Plus de 150 000 enfants et adolescents, en France, ne vivent pas dans leur famille. Ce sont des enfants « placés ». Et c’est la vie qu’ont menée pendant près de quatorze ans un jeune Vénissian, Adrien Durousset, et son demi-frère David, trimballés de foyers en familles d’accueil.
Le combat d’Adrien Durousset, il le raconte dans un manuscrit (“Ma vie de “placé”, déplacé”) qu’il cherche à publier. Un écrivain public l’a aidé à écrire son témoignage, bouleversant.
Adrien, 22 ans, est en rage. Contre ses parents, d’abord, qui ont mis des enfants au monde “alors qu’ils n’étaient pas capables de nous élever”. Contre les institutions et les familles d’accueil “qui ne lui ont pas donné le soutien qu’il aurait espéré”. Contre les juges pour enfants qui l’ont placé, alors qu’il avait 5 ans. “Le 10 mai 1997, David et moi fûmes déposés à Bron dans un lieu de vie spécialisé, laissés là par des adultes complètement désintéressés de notre sort, qui ont signé les formalités d’usage sans sourciller, écrit-il. Je ne savais pas encore que c’était le premier lieu d’une série (… ). David était un grand bébé, je ne sais pas s’il réalisait ce qui se passait. Moi j’étais un tout petit garçon et j’ai pris cette séparation en pleine tête et en plein cœur. J’avais l’impression qu’on se débarrassait de moi, qu’on me jetait comme un vieux chiffon.”
Très vite, Adrien est séparé de son frère, accueilli à la pouponnière. « Les parents viennent nous voir de temps en temps mais quel attachement réciproque ? »
En 1998, c’est le premier départ dans une famille d’accueil, au Bois d’Oingt. Ils y restent un an, puis retour à la cité de l’enfance. D’autres familles et d’autres foyers suivront. “Tous les 15 jours, nous repartions chez nos parents. Juste histoire de me perturber un peu plus. Mais quel genre de parents sont-ils donc, pour accepter de voir leurs enfants placés chez d’autres ? Se rendent-ils compte des dégâts que cela peut faire sur nous ?”
Des questions, Adrien en a plein la tête. La première, celle qui le hante : pourquoi sa mère ne l’aime-t-elle pas ? “Moi je l’aimais, ou du moins j’avais l’impression de l’aimer.” Ce qui le met hors de lui, c’est de voir que ses parents sont encore aujourd’hui dans la même problématique qu’il y a 17 ans : “On les déresponsabilise. On nous dit : ce sont de pauvres parents. Incroyable ! Et nous ? Que sommes-nous devenus ? On nous demande de lourds sacrifices. A 18 ans, c’est la majorité, on n’est plus rien. J’ai obtenu un contrat jeune majeur : je touchais 488 euros avec lesquels il faut se loger, manger, s’habiller… »
Adrien dénonce dans son manuscrit des dysfonctionnements graves dans certaines familles d’accueil et estime ne pas avoir toujours été soutenu par les éducateurs et le Conseil général. Il assure aussi avoir constaté un « phénomène de radicalisation », dans certains foyers.
Pour lui-même, pour son frère, pour tous les enfants placés (“40% d’entre eux vont mal tourner”, assure-t-il), Adrien a suivi de près l’examen au Sénat d’une proposition de loi réformant la protection de l’enfance ; loi adoptée à l’unanimité en mars dernier. Mais il avance ses propres propositions, notamment : “Remettre la notion de contrainte parentale, dire que si le parent est incapable d’élever son enfant, il se verra demander une participation correspondant à la moitié des revenus perçus, leur imposer de se soigner sous peine de sanction. » Ces propositions, et bien d’autres, il veut en parler au préfet à l’égalité des chances, avec qui il a obtenu un rendez-vous pour la fin de ce mois.
Adrien est aujourd’hui sur de bons rails. Après un bac pro comptabilité, il prépare un BTS. S’imagine-t-il devenir papa ? “Tout le monde me pose cette question… Mais je ne peux pas y répondre pour l’instant. »
On peut contacter Adrien Durousset par mail : adrien.durousset@live.fr
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