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Culture

Joël Vernet en résidence à Vénissieux : une voix pour dire le monde

Démarrée en février, la résidence d’auteur du poète Joël Vernet a été interrompue par la pandémie du Covid-19. L’auteur de Lâcher prise et des Couleurs du silence est de retour à Vénissieux ce 26 septembre. Où il restera jusqu’au 6 novembre.

Démarrée en février, la résidence d’auteur du poète Joël Vernet a été interrompue par la pandémie du Covid-19. L’auteur de Lâcher prise et des Couleurs du silence est de retour à Vénissieux ce 26 septembre. Où il restera jusqu’au 6 novembre.

« Tu seras écrivain et rien d’autre. » C’est ce que s’était promis Joël Vernet à la fin des années soixante-dix, alors qu’il avait 22 ans. En se disant que ce n’était pas si simple, lui qui venait d’un milieu campagnard.

« Je suis né au Puy-en-Velay, explique-t-il, mais je préfère dire que je viens d’un petit village de Margeride, à 45 km du Puy, où j’ai passé une grande partie de mon enfance. Mon père travaillait sur les chantiers et était amené à se déplacer. Ma toute petite enfance a été assez nomade. Puis, avec ses cinq enfants, ma mère s’est sédentarisée à Saugues, le pays de la bête du Gévaudan, où je suis resté jusqu’au collège. J’ai eu la chance inouïe de vivre dans cette nature sauvage et intacte. »

Comme son grand-père maternel est locataire d’une toute petite ferme, Joël partage son temps entre elle et la maison de village à Saugues. « Bien de mes proses ont pris naissance dans ce lieu toujours considéré comme merveilleux. »

Modestes, ses parents sont « ouverts et curieux du monde », mais sans beaucoup de livres à la maison. « Ils s’exprimaient en occitan entre eux. Ils nous parlaient en patois mais nous devions répondre en français. Même si je le comprenais, je n’ai jamais parlé le patois mais je garde en fond d’oreille la musique, le rythme de cette langue. »

Joël garde les vaches et devient « observateur, contemplateur ». Jusqu’au drame. « Absent, mon père déléguait l’éducation à notre mère. Il meurt en 1965 dans un accident du travail. Ce jour noir allait bouleverser nos existences. J’étais un gamin mutique et ça n’a fait qu’aggraver la chose. » Sa mère ne fait alors plus jamais mention de ce père disparu, souvenirs trop douloureux pour elle. Marqué à tout jamais par cette tragédie, Joël va prochainement éditer à la Rumeur libre Mon père se promène dans les yeux de ma mère. « J’étais en CM2, dans une petite classe rurale. Ma mère a frappé à la porte et, devant toute la classe, en larmes, elle a annoncé la nouvelle. Le bon élève que j’étais s’est alors beaucoup dégradé. Mystérieusement, j’ai cherché le moyen d’exprimer ces douleurs, ces souffrances, ce monde dans lequel je vivais. J’avais l’alphabet pour moi. »

L’alphabet pour moi

Vers 10-12 ans, Joël commence à écrire. Et découvre la ville. Il entre au lycée au Puy, « dans les années après 68 ». Ses profs l’ouvrent à la lecture et le journal scolaire lui permet de publier ses premiers poèmes. Puis, c’est le départ à Lyon où, inscrit en fac de psycho, il se retrouve exilé dans son propre pays et seul, sans argent. « Je n’ai eu ni soutien familial ni boussole. Il a fallu que je m’invente mes repères. » Il fréquente les librairies de la ville et fait la connaissance d’autres exilés, dont beaucoup d’Africains. En particulier d’un Malien, resté à ce jour son meilleur ami. Il rencontre aussi les poètes lyonnais : Charles Juliet, Patrick Laupin et le tout jeune Thierry Renard, qui avait 15 ans.

Il multiplie les petits boulots : à la radio, dans l’Éducation nationale, et continue à écrire. Avec obstination, dit-il. Quand il accompagne son copain en Afrique, c’est « une deuxième naissance ». Il se met alors à voyager : le Mali, la Côte d’Ivoire, le Niger, l’Égypte, le Soudan, le Caucase, le Québec, la Syrie et Alep, où il vit deux ans, la Turquie, Bahrein, le Tadjikistan, Vladivostok… Jamais mieux, convient-il, que lorsqu’il séjourne dans des pays inconnus. Et notant dans des carnets des impressions, un détail, un visage. « Le je que j’utilise n’est pas une passerelle qui refermerait sur moi. Ce je est un nous tous. Et je veux donner forme à ma voix pour dire le monde. »

Ses livres, « un peu brûlés, désespérés », l’ont amené jusqu’à Vénissieux, invité par Thierry Renard et son Espace Pandora. « Je l’ai connu en 1978, pour le lancement d’un livre de Charles Juliet, à l’ancienne bibliothèque municipale de Vénissieux. Je l’ai toujours vécu comme un tambour résonnant de la poésie mais j’avoue que je mesurais mal le travail de cette équipe de Pandora, avec ce grand professionnalisme sous une apparence nonchalante, ce grand appétit de vivre. »

Joël apprécie cette façon de « ne jamais perdre de vue le lieu d’où l’on vient et les gens qui y vivent » qu’affectionnent Thierry Renard et les membres de son association. Il met cela en relation avec la passion du poète suédois Tomas Tranströmer, prix Nobel de littérature en 2011, pour « les hommes des notes de bas de page, pas ceux des grands titres ».

En arrivant à Vénissieux en février, Joël Vernet a rencontré des maternelles, des enfants de primaires, des élèves allophones et des adultes « sans jamais de plan préétabli »« Ma mission est très simple : amener ces personnes à produire quelques textes. Il est souvent question de l’identité, du voyage. Et les rencontres sont étonnantes. Comme cet élève à qui je parlais de la Prose du Transsibérien et qui m’a récité un poème de Blaise Cendrars par cœur. Je suis agréablement étonné par Vénissieux, ses infrastructures, son tramway, son métro, ses efforts sur l’enfance, sur la végétation. »

Joël Vernet avoue aimer les paysages et les portraits flous. Espérons que celui-ci ne soit pas trop net.

Joël Vernet participe au Jour du livre ce 26 septembre. Durant sa résidence, qui s’achèvera le 6 novembre, il animera des ateliers d’écriture avec des scolaires (Parilly, Pasteur, Aragon), la Mission locale, etc. Inscriptions auprès de Christophe La Posta : mediationculturelle@espacepandora.org
Dernier ouvrage publié : Carnets du lent chemin, copeaux (1978-2016) à La rumeur libre.

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