25 ans d’expérience dans l’humanitaire, dont une quinzaine au contact direct des populations. Il a occupé des postes prestigieux à la Commission européenne ou au Quai d’Orsay, toujours au service des plus démunis. Portrait du directeur général de Bioforce, dont il fût aussi l’un des étudiants.
Bio express
1987 – 1990 : licence d’ethnologie à l’université Paris Nanterre
1990 – 1991 : agent de développement international à l’Institut Bioforce
1997 – 1998 : master 2 en Droit humanitaire international à l’université Aix-Marseille
1991 – 1998 : Action contre la faim, responsable de missions humanitaires
1999 – 2001 : Aide médicale internationale (Paris), directeur général
2001-2006 : Commission européenne, expert en aide humanitaire en RD Congo et Sénégal
2007-2009 : ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, rédacteur géographique (zone Afrique)
2009-2016 : Commission européenne, chargé d’aide et de coopération internationales (Afrique occidentale)
Depuis janvier 2016 : Institut Bioforce, directeur général
1 985. Depuis des mois, la famine sévit en Éthiopie. Médiatisée aux États-Unis puis en Europe, cette catastrophe humanitaire provoque un élan de solidarité sans précédent dans le monde occidental. Gilles Collard, qui deviendra à 46 ans le directeur général de l’institut Bioforce, est alors âgé de 16 ans. Pour lui, c’est une révélation. « C’est de là que remontent ma passion et mon engagement. J’ai compris que la ligne directrice de ma vie serait d’être sensible à la situation des plus fragiles dans le monde. J’ai accepté cette existence atypique, pour concilier la découverte de l’autre avec les voyages, tout en me rendant le plus utile possible. »
C’est le début d’un imposant parcours. « Après le bac, je me suis inscrit dans un cursus d’histoire-ethnologie que j’ai mené jusqu’à la licence. L’ethnologie, c’était un premier pas vers la découverte de l’autre. Puis à 21 ans, je suis rentré à Bioforce. » Créé en 1983 par Charles Mérieux, l’établissement formait déjà des professionnels de l’humanitaire dans la tour 42 de la Darnaise. Gilles Collard habitera donc dans la 40. « Je voulais retrouver des gens qui avaient les mêmes aspirations que moi. Si aujourd’hui l’humanitaire s’est banalisé, nous n’étions à l’époque qu’une petite poignée. »
Depuis, que de chemin parcouru… « Entre 74 et 90, nous étions dans un mode « médecins aux pieds nus » ou « aventuriers de l’utile ». Puis, face à la multiplication des crises, le monde de l’humanitaire s’est professionnalisé. C’est à ce moment que Bioforce a pris toute son ampleur. Médecins sans frontières a par exemple compris que les médecins étaient là pour soigner, pas pour envoyer des médicaments ou faire atterrir des avions. »
En complément de son parcours universitaire, l’école de l’humanitaire lui apporte donc des outils concrets, opérationnels. « J’ai appris ce qu’était un frigo à gaz, comment conduire un 4×4 ou réparer un générateur électrique », sourit-il. Il en sortira en 1991, à 21 ans, « au moment où débutait vraiment l’aventure humanitaire dans le monde ». Et en peu de temps, le voilà sur le terrain : en Albanie (3 mois), au Soudan (8 mois), puis en Somalie en 92 (8 mois). Il affronte des expériences fortes, parfois très difficiles, auxquelles il fait face avec une maturité surprenante. « En Somalie, j’ai essuyé des tirs, j’ai échappé à des attentats, et même à un assassinat ; quelqu’un a voulu me tuer parce que j’avais licencié son frère. Tout cela, je l’ai supporté par conviction. »
Être utile, avant tout
De 1999 à 2001, Gilles Collard prend la direction générale de l’ONG Aide médicale internationale. Il intègre ensuite la Direction générale de l’aide humanitaire et de la protection civile de la Commission européenne, en République démocratique du Congo et au Sénégal. En octobre 2007, le voici au Quai d’Orsay, plus exactement au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Sa mission : l’évaluation et l’analyse des situations humanitaires dans les pays d’Afrique. Mais il mène aussi différentes missions d’urgence en Géorgie, au Tchad ou à Haïti. En juin 2009, retour à la Commission européenne, cette fois-ci à Bruxelles. Gilles Collard y sera chargé d’aide et de coopération internationales pour l’Afrique Occidentale. Puis vient le retour à Vénissieux en 2016, en tant que directeur général de Bioforce.
Aujourd’hui, Gilles Collard puise sa force dans ses « 25 ans d’expérience, dont 15 passés sur le terrain à voir les gens souffrir ». Et il l’assure, le plus important, c’est d’être utile. « Quand j’étais en charge des problèmes de nutrition de l’Afrique de l’Ouest à la Commission européenne, je travaillais à grande échelle. Ici, l’objectif est le même. Chaque année, je contribue à ce que 250 étudiants trouvent leur voie. »
Et quand il ne fait pas d’humanitaire ? « Je cours, je nage, je fais du vélo, je profite de mes proches. J’essaie d’avoir une vie équilibrée, répond-il. J’ai une belle famille, un beau parcours et je suis très heureux. Mais je le serais encore plus si le monde allait mieux. Il y a de moins en moins d’attention aux autres, et donc de moins en moins de moyens. Qui parle aujourd’hui des Rohingyas en Birmanie ? »
Puis de conclure : « Charles Mérieux a créé l’école qui a permis de professionnaliser l’aide humanitaire en France et à l’international. Maintenant, il nous faut des mécènes pour transposer notre expertise, en formant une nouvelle génération d’humanitaires dans les pays du Sud. La plus belle des victoires serait de voir une multitude de Bioforce se créer à travers le monde. C’est cela mon combat. »
Contact : Institut Bioforce, 41 avenue du 8-Mai-1945, Vénissieux Tél. 04 72 89 31 41. – www.institutbioforce.fr
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