Chaque 31 mars prend fin la « trêve hivernale ». Le printemps revenu, les locataires en difficulté peuvent de nouveau être flanqués à la rue en toute légalité. Et tous les ans, à Vénissieux, une cinquantaine de familles sont touchées par ces pratiques. En 2017, 98 « concours à la force publique » ont été demandés, et 64 expulsions ont été programmées. Le travail réalisé, en amont, par la Ville, certains bailleurs et les partenaires sociaux, permet de limiter les expulsions, mais parfois il ne suffit pas. L’an dernier, 26 expulsions ont été effectuées, tandis que 19 ménages étaient partis avant l’expulsion, par honte, par peur et par pression. En 15 ans, le nombre d’expulsions locatives avec concours de la force publique a augmenté de 140 % en France.
Cette année, comme tous les ans à cette période depuis 2009, le maire de Vénissieux prend des arrêtés pour interdire les expulsions sur le territoire de la commune. Depuis le 30 mars, les saisies mobilières, les expulsions locatives sans proposition de relogement, les coupures d’électricité et de gaz et l’interruption de la distribution d’eau sont donc interdites dans les résidences principales vénissianes.
Ces mesures sont contenues dans les quatre arrêtés signés le 30 mars par Michèle Picard, maire de Vénissieux. Ils ont été adressés aux services municipaux, au commissariat de police, ainsi qu’à la Préfecture, pour le « contrôle de l’égalité ». Une étape que ces documents ne franchiront pas, dans l’état actuel de la loi. En France, pour l’heure, le droit de la propriété est plus sacré que le droit d’avoir un toit.
Sans surprise, donc, le préfet du Rhône saisira le tribunal administratif de Lyon pour faire invalider ces décisions, arguant qu’un maire n’a pas le pouvoir de faire obstacle à l’exécution d’une décision de justice, fussent celles ordonnant l’expulsion d’un vieillard ou la coupure de l’électricité à une famille. Quelques semaines plus tard, l’audience publique sera l’occasion pour Michèle Picard de défendre publiquement son action, « avec la volonté de faire évoluer la jurisprudence, pour qu’un jour ces arrêtés constituent un rempart légal contre l’injustice des expulsions ».
Pour le maire de Vénissieux, « ces arrêtés sont un acte de désobéissance nécessaire pour refuser l’intolérable, parce que face à l’innommable, il faut savoir dire stop. Lutter contre les expulsions, c’est lutter pour le droit au logement, c’est se battre pour le droit de vivre dignement ».
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