Mis en place l’an dernier, vingt ans après le RMI, pour faciliter le retour à l’emploi et fournir un complément de revenus aux travailleurs pauvres, le Revenu de solidarité active (RSA) peine à atteindre ses objectifs. Au niveau national et plus encore à Vénissieux, le gros des effectifs est constitué d’anciens RMistes.
Dans un contexte de dégradation de l’emploi, le dispositif voulu par Martin Hirsch n’a que très peu favorisé le retour à l’activité des allocataires des minima sociaux. Les chiffres sont sans équivoque. Quand on compare les objectifs annoncés en juin 2009 au moment de l’entrée en vigueur du revenu de solidarité active (RSA) et les résultats un an plus tard, le bilan est pour le moins négatif. Martin Hirsch, alors haut commissaire aux solidarités actives, tablait sur 1,7 million de bénéficiaires du RSA activité, dont 800 000 dès la fin de l’année 2009. En mars 2010, les dernières données disponibles montraient qu’un peu plus de 400 000 personnes étaient concernées par le volet activité, alors que le nombre total d’inscrits au RSA approchait 1,8 million.
Pour bien comprendre, il faut rappeler que le RSA recouvre deux prestations bien distinctes : d’une part le RSA “socle” qui a succédé au RMI et à l’API (Allocation de parent isolé), d’autre part le RSA dit “activité ou chapeau” qui permet à des salariés modestes de percevoir un petit complément de revenus.
La première prestation n’a eu aucun mal à faire le plein. La seconde en revanche ne décolle pas. C’est encore plus vrai à Vénissieux qu’au niveau national. En décembre 2009, moins de 600 personnes étaient concernées par le volet activité sur un total de 2 785 inscrits, soit 21 %. Des chiffres qui n’étonnent pas Marie-Christine Burricand, conseillère générale du canton sud de Vénissieux (la mise en œuvre du RSA relève de la compétence du Conseil général et de l’État). “L’intention affichée par le législateur de permettre le retour à l’emploi de ceux qui en sont le plus loin est violemment contredite par la réalité, observe l’élue communiste. Elle est contredite par les plans de licenciements qui s’allongent, par la précarité et les bas salaires qui rongent notre pays depuis plusieurs années. Dans cette situation, l’ensemble de ceux, personnels et élus, qui interviennent dans ce dispositif, se retrouvent bien démunis pour permettre aux gens de se maintenir la tête hors de l’eau. Et pour les bénéficiaires du RSA, la misère apparaît de plus en plus comme une nasse dont on ne peut pas sortir. Cela nous conforte dans ce que nous pensions au moment du lancement du RSA : ce dispositif n’est pas à la hauteur de la situation difficile que vivent des millions de gens. Pire, c’est un piège pour les pauvres et les précaires.”
Réticence des travailleurs
Pour accélérer la montée en charge du RSA activité, le gouvernement a annoncé au printemps dernier son intention d’engager “une démarche très volontariste”. Marc-Philippe Daubresse, qui a succédé à Martin Hirsch au ministère de la Jeunesse et des Solidarités actives, veut renforcer les actions d’information et de pédagogie envers les publics cibles, en particulier en direction des 1,5 million d’employés du secteur des services à la personne. Mais le gouvernement veut-il vraiment augmenter une dépense alors que dans le même temps il applique une rigueur sans précédent à tous les budgets publics ? On peut en douter.
Si la crise et la détérioration de l’emploi qui s’en est suivie comptent pour beaucoup dans le maigre bilan du RSA, d’autres facteurs ont probablement joué. À commencer par la relative complexité du dispositif, avec des démarches lourdes et longues pour gagner au final quelques dizaines d’euros supplémentaires (le complément moyen perçu est de 160 euros). Par ailleurs, le gouvernement a sans doute sous-estimé la réticence chez les travailleurs (mêmes pauvres) à se tourner vers un dispositif, héritier du RMI, perçu comme une prestation d’assistance sociale et dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Question de dignité. Enfin les acteurs institutionnels chargés du suivi des bénéficiaires -singulièrement le Pôle emploi qui, en plus des effets de la crise, a bien du mal à digérer la fusion de l’ANPE et des Assedic – n’ont pas pu assurer une prise en charge de qualité.
