ecclésiastiques dans une assemblée chargée de gérer les affaires de la province du Dauphiné, laquelle s’attela d’emblée aux moyens de mettre fin aux privilèges fiscaux dont bénéficiaient la noblesse et le clergé.

Mais cette atmosphère consensuelle tourne court lors de l’été 1789. La nouvelle de la prise de la Bastille provoque à travers toute la France une vive inquiétude. Comment la noblesse va-t-elle réagir ? En massacrant le peuple ? Partout, les villageois prennent peur, se rassemblent par milliers, et s’arment pour répondre aux éventuelles attaques. Puis, la tension étant à son comble, ils se retournent contre les symboles de leur asservissement, pillant les abbayes, assaillant les châteaux.

Rien que dans le nord du Dauphiné, entre le 27 juillet et le 5 août 1789, 71 d’entre eux partent en fumée ou sont saccagés : comme les châteaux de Pusignan, de Jonage, de Meyzieu.

À Vénissieux, point d’attaque de ce genre. Le seigneur du village, Catherine-Claudine de Chaponay, n’y a aucun château mais seulement un vaste domaine agricole cultivé par un fermier, et elle passe pour une dame au grand cœur. Pourtant, chez nous aussi, l’ambiance est électrique. On relève même un mort.

Le 6 août 1789, l’on découvre le long « des terres de Mr de Brizon, seigneur de Feyzin », le corps d’un domestique, Jean Buis, « écrasé et noyé dans un fossé ». Les représentants de la justice seigneuriale sont appelés, et constatent l’évidence : il a été tué. Dans quelles circonstances ? Mystère. Le mort venait de Montpellier et n’avait a priori aucun lien avec Vénissieux. A-t-il été victime d’une méprise ? L’a-t-on pris pour un pillard ? Ou pour un employé du seigneur ? Nous ne le saurons jamais.

Après cette flambée de violence que l’on a nommée « La Grande Peur », la fureur retombe. Pour calmer le pays, les députés de l’Assemblée Nationale votent durant la nuit du 4 août l’abolition des privilèges et la suppression du système seigneurial.

Catherine-Claudine de Chaponay devient une simple citoyenne, tandis que les employés de sa justice seigneuriale – maître Izelin le greffier, Monsieur Roux le lieutenant de châtellenie, Charles Gadot le procureur -, perdent leurs attributions au profit d’une nouvelle organisation judiciaire, publique et non plus privée. La page d’un monde se tourne, une nouvelle ère commence.

Antoine Thibaudon, premier maire de Vénissieux

14 février 1790. Ce jour-là, les Vénissians élisent, pour la première fois dans leur histoire, le maire de la commune. Rassemblés dans l’église du Bourg, les 300 à 400 chefs de famille du village écoutent les différents candidats, puis votent : leur maire sera Antoine Thibaudon. 



Ce faisant, ils choisissent une valeur sûre. Thibaudon appartient à une famille ancrée à Vénissieux depuis le 15e siècle au moins, et occupe un rang assez élevé dans la société villageoise.

Parti dans la vie comme simple vigneron, à peu près au milieu de la hiérarchie sociale, il a peu à peu gravi les échelons jusqu’à devenir un « laboureur », autrement dit un paysan aisé.

La preuve : au moment de son mariage en février 1758, son épouse Françoise Comte ne lui avait apporté que 200 Livres de dot. Alors qu’au moment de marier sa fille Benoite, en 1786, Antoine Thibaudon fut en mesure de lui donner 1160 Livres de dot, dont « un papillion en or et des boucles de soulier d’argent ».

Surtout, Thibaudon a la confiance de ses concitoyens. Capable de lire et d’écrire, à une époque où seulement 45 % des Français sont alphabétisés, il se dévoue pour gérer bénévolement les affaires de plusieurs vénissians illettrés – comme Louis Garapon, un laboureur lui aussi, qui lui passa procuration devant notaire en 1781. C’est donc un self-made-man, connu et estimé de tous, qui devient le premier maire de Vénissieux le 14 février 1790.

En tant que tel, il eut à installer les nouvelles institutions issues de la Révolution : la commune pour commencer, mais aussi la garde nationale, l’ancêtre de notre police municipale, à laquelle chaque homme du village en état de porter les armes devait appartenir. Il mit aussi en place les nouveaux impôts, enfin payés par tous les Vénissians et non plus par les seuls roturiers.

Se lança-t-il dans des travaux au village ? Prit-il des décisions en faveur des déshérités de la vie ? Partageait-il les nobles idéaux des philosophes des Lumières et des pères de la Déclaration des droits de l’Homme ? Hélas nous l’ignorons, le premier registre des délibérations municipales de Vénissieux ne commençant qu’en janvier 1794.

Une chose est sûre, il fut particulièrement apprécié en tant que maire, car dès le 18 février 1790 soit quatre jours après l’élection municipale, le notaire du village le nomma respectueusement « Antoine Thibaudon fils a Benoit, maire de cette commune ». Idem le 4 novembre 1790, lors du mariage de Marie Thibaudon, « fille d’Antoine Thibaudon, maire de Vénissieux ».

Son mandat, pour historique qu’il soit, ne dura qu’un an et neuf mois. De nouvelles élections intervinrent à l’échelle nationale en novembre 1791, qui portèrent le citoyen Labonne en tête de la mairie. Antoine Thibaudon décéda peu après, le 10 décembre 1792, « l’an premier de la République », à l’âge « d’environ soixante-trois ans ».

Sources : Archives municipales de Vénissieux, GG9. Archives du Rhône, 3 E 11452 et 3 E 11467 à 11480.

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