En résidence littéraire auprès de l’Espace Pandora, le poète drômois a multiplié les ateliers d’écriture en vue d’une exposition poétique à la médiathèque et publie « Couple » à La Rumeur libre.
Nouvel auteur en résidence auprès de l’Espace Pandora, Arnaud Savoye connaissait Vénissieux. Le poète drômois y était venu pour un projet déjà piloté par Pandora, « Le coup d’après », pour lequel il anima des ateliers d’écriture avec des classes FLE (Français langue étrangère), des centres de loisirs, des scolaires (Pasteur, Saint-Exupéry)… « J’ai beaucoup travaillé sur la poésie bilingue contemporaine, explique-t-il. Je lisais la traduction et eux le texte original. »
À l’occasion d’une dictée républicaine prévue à la Maison de quartier Darnaise, Arnaud Savoye devait créer un texte qui inclurait ce qui avait été écrit pendant les ateliers. « Ils ont pioché dedans pour faire se croiser mon regard et leur quotidien. Je vis dans la ruralité et eux en ville. Mais la dictée n’a pu se tenir à cause de la crise sanitaire. C’est ainsi que j’ai connu Vénissieux, avec l’idée de me laisser inspirer par les lieux. Pendant deux jours, je l’ai sillonnée en prenant pas mal de photos. Vénissieux est une ville où l’on se sent bien, très boisée, une ville forte où les habitants ont la parole facile. Ils viennent raconter leur histoire, leur commune, comment ils ont grandi… On apprend beaucoup. » D’où cette envie d’y revenir.
Arnaud a découvert la poésie vers 12-13 ans, alors qu’il a l’occasion d’entendre le poète aveyronnais Christian Da Silva. « Il a été le déclencheur. Suite à cette rencontre, j’ai commencé à écrire mes premiers poèmes. Après, j’ai basculé et la poésie a toujours été présente. »
Il se dit aussi marqué par le militantisme de ses parents syndicalistes et de son grand-père communiste. « Je me souviens du Larzac, des manifs pour Lip ou contre les constructions de centrales nucléaires à Nogent-sur-Seine et Plogoff. Il y eut aussi les réfugiés politiques, chiliens ou salvadoriens, tel René. Mes parents avaient une grande bibliothèque et nos déménagements successifs, que j’ai mal vécus, m’ont enfermé dans les livres. J’étais en 4e ou en 3e lorsque j’ai mis la main sur Le Manifeste du surréalisme d’André Breton. Ce fut l’une des portes qui m’ont conduit plus précisément vers la poésie. Je viens d’une famille ouvrière et mes parents étaient éloignés de l’art et de la création mais ils récupéraient beaucoup de livres. Ils connaissaient une dame qui faisait des ménages chez Gallimard et qui leur offrait les spécimens qu’elle recevait de l’éditeur. »
Au cours d’un nouveau déménagement, la famille se retrouve à Besançon où Arnaud découvre les musées de la Citadelle et des Beaux-Arts… et donc la peinture. « Je voulais essayer de comprendre Max Ernst, Picabia, Picasso et autres. Je montais aussi à la Citadelle pour écrire et ce fut pour moi la première rencontre entre la peinture et la poésie, un mélange qui me travaille toujours. »
« La création naît beaucoup de l’accident »
Le poète glisse alors sur sa rencontre avec Daniel Leuwers et la définition des « livres pauvres », « une feuille de papier Canson pliée en deux et éditée en quatre exemplaires ». Le premier qu’il réalise avec la plasticienne Sandrine Cerdan, sa « complice de création », vient des réminiscences d’un voyage scolaire à Berlin, effectué en 1980, « à l’époque du mur ». « J’étais dans une famille dont la mère avait une sœur qui se trouvait à l’Est. À un endroit spécifique, elles pouvaient se voir par-dessus le mur. Cela m’a marqué. »
Édité pour la ville de Belfort, le livre pauvre en question, De l’Allemagne-Berlin, mesure 4,40 m de long soit « quatre feuilles de 1,10 m réunies par une couture qui symbolise les barbelés. C’était un boulot de fou tiré à quatre exemplaires : un pour le plasticien, un pour l’auteur, un pour la ville qui fait la commande et un pour l’éditeur, Daniel Leuwers. »
Arnaud multiplie ainsi les expériences avec des plasticiens jusqu’à l’idée de créer une maison d’édition, le Tiercelet, pour jouer avec la typographie et l’utilisation de la presse Freinet. Ce goût pour la typo, il le doit à l’Atelier du Hanneton, spécialisé dans les livres d’artistes. Pour ces derniers, Arnaud écrit é, avec des photos d’Éric Maulavé. « Celui-là est fou dans le bon sens du terme. Photographe à Libé, il s’est intéressé aux épluchures et voulait fabriquer le papier avec des poireaux. Pour ma part, j’ai toujours réfléchi autour du livre et ce qu’on voulait en faire. Peu importe les matériaux, les supports, pourvu qu’on soit au cœur de la création. Avec é, nous avons enregistré un CD avec le guitariste de jazz Yanni Balmelle et une chorégraphe s’est inspirée du livre pour un spectacle de danse. »
Ici et ailleurs
Arnaud se retrouve donc une nouvelle fois à Vénissieux pour animer des ateliers avec quatre classes du lycée Jacques-Brel, deux de l’école Anatole-France, quatre de l’école Léo-Lagrange, une grande section de la maternelle Louis-Pasteur mais aussi avec la Mission locale, la médiathèque Lucie-Aubrac et deux groupes des ateliers d’art plastiques Henri-Matisse.
« Nous avons travaillé la thématique de l’ailleurs. Les textes des ateliers, quelque 300 poèmes-affiches, ont commencé à être collés un peu partout dans la médiathèque. Ils mélangent l’ici et l’ailleurs. Les ateliers d’arts plastiques devraient eux-mêmes fabriquer des totems et réfléchir à la confection d’un texte en volume. J’avais envisagé au départ une déambulation dans toute la ville mais la crise nous oblige à nous adapter, rebondir. La création naît beaucoup de l’accident. Et il faut toujours le conserver. Des gamins m’ont remis en question sur ma façon d’écrire et, entre le lâcher-prise et la maîtrise, il faut savoir trouver l’équilibre. »
L’exposition sera visible à la médiathèque du 10 avril jusqu’à la fin mai.
Arnaud Savoye publie Couple à La Rumeur libre, maison d’édition à laquelle l’Espace Pandora est désormais rattaché. 10 euros.
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