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Riyad Fghani : pas de break pour la break dance

Le Pokemon Crew présentera vendredi prochain à Vénissieux son nouveau spectacle, qui dévoile les origines cinématographiques insoupçonnées du hip-hop. Rencontre Riyad Fghani, le directeur artistique.

Riyad Fghani a démarré la danse sur le parvis de l’Opéra il y a une quinzaine d’années avec le Pockemon Crew, dont il est l’un des fondateurs avec beaucoup de Vénissians. Lui-même Villeurbannais, il vient d’emménager dans notre ville et présente vendredi 4 octobre au Théâtre de Vénissieux « Silence, on tourne ! », nouveau spectacle de la compagnie.
Dans une rue américaine, un jeune garçon qui veut épater sa copine coiffée d’une casquette se met à faire des pirouettes sur le trottoir, puis virevolte sur la tête. Pourquoi cette séquence-là est-elle si étonnante ? Parce qu’elle n’est pas issue d’un groupe de break dance mais d’un film de 1933, « Wild Boys on the Road », vision sans concession ni guimauve de la Grande Dépression, filmée de main de maître par William Wellman.
Directeur artistique du Pockemon Crew, Riyad Fghani montre sur son ordinateur cette vidéo de headspin (c’est ainsi que les Américains désignent la figure décrite plus haut) et d’autres de danse acrobatique. Autant de numéros que l’on croyait inventés par le hip-hop et qui ont traversé le XXe siècle pour parvenir jusqu’à nous grâce aux break dancers.
Pour le nouveau spectacle des Pockemon, « Silence, on tourne ! », qui sera présenté au Théâtre de Vénissieux le 4 octobre, Riyad s’est documenté sur les origines du hip-hop, « pour savoir d’où un mouvement vient, plutôt que dire : untel m’a dit qu’il l’avait créé ».
Il ajoute : « Grâce à internet, j’ai trouvé des images d’archives des années trente, comme celle de la première rotation sur la tête. Je me suis rendu compte que la danse hip-hop était inspirée du cinéma de cette époque. Dans la culture noire américaine, les jeunes croyaient avoir créé les figures mais en fait, elles venaient de beaucoup plus loin. C’est bluffant de voir ces vidéos ! Nous avions envie de partir sur ce thème. Comme nous sommes Lyonnais et que le cinéma a été inventé dans notre ville par les frères Lumière, il était légitime aussi de leur rendre hommage. Dans un futur projet, nous explorerons davantage cette thématique. Là, nous leur faisons un petit clin d’œil. »
Riyad évoque tous ces extraits de comédies musicales américaines, échelonnées des années vingt à cinquante. Il cite Frank Sinatra et Gene Kelly, des noms que l’on ne s’attend pas à voir associés au hip-hop, et les Nicholas Brothers, des danseurs de claquettes qui furent salués en leur temps par Fred Astaire. « Des artistes méconnus aujourd’hui, regrette-t-il. Malheureusement, nous n’avons pas obtenu les autorisations pour montrer les extraits de films. On est en train de se prendre la tête avec cela ! »

Un retour aux sources pour une génération de danseurs venant pour moitié de Vénissieux

Une des satisfactions de « Silence, on tourne ! » sera de montrer ce spectacle de 55 minutes à Vénissieux.
« Les Pockemon sont formés par une génération de danseurs venant pour moitié de Vénissieux. Moi-même j’y habite depuis dix mois. C’est un retour aux sources ! Nous avons joué le plus souvent à l’extérieur. Quand nous revenons dans la région, c’est un plaisir ! »
Lequel sera tout aussi fort —sinon plus— quelques semaines plus tard, puisque le Pockemon Crew est programmé du 30 octobre au 1er novembre, « avec une option sur le 2 novembre », à La Cigale, mythique salle de spectacles parisienne.
Riyad Fghani est donc l’un des co-fondateurs du groupe. La rencontre s’est faite sur le parvis de l’Opéra de Lyon vers 1996. « Tout le noyau dur était là en 1999. Nous avons monté les Pockemon pour pouvoir nous lancer dans les compétitions. »
Pockemon : le nom vient bien sûr du jeu japonais, très en vogue à cette époque. « On devait le garder le temps d’un week-end, reprend Riyad, et on ne voulait pas prendre le nom d’un quartier. C’est un nom ridicule, qui a marqué les gens. Et il nous est resté ! Quand on démarchait les institutions, on n’était pas très crédibles. Question travail, nous n’avions pas de soucis. Mais lorsqu’on se présentait en annonçant le nom de Pockemon, on sentait une gêne. C’est une petite erreur de parcours ! A présent, on utilise beaucoup les initiales PKC pour Pockemon Crew. Nous sommes un peu prisonniers de ce nom qui est devenu une référence dans l’aboutissement d’un travail. »
PKC est aujourd’hui formé d’une vingtaine de danseurs. Riyad explique sa fonction : « Je trouve les projets, j’écris les dramaturgies, je choisis les thèmes, les musiques et les équipes de danseurs. Ils sont huit en moyenne, par création. Je fais aussi quelques apparitions sur scène. « Silence, on tourne ! » sera ma dernière création en tant que danseur. La danse est un apprentissage de haut niveau, qui demande l’entretien de son corps. Je n’ai plus le temps de m’occuper uniquement de cela. »
Les Pockemon comptent aussi beaucoup sur la formation. Riyad explique qu’il ne fait pas de casting : « Nous prenons en main les jeunes qui s’entraînent sur le parvis de l’Opéra. Le Pockemon Crew les forme et leur donne leur première chance sur scène. C’est un potentiel énorme à Lyon. Nous regrettons de ne pas pouvoir réunir les conditions pour encadrer tous ces jeunes. Le projet de la compagnie est de trouver un lieu où recevoir et encadrer ces jeunes danseurs, qui sont près de 120. La plupart répètent dans la rue, comme dans les années quatre-vingt. »
Le PKC est resté en résidence à l’Opéra pendant dix ans. L’aventure s’est arrêtée l’an dernier. « Le rythme devenait de plus en plus exigeant physiquement, remarque Riyad. Entre les cours, les spectacles et les compétitions, il faut que le corps soit affûté. Quand on pratique la break dance, avec les impacts contre le sol, une carrière est finie à 30 ans. J’ai moi-même 34 ans et j’ai été obligé de m’arrêter pendant un an : j’avais les disques cassés. Les danseurs de break dance connaissent une usure précoce et n’ont pas de staff médical qui les suive. On s’entretient comme on peut mais ce n’est pas suffisant. La break dance et la danse au sol se paient sur le court terme alors qu’avec la danse debout, on peut aller jusqu’à 45 ans. »
Le rythme du Pockemon Crew est toujours aussi soutenu. Le 14 juillet dernier, aux Nuits de Fourvière, les bboys de PKC ont célébré le dixième anniversaire de leur victoire aux championnats du monde. Ils avaient carte blanche pour la grande Battle des Nuits. Ils ont animé des ateliers avec des enfants dans l’après-midi, ont participé à la compétition du soir tout en se remettant à travailler leur prochaine création dès les jours suivants.
De sacrés bosseurs !

« Silence, on tourne ! », le 4 octobre à 20 heures au Théâtre de Vénissieux. À partir de 8 ans. Tarifs : de 8 à 18 euros.
Réservations : 04 72 90 86 68.

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