L’information est tombée mercredi en fin d’après-midi. Les trois arrêtés interdisant expulsions locatives, saisies mobilières et coupures d’énergie que Michèle Picard avait pris le 31 mars ont été suspendus par le tribunal administratif. L’audience a eu lieu mardi après-midi, en présence de plus d’une soixantaine de personnes.
Pour le maire, le combat va bien au-delà du symbole. Au début de son argumentaire, Michèle Picard a d’ailleurs rappelé la situation sociale vénissiane : « 31 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (…). En 2015, 13 054 personnes ont sollicité le service social de la ville, avec, parmi elles, 458 familles en situation d’impayés de loyer. »
Et de souligner que « sur l’année entière, 361 foyers ont subi une coupure d’électricité (…), le travail social important des différents partenaires a permis d’éviter 377 coupures ». Mais que dans le même temps, « 271 assignations au tribunal ont été effectuées, soit une augmentation de 54,8 % par rapport à 2014. »
Michèle Picard a également dénoncé l’inefficacité des lois et des dispositifs, comme le Fonds de solidarité pour le logement, « à bout de souffle », le non-respect de la loi SRU, la loi DALO, « fortement mise à mal », ou encore la loi Brottes* de 2013, « toujours pas respectée ».
Le maire a ensuite rappelé que, lors de l’audience de l’an dernier, le juge avait estimé « qu’un élu pouvait faire usage de ses pouvoirs de police générale, concernant les risques encourus suite aux coupures d’énergies, si les risques étaient avérés. » Pour prouver leur existence, l’édile est allé puiser dans l’actualité, citant les exemples de cet « homme de 59 ans mort dans l’incendie de sa caravane à Vienne suite à l’explosion d’une bouteille de gaz », et de cet autre de 54 ans décédé « dans l’incendie de son appartement » à cause d’une bougie mal éteinte. « L’électricité lui avait été coupée, quelques heures auparavant », a-t-elle insisté. Puis de conclure, après avoir rappelé les prénoms de sept personnes mortes dans la rue en 2015 : « Je pourrais continuer ainsi pendant une heure à citer ces 485 victimes, mortes, en 2015, au pays des droits de l’homme, dans l’indifférence quasi générale. »
Mais la représentante du préfet ne l’entendait évidemment pas de cette oreille. Pour elle, les arrêtés restent illégaux. En premier lieu, ils ne relèveraient pas des pouvoirs de police du maire. Par ailleurs, « l’atteinte à la dignité humaine », également mise en avant par le maire, ne pourrait être invoquée. « La dignité humaine concerne essentiellement les atteintes à l’intégrité physique. Elle ne peut être rattachée aux situations sociales des personnes. »
Côté préfecture, on note aussi à propos des arrêtés interdisant les coupures d’énergies, qu’ il n’existe « aucune disposition, aucun texte législatif, traité international ou texte à valeur constitutionnel donnat le pouvoir à l’autorité municipale de faire obstacle à l’exécution complète des termes d’un contrat entre deux personnes privées. » Et de dénoncer une « atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie », dans la mesure où le maire s’immisce dans une relation contractuelle.
De là à parler d’une atteinte à la séparation des pouvoirs, il n’y avait qu’un pas. Allègrement franchi. « Les arrêtés font obstacle à une décision de justice. Ni le préfet ni le maire n’ont la possibilité de faire obstacle à leur exécution », a assuré la représentante de l’État. Selon elle, les arrêtés interdisant les expulsions locatives et les saisies immobilières « portent atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire et violent le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs […] En tout état de cause, ces arrêtés ont pour effet de faire obstacle à une décision d’un tribunal civil, et ce faisant, à l’exécution d’une décision de justice ».
Le détail du jugement sera communiqué jeudi dans la journée.
*La loi Brottes interdit à tout distributeur de couper l’alimentation en eau dans une résidence principale même en cas d’impayé et cela tout au long de l’année
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