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« Noire » : celle qui refusa de céder sa place dans le bus

En adaptant le livre de Tania de Montaigne consacré à Claudette Colvin, jeune fille noire s’étant élevée contre la ségrégation raciale aux États-Unis avant Rosa Parks et dont l’Histoire n’a pas retenu le nom, Émilie Plateau livre avec la bande dessinée « Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin » un émouvant récit tout à la fois intime et universel qui illustre non seulement le combat des Noirs mais aussi celui des femmes.

Photo Rita Scaglia

Les personnages d’Émilie Plateau sont dessinés tout petits, perdus dans une immense page blanche, dans un paysage ou une architecture. Ils ne sont que des humains parmi d’autres, quasi anonymes, même si leur action a contribué à changer l’Histoire. C’est le cas de Claudette Colvin, cette jeune fille noire d’une quinzaine d’années qui vit dans les années cinquante à Montgomery, dans l’Alabama. En refusant de céder sa place à un blanc dans un bus, elle va enfreindre les horribles lois ségrégationnistes baptisées Jim Crow. Noire est le récit émouvant du parcours de Claudette, un nom que l’Histoire a effacé. Un parcours qu’Émilie et Tania de Montaigne, l’auteur du livre dont s’inspire la bande dessinée, résument en une phrase, très forte : « Il fallait être quelqu’un pour être celle qui n’était pas Rosa Parks. »

Noire ne raconte pas seulement le combat des noirs contre les lois racistes, dans une Amérique pas si éloignée de nous que cela, mais aussi celui des femmes. L’occasion était trop belle, avec la sortie de cette BD le 18 janvier, de laisser la parole à Émilie Plateau.

Quel a été votre parcours ?
J’ai toujours fait du dessin dès mon plus jeune âge. J’ai suivi des cours à la MJC de Thonon-les-Bains puis j’ai intégré les Beaux-Arts, d’abord à Saint-Étienne puis à Montpellier. C’était compliqué de faire accepter aux profs que je faisais de la bande dessinée alors qu’ils enseignaient l’art contemporain. En dehors des cours, j’ai créé un fanzine avec des amis, diffusé dans les lieux culturels. À partir de la quatrième année, un premier stage dans une maison d’édition montpelliéraine, Six Pieds sous terre, m’a mis un pied dans la BD.

Vous étiez dès le départ intéressée par la bande dessinée ?
Oui, j’en avais beaucoup lu. J’ai d’abord été abonnée à J’aime lire, puis j’ai dévoré les classiques, Tintin, Astérix. Mes choix se sont ensuite affirmés et je suis allée vers les éditeurs indépendants, ce qui était moins classique, tout en ne sachant pas si je voulais faire spécifiquement cela.

Ce sont ces lectures qui ont défini votre style ?
Il est venu de deux choses : de mes lectures et de l’influence des Beaux-Arts. Comme c’était compliqué de faire passer le fait de dessiner de la BD, j’ai usé de subterfuges. Et ça a donné ce style. J’ai ensuite publié plusieurs BD autobiographiques chez deux éditeurs indépendants, Six Pieds sous terre et Misma. Déjà, je notais beaucoup ce que j’entendais dans mon entourage et je retranscrivais ces petites scènes sous forme de BD. J’étais le personnage principal. Je n’ai plus eu envie de parler de ce que je vivais et j’ai travaillé pour la presse jeunesse. Mais j’avais envie de collaborer avec un scénariste. J’ai fait un entre deux en adaptant un roman, celui de Tania de Montaigne. J’ai écrit le scénario et, sur certains passages, elle me donnait son avis, ses retours dans une sorte de mini-collaboration.

Comment Tania de Montaigne a-t-elle reçu cette idée d’adapter son livre en BD ?
C’est elle qui cherchait. Elle avait contacté un ami, Gilles Rochier. Quand il a lu le livre, il a pensé à moi et m’a proposé de l’appeler. J’ai lu le roman de Tania, eu un grand coup de cœur et nous nous sommes rencontrées. Ce qui m’a intéressé c’est comment une femme qui pouvait être une héroïne de l’Histoire avec un grand H a été rapidement évincée. Ce sont des sujets qui me tiennent à cœur.

Avez-vous fait des recherches sur Claudette Colvin ?
Oui, énormément. J’ai retrouvé des photos, regardé des films sur la ségrégation et des vidéos d’elle. La dernière image de la BD — Claudette, âgée de 79 ans, assise sur un banc —, je l’ai trouvée sur YouTube.

Pourquoi vos personnages sont-ils toujours dessinés petits, souvent perdus dans une page blanche, dans un paysage ou écrasés par une architecture ?
Pour montrer la banalité du quotidien, pas besoin d’effets de dessin. Juste de petites touches, de petits détails.

Vous placez d’emblée le lecteur/lectrice dans la peau de Claudette Colvin…
C’était déjà dans le roman, ce qui aide pour l’identification, l’empathie.

Et le grand travelling du début, qui nous fait parcourir les États-Unis pour parvenir jusqu’à Montgomery ? Il fait penser à ce grand zoom qui inaugure Le Roman de la momie de Théophile Gautier, qui part de la description de la ville pour arriver à l’intérieur d’une chambre.
Cela aussi vient de Tania, démarrer du général pour arriver au particulier. C’est un énorme zoom. C’est ce qui m’attirait dans le roman, tous ces points communs entre nos deux écritures qui sont synthétiques et vont droit au but.

Savez-vous déjà quel sera le sujet de votre prochain livre ?
Pour l’instant, j’ai envie de revenir à l’autobiographie. J’aime le faire. Après, je suis prête à d’autres collaborations, à ouvrir de nouvelles portes.

« Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin » d’Émilie Plateau, d’après le livre de Tania de Montaigne. Éditions Dargaud. Sortie le 18 janvier 2019.

 

 

 

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