Les premières victimes du climat qui a conduit à la fermeture de l’agence Pôle emploi de Vénissieux sont évidemment les chômeurs. Durant une dizaine de jours ils ont été invités à se rendre dans une autre agence ou à utiliser les services internet et téléphoniques. Une situation pénalisante pour les quelque 7200 demandeurs d’emplois qui fréquentent les lieux.
Cette mesure inédite trouve son origine dans une succession d’incivilités. À plusieurs reprises ces dernières semaines, des agents avaient déjà exercé leur droit de retrait. Un cap a été franchi le mardi 18 novembre, quand un individu très excité a fait une intrusion dans l’espace réservé au personnel. Il a fallu l’intervention d’un vigile pour l’en déloger, non sans quelques dégâts matériels. La direction a aussitôt baissé le rideau. L’agence est de nouveau accessible depuis lundi. Un vigile supplémentaire et un agent médiation en CDD sont arrivés en renfort. Un groupe d’analyses sur les problèmes d’agression a été constitué. La revendication des agents d’assurer la réception des chômeurs en demi-journée, uniquement sur rendez-vous, est également actée.
Mais le personnel — une cinquantaine d’employés quand l’effectif est au complet, ce qui est rare vu le nombre élevé d’arrêts maladie — demeure inquiet. “Il faudra au plus vite modifier l’organisation du site en créant des postes pérennes en CDI et tout mettre en œuvre pour qu’un service public de qualité soit rendu, explique Laurent Signerin, secrétaire général du syndicat CGT au niveau régional. Nous devons pouvoir traiter rapidement des dossiers d’indemnisation, mettre un terme à une politique de radiation administrative aveugle qui est source de conflits, et être en mesure d’assurer pleinement les missions de conseil et d’accompagnement des demandeurs d’emplois.”
“Je n’ai jamais connu ça”
Le contexte de chômage galopant a profondément changé les conditions de travail du personnel de Pôle emploi, né de la fusion de l’ANPE et des Assedics, deux mois après le déclenchement de la crise bancaire et financière de l’automne 2008. Sous couvert d’anonymat, une employée qui a “25 ans de maison” explique n’avoir “jamais connu ça”. “Depuis 2012 c’est devenu vraiment très difficile. Il ne se passe pas un jour sans clashes. Les dépôts de plainte sont fréquents. Les agents ont peur d’aller à l’accueil. D’une part parce qu’ils ne sont pas rassurés, mais aussi parce que c’est dur d’être confronté aux problèmes de précarité. On fait tout ce qu’on peut avec nos moyens, nous avons le sens du service public, mais pour les demandeurs ce n’est pas assez. Beaucoup d’agents finissent par craquer. Ce qui explique l’importance de l’absentéisme et un important turnover.”
Le cas de l’agence de Vénissieux n’est évidemment pas isolé. Mais avec 7260 demandeurs d’emplois (cat. A, B, C) recensés en juillet dernier, pour une population active d’environ 25 000 personnes, le taux de chômage dans notre commune est proche des 30 % ! Avant d’être le signe d’une aggravation de l’insécurité ou d’un recul du savoir-vivre, les incivilités en série déplorées ces dernières semaines sont d’abord le reflet d’une précarisation accélérée.
Le dernier portrait social de la France réalisé par l’Insee est édifiant. Le chômage explose — en particulier celui de longue durée —, les salaires ne progressent plus ou très peu, 4,5 millions de personnes vivent avec des minima sociaux d’insertion… Et les agents des services publics, à commencer par ceux de Pôle emploi, sont en première ligne face à cette détresse sociale.
Le travail reprend normalement ce lundi à l’agence de Vénissieux. “Nous avons la boule au ventre”, corrige l’employée avec 25 ans d’ancienneté. “Nous appréhendons fortement car nous entrons dans la période des fêtes. Or c’est traditionnellement une période tendue. Les gens veulent faire plaisir aux enfants, à la famille, ils supportent encore moins que d’habitude d’être dans le besoin. J’espère que ça va bien se passer.”
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