Moins de deux semaines après la fin de la trêve hivernale, une famille monoparentale vénissiane a été expulsée de son appartement. Il ne lui restait pourtant que quelques semaines à patienter avant de bénéficier d’un nouveau logement, attribué par la commission d’insertion de la Maison de la veille sociale du Rhône.
L’expulsion a débuté aux alentours de 8h30 ce mardi. Accompagné d’un équipage de policiers du commissariat de Vénissieux, un huissier agissant pour le compte du bailleur Immobilière Rhône Alpes* a expulsé Amina** et ses trois enfants (seul un d’entre eux était présent ce matin) de leur appartement, proche du centre-ville. La surprise n’était pas totale pour la locataire : initialement prévue pour la veille au soir, l’expulsion avait simplement été décalée d’une demi-journée.
Rapidement sur place, des militants du Réseau d’alerte et de solidarité des Vénissians, qui combat les expulsions, viennent soutenir la famille. L’ambiance est tendue entre policiers, famille et militants. « Normalement, l’expulsion ne devrait pas avoir lieu, déplore André Mazuir, l’un des porte-paroles du Réseau. Le 5 avril, un logement situé à Oullins lui a été attribué par la commission d’insertion de la Maison de la veille sociale du Rhône. Il avait été libéré la semaine d’avant, il fallait juste attendre qu’il soit prêt à recevoir de nouveaux occupants. […] C’est complètement ridicule ».
Appelé en renfort, un second équipage de policiers prend position vers 10 heures devant la porte de l’appartement. À cet instant, Amina ne sait pas où elle dormira le soir, ni quand elle pourra récupérer les affaires qu’un déménageur doit transporter dans un garde-meubles à Lissieu (Nord-Ouest Lyonnais). « Elles seront à votre disposition ensuite », l’informe un policier. « Comme je n’ai pas de voiture, je vais y aller comment ? », lui répond-elle au bord des larmes.
Peu de temps après, Marie-Christine Burricand, conseillère municipale et métropolitaine communiste, arrive sur place. Elle précède de quelques minutes Saliha Prudhomme-Latour, adjointe au maire chargée des affaires sociales. Toutes deux connaissent bien le dossier, suivi notamment par le CCAS de la Ville.
Une expulsion qui ne règle rien
« Cela va coûter beaucoup d’argent à la collectivité, parce qu’il va falloir loger les gens le temps qu’ils aient leur nouvel appartement, puisque les services sociaux étaient intervenus, lance Marie-Christine Burricand à l’attention de l’huissier. C’est une expulsion qui ne sert à rien, qui va coûter cher à la famille et à la société. Il suffisait simplement d’attendre un peu… ». Peine perdue. « Nous sommes juste là pour exécuter un ordre, tout comme l’huissier est là parce qu’il a été mandaté, l’interrompt un agent de police. Si vous avez des doléances, vous vous adressez à qui de droit. » L’élue réplique : « J’ai vu des policiers et des huissiers qui décidaient de surseoir à l’expulsion. »
Vers 11h30, l’expulsion est terminée, la porte de l’appartement condamnée. Entre-temps, on a pu trouver pour Amina un logement provisoire par le biais de l’ALPIL (Action pour l’insertion par le logement). Mais rien n’est réglé pour autant. « Cela fait cinq ans que je suis en demande de logement. J’en suis à trois dossiers de surendettement à la Banque de France, avec une dette de presque 10 000 euros. Tout le monde savait que j’étais en train de couler », conclut Amina.
Du côté du bailleur, on assure que la dette d’Amina s’élevait à près 18 000 euros, dont 4 000 environ effacés en décembre 2014 grâce à une procédure de rétablissement personnel. « En cinq ans, seuls trois loyers, d’un montant de 314 euros après APL, ont été réglés. Mais nous n’avons jamais pu communiquer avec la locataire, qui n’a pas donné suite à notre proposition d’accompagnement social », précise-t-on encore. Puis de souligner que « l’expulsion est une décision difficile, jamais prise à la légère, qui intervient toujours en dernier recours ». Pourquoi toutefois n’avoir pas attendu quelques semaines avant de la déclencher, le temps qu’Amina retrouve un nouveau logement ? « Nous ne pouvions pas savoir qu’elle avait trouvé une solution d’hébergement, puisqu’elle refusait tout contact avec nous », se défend le bailleur.
* filiale du groupe national 3F
** Le prénom a été changé
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