Quelle impatience ! L’école de musique Jean-Wiener avait annoncé, en partenariat avec le Théâtre de Vénissieux, qu’elle rendait hommage ce 5 novembre au grand compositeur américain Harry Partch (1901-1974). Pour cela elle accueillait trois musicologues et néanmoins musiciens tout frais débarqués du Montclair State University. C’est dans cet établissement du New Jersey que sont abrités, au sein de la très célèbre John J. Cali School of Music, quelques-uns des fabuleux instruments fabriqués par Partch.
Le jour dit, les Américains étaient finalement au nombre de quatre et Florent Vernay, directeur de l’école de musique, les présentait comme musiciens et enseignants : « Ils ont retrouvé une œuvre de jeunesse de Harry Partch, ce compositeur pas très connu qui a également fabriqué des instruments, dont beaucoup pour les percussions, utilisant des modes et des tonalités très différentes de ce que l’on a l’habitude d’entendre, avec des quarts de ton, etc. »
Datées de 1928, ces « Studies on Scales » que l’on pensait irrémédiablement perdues semblent avoir été écrites juste avant « My Heart Keeps Beating Time », une des premières œuvres reconnues comme majeures dans la carrière de Partch. « Nos quatre amis, poursuivait le directeur, sont en train de voir comment on pourrait rééditer ces études. »
Composé de jeunes élèves et d’enseignants de l’école de musique, le public était tout ouïe.
Abrités sous une bâche plastifiée (on reconnaît bien là la théâtralité de l’auteur de « Revelation in a Courthouse Park », une pièce musicale tirée des « Bacchantes » d’Euripide), les quatre musiciens s’installent à leurs instruments respectifs – on découvrira plus tard qu’il s’agit d’un piano, d’un violoncelle, d’une timbale et d’une soliste. Les lettres qui forment le sous-titre apparaissent : « 15 seconds before Harold Raw Dies », écrites à la main sous la bâche.
Violemment secoué, le plastique devient un des ces instruments fantastiques inventés par Partch et qui ont aidé la musique contemporaine à mûrir. Digne du chromélodéon dont Partch dessinera plusieurs moutures, la bâche suit la partition du vent (ce qu’expliquera, à l’issue de la représentation, le musicien américain).
Les premiers rires ont fusé lorsque, tour à tour, la violoncelliste et le percussionniste se sont pris les pieds dans la bâche. Puis, quand le même percussionniste a perdu sa baguette, l’envoyant valdinguer vers le public. Ils ont atteint leur apogée au moment où la pianiste, se penchant sur les cordes de son instrument pour y faire rouler une balle de ping-pong, s’est faite écraser par le couvercle du piano.
Il s’agissait, mais certains l’avaient découvert déjà depuis plusieurs minutes, d’une supercherie destinée à présenter aux élèves de l’école et à leurs enseignants la compagnie théâtrale du Détour, actuellement en résidence au Théâtre de Vénissieux. D’autres, qui pratiquent la musique contemporaine, se demandaient si c’était de l’art… ou du cochon. « Nous faisons nous-mêmes des trucs assez barrés. Nous avons été orientés dès la base sur une fausse route. Nous avons cru le directeur. »
Les comédiens expliquent leur façon de procéder : « Nous faisons les choses sérieusement et nous les décalons du côté du burlesque. »
Florent explique ensuite au public amusé comment l’on peut « faire de la musique malgré tout et comment, sur une prestation scénique, on arrive à construire quelque chose ». Il a organisé cette rencontre avec le théâtre et la compagnie en espérant que les élèves du cycle 3 puissent collaborer avec eux et les accompagner sur scène, le 28 mai, à l’occasion du spectacle « Demain, l’avenir ».
Le résultat s’avère prometteur.
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