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Punaises de lit : l’ennemi invisible

On aurait pu croire les punaises de lit disparues. Mais, dopées par le développement des transports, le réchauffement climatique et les modifications apportées aux insecticides, elles font un retour en force dans nos villes. On les retrouve autant dans les cités populaires que les beaux quartiers. À Vénissieux, le problème est pris très au sérieux.

On aurait pu croire les punaises de lit disparues. Mais, dopées par le développement des transports, le réchauffement climatique et les modifications apportées aux insecticides, elles font un retour en force dans nos villes. On les retrouve autant dans les cités populaires que les beaux quartiers. À Vénissieux, le problème est pris très au sérieux.

Tapies dans l’ombre, elles attendent la nuit pour bondir sur leurs victimes et se nourrir de leur sang. Qui sont ces repoussantes créatures, capables parfois de patienter deux ans entre deux repas ? Des vampires ? Non, de simples punaises de lit. Des insectes de la taille d’un confetti, qui ne sautent pas, ne volent pas, mais courent vite et se reproduisent à toute vitesse.

Depuis les années cinquante, on les avait pourtant un peu oubliées dans les pays développés. L’élévation du niveau d’hygiène dans l’habitat, l’utilisation d’insecticides puissants, ainsi que la généralisation des traitements contre les autres nuisibles, ont sans doute favorisé ce déclin provisoire de l’espèce. Mais dès les années quatre-vingt-dix, les punaises reviennent en force. En Europe, en Amérique du Nord, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, les voilà qui colonisent des bâtiments entiers : logements collectifs, hôtels, maisons de retraites, hôpitaux…

Une prolifération aux causes multiples
Ce n’était malheureusement qu’un début. Aujourd’hui, les infestations sont monnaie courante à New York, Montréal, Paris, Marseille ou Lyon. Du côté de la chambre syndicale 3D, qui réunit les entreprises françaises de lutte contre les parasites et les nuisibles, on estime que 180 000 à 200 000 sites infestés ont été traités en 2016. “En cinq ans, le nombre de demandes a été multiplié par trois ou quatre. En 2012, on avait tout au plus cinq demandes par mois. Aujourd’hui, c’est plutôt trois ou quatre par semaine”, constate son porte-parole Stéphane Bras. Dans la région, le constat n’est guère plus rassurant. “Il y a quatre ans, le traitement des punaises représentait 1 % de notre chiffre d’affaires. En 2016, il a atteint les 20 %”, abonde Andy Pabion, gérant de la société rhodanienne AP3D. Même son de cloche chez son concurrent AVIPUR, une franchise nationale. “La demande est grandissante, avec un marché qui gagne 10 % tous les ans”, indique le responsable technico-commercial de l’agence vénissiane, Philippe Pin.

Est-il possible d’enrayer cette prolifération ? Difficile de répondre, tant les facteurs en faveur des punaises sont nombreux. “Avec le développement des moyens de transport et du tourisme, les punaises voyagent très facilement, reprend Stéphane Bras. D’autre part, les produits sont désormais moins efficaces dans le temps, et le réchauffement climatique favorise leur développement. Il faut savoir que des hivers rudes ralentissent leur activité sexuelle. Avec une température de 20 degrés, les punaises peuvent facilement se multiplier.” Des scientifiques pointent aussi de possibles mutations de l’espèce, dues aux insecticides. Les individus qui résistent aux pulvérisations grâce à la présence de certains gènes dans leur ADN finissent par former des groupes insensibles à ces produits. Parmi les facteurs favorisant la croissance des populations de punaises, on peut aussi citer le développement du marché de l’occasion pour les particuliers (vente de sommiers, matelas et autres meubles), ou encore la réticence de certains foyers à signaler les infestations. “Les gens ont parfois peur pour leur intimité ou leur réputation, même si l’hygiène d’un appartement n’est jamais en cause dans l’apparition des insectes”, note le directeur de la Sacoviv (Société anonyme de construction de la Ville de Vénissieux), Thierry Beaudoux.

Des expériences cruelles… et coûteuses
À la Sacoviv, on connaît bien le problème. “Les premiers soucis sont apparus en 2010. Puis en 2014, nous avons recensé une trentaine d’appartements touchés à la résidence du Couloud. Aujourd’hui, nous estimons que 250 de nos 1 800 logements sont concernés, c’est un problème concret. Cette année, nous avons d’ailleurs consacré 60 000 euros à la désinfestation”, détaille Thierry Beaudoux. Qui précise que le coût du traitement d’un logement revient à 500 euros, dont une centaine prise en charge par le locataire. “Il est très important que les locataires participent à leur niveau, en lavant leur linge et leurs rideaux, en débarrassant leurs placards avant l’intervention du prestataire”, souligne-t-il.

Chez le bailleur Lyon Métropole Habitat, la situation semble différente. “Pour l’instant, nous n’avons pas noté de phénomène important à Vénissieux, seulement quelques cas isolés”, assure la directrice de la communication, Sophie Descroix. En cas de suspicion, l’agence vénissiane demande à un prestataire d’effectuer un diagnostic, qui lui sera facturé entre 75 et 225 euros. Le traitement curatif éventuel coûtera, pour trois passages, entre 225 et 280 euros supplémentaires. 20 % des sommes engagées seront à la charge du locataire, soit le prix des produits. “L’idée, c’est de réagir vite. En cas d’infestation, il faut que les gens appellent le plus rapidement possible”, insiste Sophie Descroix. Reste que, comme le rappelle Thierry Beaudoux, il convient souvent de traiter l’ensemble d’une allée, voire les appartements situés au dessus et au dessous, pour limiter au maximum les risques de récidive. Et cette question, lancinante : qui est responsable ?

D’autant que les conséquences d’une infestation peuvent s’avérer extrêmement pénibles. L’appartement de Jocelyne Riaux, un T2, a ainsi été la proie des punaises de lit pendant plus de huit mois. “En fin d’année 2014, j’ai commencé à remarquer chaque matin des marques rouges sur mon corps, comme de gros boutons urticants, raconte-t-elle. Puis j’ai commencé à retrouver les matins dans mes draps de nuit de minuscules insectes qui contenaient du sang. J’ai alors compris que ce n’étaient pas des moustiques qui me piquaient chaque nuit, mais des punaises de lit.”  Très vite, la situation de cette dame qui vit avec son fils devient un enfer. “Les nuits étaient horribles, les démangeaisons me réveillaient sans cesse. Je dormais avec une lampe torche mais j’avais l’impression de voir des punaises de partout. J’ai même dû dormir sur ma table de salon avec une couverture pour matelas pendant plusieurs semaines, et envelopper le matelas et le sommier de mon fils avec du film plastique pour palettes logistiques.” Après de longues négociations et une pétition signée par d’autres voisins dans le même cas, le bailleur Alliade prend à sa charge la désinfection par un prestataire. Mais il faudra sept interventions, dont une avec des fumigènes, pour venir à bout des punaises. “Je garde un souvenir atroce et traumatisant de ces bestioles. À chaque démangeaison, j’ai peur d’en avoir de nouveau. Pour l’instant, ce n’est pas le cas, pourvu que ça dure”, conclut Jocelyne Riaux.

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