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Les derniers jours de la cité Coblod

La cité Coblod rime avec cheminots depuis soixante-cinq ans. Vouée à la démolition, elle se vide peu à peu de ses habitants. Ils ne sont plus que quelques dizaines à y résider.

La cité Coblod rime avec cheminots depuis soixante-cinq ans. Vouée à la démolition, elle se vide peu à peu de ses habitants. Ils ne sont plus que quelques dizaines à y résider. Reportage.

Entre les rails du tram et ceux du train, on devine à peine les toits du lotissement, en contrebas du boulevard Croizat, juste avant la gare de Vénissieux. Des petits immeubles avec jardinets, coincés entre le pont Berliet et la voie ferrée. Une rue en boucle, deux courts de tennis abandonnés, des potagers familiaux, et des fenêtres murées. C’est la cité Coblod, qui rime avec cheminots depuis soixante-cinq ans.

En 1956, la SNCF a construit ici 84 logements pour y loger les familles de ses agents. C’est l’architecte Raymond Pantz qui a conçu ces petits bâtiments simples et fonctionnels, pas cher à bâtir mais spacieux pour l’époque, dans un pays en pleine reconstruction. Les gosses qui vadrouillaient dans la rue Felix-Brun, près du ballast, ont vu les locos paternelles passer du charbon au diesel et à l’électricité.

Aujourd’hui, plus grand monde ne regarde passer TER et TGV. Le quartier se vide de ses habitants. Pas une saignée brutale, plutôt une lente hémorragie. Logement après logement, au fur et à mesure des départs, tous volontaires. « À peine le camion de déménagement a-t-il tourné le coin de la rue que les ouvertures sont murées et des rochers posés devant la maison, pour éviter les squats », raconte André Ballion. Avec son épouse Martine et leur vingtaine de voisins, il fait partie des derniers des Mohicans. Les derniers « Coblod » ne jouent pas les irréductibles, les « j’y suis j’y reste » façon Fort Chabrol. Non, ils attendent tranquillement que leur bailleur leur propose autre chose ailleurs.

Un projet immobilier, chemin du Charbonnier

Le quartier se vide de ses habitants. Pas une saignée brutale, plutôt une lente hémorragie. Logement après logement, au fur et à mesure des départs, tous volontaires.

Le bailleur, c’est ICF Habitat, filiale immobilière historique de la SNCF. L’organisme HLM va construire, tout près de là, chemin du Charbonnier, un nouveau lotissement d’une trentaine d’appartements, surtout des T2 et T3. Ils seront proposés en priorité aux locataires de « Coblod » et à ceux de la barre Monmousseau, qui tombera fin 2018. « Le permis de construire est validé, nous finalisons le choix des entreprises qui interviendront sur le chantier », explique ICF, qui organisera une réunion d’information fin mars. Les travaux devraient commencer cette année, pour une livraison en 2019, voire 2020. « Ça tombe bien, on n’est pas pressés », rigole André. « S’ils ressemblent à ceux qu’ICF vient de faire à Saint-Priest, les nouveaux logements seront sans doute très bien, admet Martine. Sauf qu’ici tout le monde avait un jardin, alors on voudra tous être au rez-de-chaussée ! »

De nombreux locataires ont devancé l’appel. Comme Arlette, 73 ans, qui s’en va aujourd’hui. « Je préfère choisir là où je vais vivre, sans attendre le dernier moment. Ici, c’était devenu trop grand pour moi, avec trop d’escaliers et plus grand monde à qui parler. » Les plus jeunes sont partis les premiers, habiter dans du plus moderne. Ceux qui restent sont majoritairement des retraités.

