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Les retraités, des « privilégiés » vraiment ?

Les retraités qui touchent plus de 1 200 euros par mois sont considérés comme suffisamment “aisés” par le gouvernement pour justifier un alourdissement de la CSG sur leurs pensions. Des propos et des mesures qui passent mal, à Vénissieux aussi. Témoignages.

Les retraités qui touchent plus de 1 200 euros par mois sont considérés comme suffisamment “aisés” par le gouvernement pour justifier un alourdissement de la CSG sur leurs pensions, tandis que plane la menace d’une baisse des retraites complémentaires. Des propos et des mesures qui passent mal, à Vénissieux aussi.

Hausse de la CSG le 1er janvier prochain, baisse probable des retraites complémentaires, pensions gelées depuis 2013, suppression de la demi-part des veuves, fiscalisation de la majoration de pension attribuée aux personnes ayant élevé trois enfants, contribution additionnelle de solidarité… “On nous prend pour des vaches à lait !” s’insurge Colette, 69 ans. Croisée à la Part-Dieu lors de la manifestation du 16 novembre contre la “loi travail XXL”, cette ancienne employée de bureau à RVI ne décolère pas. “C’est trop facile de nous faire les poches sous prétexte que les papys-mamies ne descendent pas en masse dans la rue, et c’est dégueulasse de nous accuser d’être riches et égoïstes !” Une allusion à plusieurs déclarations qui passent mal, très mal, auprès de nombreux seniors.

Un effort pour les jeunes…

Le 7 juin, le Premier ministre Édouard Philippe annonçait que l’augmentation de 1,7 % de la CSG (*) concernerait 60 % des personnes touchant une pension supérieure à 1 200 euros par mois, les qualifiant de “retraités aisés”. Fin août, le président de la République justifiait à la fois la ponction, la cible et les termes : “Les pauvres d’aujourd’hui sont souvent moins les retraités que les jeunes. Je leur demande donc, pour les plus aisés, un effort.” Un appel à la solidarité intergénérationnelle, lancé pile au moment de l’annonce de la suppression de l’impôt sur la fortune, qui ne tient pas la route. “Laisser supposer que les retraités soient un peu moins riches pour que les jeunes soient un peu moins pauvres, ça procède d’une rhétorique bien dangereuse et fort approximative”, analyse ainsi le journaliste des Échos, Gilles Bridier.

Indignés plus qu’aisés

André, 72 ans, ancien de la fonction publique hospitalière et locataire dans le centre-ville, ne dit pas autre chose. “C’est vrai que certains salaires sont inférieurs à nos retraites, mais les actifs devraient aussi manifester leur mécontentement, c’est de leur avenir qu’il s’agit. Taper sur les retraités, ça ne date pas d’hier, ce qui est nouveau, c’est qu’on est en train de devenir les variables d’ajustement des politiques publiques.” Autre profil, mais même indignation chez Monique, 68 ans. Propriétaire, avec son mari, d’un appartement au Moulin-à-Vent, elle n’arrive pas à avaler la hausse de la CSG. “Avec mon époux, nous gagnons un peu moins de 3 000 euros par mois. Je ne devrais pas me plaindre, mais cet argent on ne l’a pas volé. On a travaillé dur, tout en élevant nos quatre enfants. Et qu’on ne vienne pas nous donner des leçons de solidarité entre générations : notre dernier fils a terminé ses études mais ne trouve pas de travail en CDI. Entre deux CDD, nous l’aidons, c’est normal. Et puis, il y a les quatre petits-enfants, on les gâte. La hausse de la CSG, va nous faire perdre environ 600 euros par an. C’est beaucoup trop.”

L’équivalent des courses au marché

Ginette, 78 ans, qui habite à Parilly, a fait ses comptes, elle aussi. Avec la pension de réversion de son mari, elle perçoit mensuellement 1 528 euros, elle fait donc partie des “aisés”. “Je paie un loyer d’environ 500 euros. La hausse de la CSG va me faire perdre environ 20 euros par mois, l’équivalent de mes courses au marché chaque semaine. J’ai cotisé toute ma vie, ma retraite, je ne l’ai pas volée. En revanche, eux nous la volent. Si on veut prendre de l’argent, il y en a sûrement qui en ont beaucoup plus que moi.” Ginette liste ses dépenses : “La mutuelle, le forfait hospitalier et l’électricité augmentent, les médicaments sont moins remboursés… J’ai une amie qui est obligée d’aller aux Restos du Cœur. C’est cela être privilégiée ?”

