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« Fleisch » : les gladiateurs du dance floor

Ce vendredi, au Théâtre de Vénissieux, Pauline Laidet présente « Fleisch », un spectacle monté avec cinq comédiens professionnels et une vingtaine d’amateurs vénissians, qui nous replonge dans les marathons de la danse des années 30. Une allégorie de la société de compétition qui nous écrase.

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Qui a lu « On achève bien les chevaux », le roman de Horace McCoy, ou vu son adaptation cinématographique signée par Sydney Pollack, se souvient forcément de ce récit poignant illustrant, dans les premières années de la Grande Dépression américaine, la dureté des marathons de la danse.

Pauline Laidet a décidé de transposer à la scène une de ces compétitions et elle présentera « Fleisch » le 15 janvier au Théâtre de Vénissieux avec, dans la distribution, cinq comédiens professionnels et une vingtaine d’amateurs recrutés localement.

Elle remonte les années jusqu’à ce temps où, faisant ses gammes à l’école de la Comédie de Saint-Étienne, elle discutait du film avec Éric Massé. « J’ai un souvenir bouleversant de « On achève bien les chevaux ». A cette période de ma vie, je savais que j’allais me lancer dans le monde professionnel. Et j’appréhendais ce rapport à la compétition dont parle aussi le film. Je l’ai gardé en mémoire et revu très souvent. Le film donne un écho de notre monde, qui demande toujours des performances mais laisse tant de gens en chemin. J’ai mis du temps à réaliser que ces marathons avaient réellement existé… je pensais que c’était une fiction, une allégorie. Il y a trois-quatre ans, j’ai essayé de comprendre pourquoi ça me touchait à ce point-là. J’ai trouvé quelques photos, des vidéos violentes. J’ai également rencontré deux sociologues, Josseline et Serge Bertin, auteurs du livre « Chevaux de souffrance » sur les marathons en Europe. »

Ce qui choque Pauline, outre l’idée même du marathon où les participants continuaient à danser jusqu’à tomber d’épuisement, c’est aussi la réaction du public : « Les gens faisaient des standing ovations avec le même plaisir morbide que pour les gladiateurs ! On en trouve aujourd’hui des échos dans les téléréalités. La question du voyeurisme m’intéresse également sans pour autant vouloir mettre en accusation le public qui viendra voir mon spectacle. »

Pauline se pose alors la question de la représentation. Elle choisit de montrer six personnages : cinq, joués par des comédiens, formeront deux couples de danseurs et l’organisateur du marathon. Le sixième sera l’ensemble des concurrents de la compétition, interprétés par la vingtaine d’amateurs. Pour ces derniers, la formation s’est étalée sur vingt heures en décembre. « Ils seront sur le plateau assez longtemps pendant le spectacle. Je ne les considère pas comme des figurants mais vraiment comme un personnage. »

Ces amateurs, précise-t-elle encore, seront « les vecteurs d’une réalité énorme » et elle sait bien que, dès le départ, « une porosité s’instaure entre la fiction et la réalité, avec le maître de cérémonie qui va accueillir les spectateurs ». Mais Pauline n’a pas voulu pour autant faire durer « Fleisch » plus que l’heure et demie classique. Même si elle apprécie Jan Fabre et ses partis-pris de mise en scène qui auraient, estime-t-elle, étiré le spectacle sur la longueur, elle préfère raconter une histoire et faire naître l’empathie sur les deux couples et sur le maître de cérémonie. « Je ne présente pas un marathon mais une pièce de théâtre, se défend-elle, avec un rapport à la mort et à la solitude. Le marathon est le contexte de cette histoire. Le prisme des personnages va raconter quelque chose de plus large, plus universel, sans mettre à mal qui que ce soit. »

Son atout est de ne pas considérer les corps comme seulement naturalistes. Et de préférer à la performance une écriture chorégraphique. « Le rapport au corps me passionne. On le simplifie trop sur les plateaux. « Fleisch » démarre dans une fiction de théâtre et, petit à petit, on passe de plus en plus par la chorégraphie. »

Elle explique encore que la pièce n’est pas une adaptation du film mais une réécriture. « Je voulais changer le titre original, qui a un rapport avec l’abattoir, au profit d’un autre qui crée l’ambiguïté. J’ai travaillé sur une pièce d’Elfriede Jelinek qui utilisait énormément le mot « fleisch », lequel n’est jamais traduit en français de la même manière : on trouve « chair », « viande, « pulpe », etc. « Fleisch » a l’avantage de recouvrir tout cela, sans qu’on sache si on parle de l’homme ou de l’animal. Le titre est donc un clin d’œil au texte de Jelinek. J’aime ouvrir des pistes et la sonorité dit beaucoup, avec son petit côté dégoûtant ou baveux. Comme j’ai aussi la culture de la comédie musicale, on entend avec « Fleisch » le mot « flash », qui renvoie autant aux appareils photo qu’à « Flashdance ». »

Enfin, la pièce ne se déroule pas aux États-Unis dans les années trente mais de nos jours en France. « Le maître de cérémonie, reprend Pauline, décide de légaliser à nouveau ces marathons interdits depuis les années cinquante. Son objectif est de dépasser le record enregistré en 1931 qui est de sept mois et demie, avec dix minutes de pause toutes les cinquante minutes ! Nous sommes encore baignés dans cette culture de course à la réussite. Et à force de vouloir être les derniers survivants à tout prix, on est seuls ! »

« Fleisch » au Théâtre de Vénissieux le 15 janvier à 20 heures, par la compagnie La Seconde Tigre.

Tarifs : De 6 à 18 euros.
À 19 heures, Myriam Boudenia revient sur la pratique des marathons de la danse.
Réservations : 04 72 90 86 68 – www.theatre-venissieux.fr

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