Lente désaffection

Des retraités ni pressés, ni stressés… Comme, au fil des départs, les restants annexent les jardins de leurs anciens voisins, certains « vieux Coblod » disposent de terrains avec cabanon, potager, balançoires et piscines gonflables pour les petits-enfant. On comprend mieux Martine, d’un coup… « Les gens d’ICF, quand ils viennent faire leur tournée et qu’ils nous voient prendre l’apéro devant le barbeuc’les doigts de pieds en éventail, ils ont du mal à retourner au bureau ! »

Robert « Bob » Tonkia est le premier non-cheminot à avoir été logé ici, en 2001. « Ils m’ont regardé comme une bête curieuse pendant cinq minutes, puis on a sorti les cartes et j’étais adopté ! C’est vrai qu’avec les départs, on a perdu de cette convivialité ». Aujourd’hui, il est l’historien du quartier, son passeur de mémoire. L’association ALVEN qu’il préside a mis sur pied un circuit du patrimoine architectural cheminot vénissian, qui relie et raconte les cités Coblod, des Marronniers, des Cigognes, André-Lebon, Monmousseau… « Je prépare une expo mobile, j’adorerais qu’elle soit accrochée à la médiathèque et qu’elle voyage ! ».

L’inconvénient de la lente désaffection d’un quartier à l’écart, c’est que des malveillants en profitent. Ceux qui préfèrent déverser leurs gravats de chantier rue Jules-Vallès plutôt qu’en déchèterie, par exemple. Ou les squatters qui ont fini par incendier un bâtiment, il y a quelques années…

Explorateur du passé qui savoure le présent, Robert Tonkia ignore ce que réserve l’avenir à la cité Coblod, quand il n’y restera plus personne. « Il y a près de 20 ans, ICF voulait faire une démolition-reconstruction d’un nouveau lotissement, raconte-t-il. Mais le plan « Urbagare », de la Courly à l’époque, a tout bloqué. Il prévoyait de construire ici la grande gare d’entrée sud de l’agglomération, pour désengorger Perrache, et accueillir les TGV venant de Saint-Ex. Le projet n’est pas abandonné, il paraît, mais il n’a pas l’air d’être sur une ligne à grande vitesse. Ça nous convient : nous, on aime les trains mais surtout les tortillards ! »

2 Commentaires

1 Commentaire

  1. Valles

    18 septembre 2022 à 15 h 21 min

    Non les départs des habitants n’étaient pas volontaires ! 7 maisons étaient habitées par ma famille, 1 seule est partie d’elle-même. Ma grand mère, 84 ans, y a passé toute sa vie avant d’être forcée à partir. Jamais elle ne serait partie d’elle même !

  2. Simon

    25 juillet 2020 à 13 h 46 min

    Bonjour.
    Tardivement sans doute mais bien décidé, ému aussi, je vois ici une photo de la maisonnette du 26 rue Jules Vallès. C’est là que j’ai perché durant quelques années. Là que j’ai préparé mon prier concours à la SNCF, puis réparé quelques motos anciennes pour des copains du quartier et un peu plus loin…
    C’est là que j’ai connu ma future épouse. Là que l’ancien gardien du foyer AGEFOREL du chemin du Charbonnier venait espionner ce j’y fabriquais, avec ses deux bergers allemands… C’est là que des voisins lui sont tombés sur le poil un soir, avec injonction de ne jamais remettre les pieds ici. Non mais !
    Et c’est là, surtout que j’ai fêté mes trente ans : Trente invités plus des voisins et surtout notre cher Père Clapier, le meccano de manœuvre. Un fou de jardinage. Je l’avais apinché un soir, occupé à piocher dans ma partie de jardin. C’était à cause des herbes qui envahissaient le sien. On a parlé gentiment. Il a repris deux mètres cinquante et amendé le sol, puis planté des pommes de terre, des carottes, des salades vertes ; ce qui me valut durant quelques saisons d’être ravitaillé en légumes « du jardin » avec toujours au fond du panier déposé devant la porte une tiotte boutanche du Sang du Peuple, en réalité, un Châtauneuf du Pape déclassé. Mes amis qu’il gouleyait bien !
    Souvenirs…
    Ensuite j’ai crêché à Perrache (sinistre) passé d’autres concours et me voila dans un autre quartier, ailleurs, où je retrouve le même esprit.

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