(*) Quelque 9 millions de retraités seraient touchés par le passage de la CSG de 6,6 à 8,3 %. Avec 1 200 € de retraite par mois, la hausse de la CSG représente une perte de 245 € par an.

(Dossier complet dans Expressions 635 du 22 novembre 2017)

Ils témoignent

“Ce qu’on a, on s’est battu pour l’avoir”
Claude Guillot, 70 ans, retraité de la chimie

« Je touche 1 400 euros de pension. La hausse de la CSG va m’enlever 30 euros par mois. Je n’ai pas à me plaindre, mes enfants sont indépendants, ils travaillent, mes petits-enfants ont 13 et 16 ans. La seule chose dont je me sois privé volontairement, c’est la voiture, ça revenait trop cher et Vénissieux est bien desservi par les transports en commun, je prends le train. Les retraités sont montrés du doigt, accusés de ruiner la France ! Ça fait mal. On a travaillé toute notre vie, on a payé pour la retraite de nos anciens. On dit que nous vivons mieux que les jeunes. Ça s’appelle diviser pour mieux régner. On ne nous a rien donné, tout ce qu’on a, on s’est battu pour l’avoir. Ce petit monsieur Macron, c’est nous qui lui avons payé ses études. Si le gouvernement reverse aux jeunes ce qu’il va nous enlever, je suis d’accord pour donner le double mais ça va servir à compenser la suppression de l’impôt sur la fortune et les cadeaux fiscaux aux grosses boîtes. Pendant les législatives, la section syndicale interpro CGT de Vénissieux avait distribué un tract expliquant ce qui allait se passer avec la CSG pour les retraités. Yves Blein, le candidat d’En Marche, niait qu’elle allait augmenter. Il nous a même fait convoquer par la police parce que nous avions collé un tract sur son affiche de campagne ! La suite nous a donné raison, hélas. »

“Quelle honte !”
Babette Roussin, 67 ans, retraitée du public et du privé

« Avec mon mari, nous percevons une retraite de 1 500 euros par mois. Nous payons un loyer mensuel de 900 euros et la taxe habitation annuelle de 1 500 euros. C’est vrai, il y a beaucoup de gens qui ont moins pour vivre, hélas. Mais on est loin d’être des privilégiés, on paye tout plus cher. Macron traite notre génération d’égoïste parce que les jeunes ont moins de ressources que nous. Quelle honte ! Comme tous ceux qui le peuvent, nous aidons financièrement nos enfants et nos petits-enfants. On aide pour la rentrée scolaire, pour le loyer de la grande qui est étudiante et n’a pas trouvé de logement en HLM ou en cité-U. C’est bien normal d’aider ses proches. Mais j’ai calculé que la hausse de la CSG représentera pour notre foyer 723 euros de moins par an. On aura moins pour sortir, pour recevoir, pour aider. C’est le prix d’un voyage. Je suis bénévole à l’association LSR. Je suis bien placée pour observer que de moins en moins de retraités peuvent partir. Même la semaine à 457 euros tout compris sur la Costa Brava, payée en plusieurs fois, ça devient impossible pour beaucoup. Où va-t-on ? »

 

 

“Je suis à découvert tous les mois”
Simone Tranchant, 72 ans, ex-ATSEM
« Je suis veuve depuis 1985. Lissées sur l’année, mes ressources sont de 1 300 euros par mois. Je suis donc une privilégiée pour Emmanuel Macron. Mais je ne pourrai pas me payer sa maquilleuse ! Avec mon loyer de 489 euros, la mutuelle, les charges, la voiture, il me reste moins de 500 euros pour vivre. Je suis à découvert tous les mois et la hausse de la CSG va me supprimer 30 euros par mois environ. On me dit de laisser tomber la voiture, mais je ne pourrai pas m’en passer, c’est mon indépendance, ma liberté ! J’aide autant que possible mon petit-fils de 21 ans qui est au chômage et ma petite-fille étudiante, en leur payant leur abonnement TCL et leur abonnement de téléphone. De mon temps, les jeunes aidaient les vieux, maintenant c’est l’inverse. Aider, on est là pour ça, je trouve ça normal, mais qu’on ne vienne pas nous dire qu’on est égoïstes ! »

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