Le logement social, une niche fiscale ? C’est ce que semble penser le gouvernement, qui a décidé, cet été, d’inscrire dans le projet de loi de finances 2011 une ponction de 340 millions sur le budget des organismes HLM. Une décision qui a provoqué une vive colère chez les représentants de ces bailleurs. “C’est une question très grave, affirme Patrice Roland, président de l’Arra, l’Association régionale des organismes HLM de Rhône-Alpes, qui regroupe 84 bailleurs sociaux ayant leur siège dans la région. Le gouvernement nous fait passer pour des niches fiscales. C’est ridicule : nous remplissons une mission d’intérêt général ! Il s’agit, une nouvelle fois, de faire payer les plus pauvres, d’une façon ou d’une autre.”Après avoir envisagé de ponctionner directement les loyers de 2,5 %, mesure rejetée par la commission des finances du Sénat, le gouvernement a donc choisi de taxer la capacité d’investissement des opérateurs HLM dans le but de récupérer quelque 340 millions. “La méthode a changé, elle est plus discrète, mais ses effets sont tout aussi importants, poursuit Patrice Roland. Ce prélèvement va se traduire par une diminution de la capacité d’investissement des organismes HLM dans nos territoires, tant pour la construction neuve que pour l’entretien et la réhabilitation du patrimoine. Il aura également un impact sur l’emploi dans les entreprises du bâtiment. Cela représente 20 000 logements construits en moins. En Rhône-Alpes, j’estime que 2 400 emplois pourraient ne pas être créés ou être supprimés. Il s’agit d’une nouvelle étape dans le désengagement de l’État dans le logement social.”
Le 25 novembre au Sénat
“Cette ponction remettrait en cause les actions engagées, confirme Évelyne Ebersviller, présidente de la Sacoviv (Société anonyme de construction de la Ville de Vénissieux), dans un courrier envoyé au Premier ministre François Fillon. Les premières victimes en seraient les familles modestes. Ce hold-up s’ajoute au nouveau et très grave désengagement que s’apprête à opérer l’État avec la diminution du budget logement de la nation. (…) L’État demande aux bailleurs sociaux d’augmenter l’offre de logement, d’améliorer l’entretien du patrimoine et la qualité du service rendu. Avec cette nouvelle ponction, nous ne pourrions plus respecter ces objectifs.”
Une telle taxation pourrait donc avoir des conséquences très importantes sur les futurs investissements de ces bailleurs. Exemple avec Christian Lamotte, directeur de Porte des Alpes Habitat, la société HLM de la Ville de Saint-Priest, qui gère 4 580 logements, dont certains à Vénissieux. “Nous allons être obligés de faire des choix, confirme-t-il. Nous n’augmenterons pas les loyers, parce que nous avons une mission sociale à respecter. Mais nous avons d’ores et déjà reporté l’embauche de gardiens d’immeuble. Des travaux de maintenance dans certains logements, par exemple des salles de bain à refaire, ont également été déplacés dans le temps. Ce désengagement de l’État nous étonne, il est contre-productif et illogique. Je rappelle que le logement, c’est une des compétences de l’État. D’ailleurs, nous ne pouvons pas lancer de construction sans obtenir son agrément. Derrière cette volonté de casser le mouvement HLM, ce sont les opérateurs de logements privés qui vont en profiter, car eux ont bien plus de moyens que nous.”
Après être passé à l’Assemblée nationale le 8 novembre, le texte sera examiné le 25 novembre au Sénat. Une chance qu’il soit retoqué par les sénateurs ? “On l’espère, bien sûr, conclut Christian Lamotte. Les sénateurs sont plus nombreux que les députés à cumuler les fonctions de maire et de président d’office HLM. Alors, peut-être que leur vote sera négatif. Mais nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions ».
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