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« Rendez-vous tour Monmousseau » : images de synthèse

Après un premier atelier photographique réalisé l’an dernier avec des jeunes de Monmousseau, Lucie Moraillon et Antoine Boureau retrouvent leurs « élèves » pour un nouveau travail, sorte de synthèse de la disparition prochaine de la barre ICF Habitat Sud-Est Méditerranée, des sentiments qu’elle suscite et du relogement.

 

Parce qu’ils avaient déjà travaillé avec des jeunes du quartier autour d’un projet photographique en argentique, dont les résultats sont encore affichés sur la grande barre ICF de Monmousseau, Lucie Moraillon et Antoine Boureau de l’association Dialogues en photographie ont retrouvé treize de leurs jeunes preneurs d’images. Il s’agissait à présent pour eux, et cette fois en numérique, de photographier à la fois les habitants mais aussi les lieux, encore habités ou déjà inoccupés, pour retracer la vie d’un quartier. Le projet a été financé par ICF Habitat Sud-Est Méditerranée et le Grand projet de ville (GPV), en partenariat avec le centre Eugénie-Cotton qui a été un bon relais sur le terrain.
« Les jeunes ont travaillé en groupes de deux ou trois, parfois tous ensemble, et ont interviewé ces personnes qui devaient quitter la barre, racontent les deux photographes. Ils ont préparé avec l’écrivain Milan Otal — NDLR : avec qui Antoine Boureau a publié le livre Exilés de la Terre promisedes interviews pour les interroger sur leur vie, le départ, le voisinage… Ces jeunes vivent tous ici, certains ont déjà été relogés. »

Tandis que les apprentis journalistes préparent leurs questionnaires avec Milan, Lucie et Antoine prennent les rendez-vous en amont. « Au début, c’était pour eux un exercice nouveau. Les photos affichées depuis l’an dernier ont été un bon sésame. Ils se sont sentis investis d’une mission. Ils ne connaissaient pas l’histoire du quartier. »

Un matin, nous en avons suivi deux le long des étages. Ils photographiaient tout : la montée d’escalier et ses nombreux tags, les couloirs vides, les appartements déserts où subsistaient quelques traces d’une occupation : des tapisseries, des rideaux, la marque d’un tapis ou d’un meuble au sol… Et nous ont confié avoir pris autant d’intérêt à la prise de vue qu’aux interviews.

Un outil d’éducation populaire

Les deux photographes savent très bien qu’une image, même prise par un amateur, reflète son regard. Ils expliquent, dans le dossier de presse de leur projet que la photographie encourage le développement d’un grand nombre de compétences. Ils citent « l’observation et l’attention, la gestion des émotions, l’acceptation du regard des autres, le dépassement des stéréotypes, la capacité à opérer des choix et la construction d’une démarche personnelle et singulière ».

Tout ce travail va maintenant se retrouver diffusé de deux manières. D’abord dans un livre qui contiendra des photos et les textes des entretiens, revus avec Milan. Puis dans une exposition qui sera présentée sur de grandes bâches en extérieur, devant la médiathèque Lucie-Aubrac. « Le vernissage aura lieu le 25 novembre à 15 heures et le tout restera en place pendant deux semaines. Ensuite, ce sera déplacé à Lyon et sans doute dans d’autres lieux. Ainsi, ce que les jeunes ont photographié l’an dernier a été présenté à Arles, pour le off des Rencontres. »

« Le quartier possède une identité puissante »

Docteur en lettres classiques et philosophie, musicien formé aux conservatoires de Lyon et d’Aix-en-Provence, Milan Otal a aidé les jeunes qui contribuaient au projet « Rendez-vous tour Monmousseau » à formuler leurs questions. Il doit dans un deuxième temps mettre tout cela en forme pour un livre qui devrait sortir courant décembre.
« Je voulais prendre comme fil conducteur un jeune de 13 ans que tout le monde dans le quartier appelle Napoléon. Il est très attaché à Monmousseau et il raconte que tout va lui manquer, le stade, la boucherie, les gens. Il est d’une lucidité clinique. »
La difficulté des intervieweurs fut bien sûr de parvenir à récolter des souvenirs. « Quand tu donnes un espace d’écoute, reprend Milan, les gens se lâchent. Il faut trouver cet espace. La parole introspective n’est pas naturelle et tout le monde nous a ensuite remerciés pour cela. Nous avions un plan des appartements habités et nous sommes allés frapper aux portes. La rencontre se faisait ou pas. Souvent, ça se passait très bien. Nous avons entendu des histoires folles. Le quartier possède une identité puissante et le sentiment de la disparité domine, ce qui donne une force à tout cela. »

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