Si Denis Plassard avait eu son propre restaurant, sûr que les surprises du chef auraient été au menu tous les jours. Denis a beau être chorégraphe, il aime surprendre en amenant de nouvelles saveurs, ne jamais être où on l’attend, ne jamais non plus proposer des spectacles routiniers, où tout est annoncé d’avance. Non, Denis Plassard n’est pas cuisinier mais ses surprises sont attendues à chacune de ses chorégraphies. Il a déjà été capable de faire danser sur du Kafka avec “Le terrier” et sur les émissions radio de Daniel Mermet avec “Ondes de choc”. De se dédoubler pour “Derrière la tête”. Ou de monter “L’affaire de la rue de Lourcine” de Labiche avec des danseurs hip-hop et des voix pré-enregistrées.Les Vénissians connaissent sa riche cuisine, lui qui a mijoté la plupart de ses créations sur la scène du Théâtre de Vénissieux depuis une quinzaine d’années. Néanmoins, ils vont être à nouveau surpris par sa petite dernière, “Les cadavres se regardent dans le miroir”. D’ordinaire, un chorégraphe utilise le mouvement, c’est dans son cahier des charges. Cela fait très longtemps que Denis Plassard s’interroge sur celui-là et, ici, il va le stopper en se basant sur un principe tout aussi proche des romans-photos que des cases de bandes-dessinées.
Quatre décors, quatre cases, occupent le plateau tandis que, dans une cinquième, ont pris place les musiciennes du quatuor Tercea jouant Beethoven. Par une série de fondus au noir, quatre personnages vont vivre une aventure, tour à tour figés dans des postures qui vont faire avancer l’histoire. C’est un véritable roman-photo, avec son lot de bluette et de rebondissements, qui se déroule sous nos yeux. On pourra aussi y voir une adaptation moderne de Blanche-Neige, avec ses pommes, ses miroirs et ses nains.
Plassard pousse l’originalité jusqu’à composer de véritables plans de cinéma, avec des lumières léchées dignes des meilleurs polars inspirés de l’expressionnisme. Le chorégraphe est intelligent et il ne veut pas laisser tomber en cours de route sa ligne claire. Malgré une tentation digne de Saint-Antoine, passant par une pomme magique qui permet aux danseurs de se mouvoir dans cet univers bizarrement coagulé, Denis revient vite à son propos. Les personnages seront paralysés, parfois dans des gestes à la limite du déséquilibre, et le resteront.
Certes, ce parti pris a ses limites. Le spectateur peut parfois perdre le fil du récit. Mais le risque de la chorégraphie, la performance des interprètes, la beauté de la musique et des images emportent le morceau. C’est une belle surprise du chef que nous a cuisinée Denis !
“Les cadavres se regardent dans le miroir” est programmé au Théâtre de Vénissieux dans le cadre de la Biennale de la danse, les 23, 24 et 25 septembre à 20h30.
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