Une “ironie de l’histoire” pour certains. La preuve que Michèle Picard “a raison de se battre” pour d’autres. Ce mardi, pendant que le maire de Vénissieux entrait dans la salle d’audience du tribunal administratif — où elle allait défendre ses arrêtés pris le 28 avril interdisant sur le territoire de la commune les expulsions locatives, les coupures d’énergies et les saisies mobilières, dénoncés par le préfet — un SDF s’installait juste à côté de l’entrée du bâtiment…
À l’intérieur du tribunal, l’heure n’était pourtant pas au symbole. Au contraire. Michèle Picard se présentait devant le juge en ayant conscience que cette année, les choses pouvaient tourner en sa faveur. Fin mai, le Conseil constitutionnel a en effet validé l’interdiction totale des coupures d’eau pour les résidences principales, même en situation d’impayé. De plus, le 9 avril, la France a été pour la première fois condamnée par la Cour Européenne des droits de l’homme pour ne pas avoir respecté la loi DALO. “Deux preuves que les combats menés sont justes, et finiront par être légitimés par la justice”, estimait, avant l’audience, Michèle Picard.
L’audience, justement. La représentante du préfet n’a pas varié son argumentation d’un iota : selon elle, les arrêtés du maire de Vénissieux sont illégaux car ils ne relèvent pas de ses pouvoirs de police ; car ils s’immiscent dans une relation contractuelle et font obstacle à l’exécution complète des termes du contrat ; car ils s’appuient sur des textes (le préambule de la Constitution Française du 4 octobre 1958, qui garantit “à toute personne la sauvegarde de sa dignité”) trop vagues ; car ils constituent un “détournement de pouvoir”.
Des arguments réfutés par Michèle Picard. “Depuis six ans, je prends des arrêtés interdisant sous certaines conditions les expulsions locatives, les saisies mobilières et les coupures d’énergies sur la commune de Vénissieux. Des arrêtés étayés, argumentés, basés sur des faits, axés sur les difficultés quotidiennes que vivent des milliers de ménages en France. (…) Le préfet argue que ces arrêtés n’entrent pas dans les compétences du maire, parce que ces dispositions ne sont pas justifiées par des atteintes à l’ordre public. Or, expulser une famille, sans aucune condition de relogement, constitue un trouble à l’ordre public, puisque le logement est une condition du domicile et de l’identité d’un individu et du droit fondamental à l’intimité. Or, en 2014, nous avons eu de nombreuses expulsions locatives à Vénissieux qui ont constitué autant d’atteintes à l’ordre public. (…) Concernant les coupures d’énergies, il n’est pas exact de dire que le maire ne tient d’aucun texte le pouvoir de prendre un arrêté. L’article L2212.2 du Code général des collectivités territoriales lui donne les pouvoirs de police nécessaires à la prévention des risques en matière de sécurité et d’hygiène. En outre, le 29 mai, le Conseil constitutionnel a confirmé l’interdiction totale des coupures d’eau pour les résidences principales. De fait, mon arrêté est conforme aux textes en vigueur.” Et Michèle Picard de conclure : “Mes arrêtés portent l’exigence pour que les droits fondamentaux inscrits dans notre Constitution soient enfin respectés. C’est une question majeure de la dignité humaine ! »
La décision du tribunal a été mise en délibéré. Elle sera rendue ce mercredi, a annoncé le juge. Lequel a indiqué “avoir entendu les arguments du maire, notamment sur la question des coupures d’eau”… De quoi avoir bon espoir ?
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