Et cette qualité risque de baisser à l’avenir. Dans le département du Rhône, il faut en effet savoir que le suivi des personnes les plus éloignées de l’emploi est délégué par le Conseil général à des associations. À Vénissieux, elles ont pour noms Safore, Estime, Certa ou encore Régie de quartier Armstrong. Jusqu’à présent, ces missions leur étaient attribuées selon le système classique des subventions. Mais bientôt, c’est la réglementation européenne qui devra être appliquée, sur la base des appels d’offres, autrement dit des lois du marché. Des acteurs privés pourront donc venir casser les prix, comme on l’a déjà vu dans le domaine de la formation professionnelle. “À vouloir faire baisser les prix, on va immanquablement faire baisser la qualité, dénonce Marie-Christine Burricand. Or c’est exactement l’inverse dont nous avons besoin.”
RSA jeunes : le miroir aux alouettes
Depuis le 1er septembre, le Revenu de solidarité active (RSA) est officiellement étendu aux moins de 25 ans. Un progrès ? Oui, si l’on considère qu’ils ne pouvaient prétendre à l’ancien Revenu minimum d’insertion (RMI). Mais dans les faits, ils ne devraient être que quelques dizaines de milliers à peine à pouvoir en profiter. Les critères d’éligibilité sont en effet drastiques. Il faut avoir travaillé 3214 heures au cours des trois dernières années, soit l’équivalent de deux années à temps plein, pour pouvoir prétendre au RSA. Qu’il s’agisse du RSA socle, le revenu minimum (de 460 euros) versé aux personnes qui n’ont pas aucune ressource ou du RSA activité, appelé aussi RSA plus, qui permet aux salariés à temps partiel de compléter leurs revenus du travail.
Les services de l’Élysée ont annoncé l’an dernier le chiffre de 160 000 bénéficiaires. C’est ridiculement bas, quand on sait que 20,2 % des moins de 25 ans -soit 1,4 million de personnes- vivent sous le seuil de pauvreté. La réalité pourrait être encore plus décevante, puisque le ministre de la Jeunesse, Philippe Daubresse, à qui l’on demandait récemment de confirmer les chiffres élyséens, a prudemment “récusé l’idée qui consiste à annoncer des objectifs inatteignables”.
Moins d’un jeune sur dix potentiellement concernés accédera donc au dispositif. Prenons l’exemple courant d’un jeune travaillant à mi-temps depuis plusieurs années. Il sera dans l’incapacité de justifier d’une activité de deux ans dans les trois dernières années. En plus d’être injuste, c’est contraire à l’esprit de départ du RSA qui était d’octroyer un complément financier à des personnes en situation d’emploi mais à faibles revenus.
Quand on connaît les parcours chaotiques des jeunes sur le marché du travail, les critères très stricts d’accès retenus par le gouvernement semblent n’avoir d’autre objectif que de réduire au maximum le nombre de bénéficiaires.
Avec le RSA jeunes, une porte semble s’être ouverte, mais très peu auront le droit de la franchir. Le dispositif devrait coûter environ 250 millions d’euros au gouvernement sur une année pleine, voire moins. Ou comment faire croire, à peu de frais, que l’on s’occupe de la jeunesse.
Le RSA en chiffres
En France
Nombre total de foyers bénéficiaires (mars 2010) : 1,756 million
RSA “socle” (successeur du RMI et de l’API) : 1,132 million
RSA “socle majoré” : 189 000
RSA “activité” : 437 000
À Vénissieux
Nombre total de foyers bénéficiaires (décembre 2009) : 2785
RSA “socle” : 1841
RSA “socle majoré” : 349
RSA “activité” : 595
Les derniers chiffres que nous avons pu nous procurer montrent que le nombre de bénéficiaires vénissians était de 3355 en mars 2010, soit une augmentation de 17 % par rapport à décembre 2009. Nous ne disposons pas du détail, mais il est fort probable que cette hausse soit essentiellement le fait des RSA “socle”.
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