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Dans les supermarchés, la chasse aux masques est ouverte

À quelques jours du déconfinement annoncé par le gouvernement, les collectivités (Région, Métropole, communes…) attendent encore leurs commandes de masques et les professionnels de santé sont toujours rationnés. Pendant ce temps, la grande distribution en vend des centaines de milliers chaque jour depuis lundi, « sans marge » assure-t-elle mais avec des prix multipliés par dix en quelques mois.

Exemple d’une boite de 50 masques « chirurgicaux » vendue en grande surface. Photo DR

À quelques jours du déconfinement annoncé par le gouvernement, les collectivités (Région, Métropole, communes…) attendent encore leurs commandes de masques. Pendant ce temps, la grande distribution en vend des centaines de milliers chaque jour, à la grande colère des professionnels de santé.

Au début de la crise, c’étaient les pâtes et le PQ. Depuis le 4 mai, des centaines de milliers de masques « chirurgicaux » sont vendus chaque jour en grandes surfaces. « Chaque matin » serait plus juste, tant ces protections individuelles partent vite. Depuis le début de la semaine, aussi bien à l’immense hypermarché Carrefour Vénissieux qu’à la supérette Casino du centre-ville, l’ensemble du stock mis en vente est vendu avant midi.

Pour l’instant, les différentes enseignes sollicitées estiment qu’il est trop tôt pour nous dire combien de masques sont écoulés quotidiennement. Toutefois, selon des sources internes à l’hypermarché vénissian, la veille du 4 mai, premier jour de la vente en grande surface, Carrefour aurait disposé de 27.600 masques. Son voisin du boulevard Joliot-Curie, Netto, en avait reçu 9.000 exemplaires.

Un prix plafonné…

Le prix des masques vendus en grandes surfaces a été plafonné à 95 centimes l’unité par le gouvernement. Pour désamorcer l’accusation de profiter de la crise sanitaire pour engranger les bénéfices, les grands groupes du secteur assurent qu’ils vendent les masques à prix coûtant. Dans la plupart des enseignes vénissianes contactées, le prix est bien plus bas que le maximum autorisé, il tourne autour de 58 centimes l’unité. C’est loin des prix proposés jusque-là par les rares buralistes et pharmaciens qui en proposaient à des prix bien plus élevés, leurs centrales d’achat n’ayant visiblement pas la même « force de frappe » que celles de la grande distribution…

… mais multiplié par dix !

C’est très loin aussi des prix d’avant la crise… Les professionnels de santé dénoncent une explosion du coût de ces équipements en seulement quelques mois. « En février dernier, le coût de revient était de 7 centimes l’unité », s’indigne un chirurgien-dentiste. « Toute guerre a ses profiteurs », lâchaient d’ailleurs sept organisations de professionnels de santé dans un texte cinglant publié le 30 avril, où ils s’offusquent du nombre « sidérant » de masques annoncés à la vente par la grande distribution, et l’accusent d’avoir profité de la situation pour stocker des masques. Ce que démentent les grandes enseignes, qui expliquent leurs livraisons massives par les contacts de longue date qu’ils ont en Chine. Quant à la différence de prix, elles soulignent que la loi de l’offre et de la demande a été bien comprise par les fabricants chinois et leurs affréteurs.

Grosses boites et petits lots

Les lots de masques chirurgicaux vendus depuis le 4 mai à Carrefour Vénissieux. Photo DR

Si le prix unitaire de l’équipement reste à peu près le même partout dans les supermarchés, le conditionnement change selon les enseignes. Par exemple, les Casino du centre-ville et des Minguettes et le Netto du boulevard Joliot-Curie vendent les masques par boites de cinquante, au prix de 29,54 euros le lot. À Carrefour et au Super U du Moulin-à-Vent, ces boites sont « délotées » et les produits re-conditionnés par sachets de 5 unités. Pourquoi cette manipulation supplémentaire ? « Cela permet de servir plus de monde, surtout que l’achat est limité à deux lots maximum par jour et par client, explique une salariée de Carrefour. Et à 2,90 euros le lot, le prix paraît plus accessible. » Revers de la médaille, « les caissières se font enguirlander par des clients qui voudraient de plus grandes quantités d’un coup », confie une employée de Super U. Il est vrai que cet équipement jetable est censé avoir une durée d’efficacité de 4 heures maximum…

La crainte de manquer

Se faire « enguirlander » par des clients mécontents, c’est déjà le lot quotidien de beaucoup d’employés de grandes surfaces, qui craignent désormais les réactions d’énervement devant d’éventuelles ruptures de stock. « Les patrons des grandes enseignes ont fait les malins en annonçant des millions de masques disponibles pour attirer les clients, estime Sacha Tarassioux, délégué CGT de Carrefour Vénissieux. Ils nous mettent en danger, encore une fois, en attirant encore plus de monde au risque de les frustrer parce que les personnes venues n’auront pas trouvé le Saint-Graal… Ils sont vraiment inconscients d’annoncer des centaines de millions de masques quand on n’en reçoit pas suffisamment pour tenir au-delà de midi ! »

Éviter les émeutes

Accusés également de transformer les masques en « produit d’appel » pour attirer le chaland, les grandes surfaces réfutent ce « mauvais procès ». À Carrefour et à Super U, les masques ne sont donc pas placés en rayons, mais vendus à la caisse, et il n’est pas obligatoire d’acheter autre chose. Chez Netto, les protections ne sont remises qu’après une réservation sur Internet, à raison d’une boite de 50 par client et par jour. Cette technique permet aussi d’éviter que les rayons ne soient pris d’assaut lors de foires d’empoigne. « J’avais peur de manquer et je ne voulais pas me retrouver dans une émeute, témoigne Dominique, une retraitée qui a pu se procurer mardi une boite commandée la veille. Je suis rassurée d’avoir quelques masques à la maison, mais à 30 euros la boite, je me demande comment font les familles ! »

Photo © R Bert Expressions

 

1 Commentaire

1 Commentaire

  1. Guillaume

    6 mai 2020 à 15 h 49 min

    Ne serait-ce pas simplement un effet d’annonce qui serait recherché ? Un coup de com avec le masque comme produit d’appel. Surfer sur les craintes et les espoirs pour faire du business sur le reste du magasin. Tout un programme et un sujet pour le monde d’après.

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