“Un film, remarque Mathieu Amalric, au départ c’est pas grand chose !”
Remarqué chez les auteurs (Otar Iosseliani, Arnaud Despléchin, les frères Larrieu, etc.), le comédien français a également travaillé avec Spielberg (“Munich”) et Sofia Coppola (“Marie-Antoinette”), a campé le méchant dans un James Bond (“Quantum of Solace”) et apparaît dans “Les aventures d’Adèle Blanc-Sec” de Luc Besson. Amalric est également un cinéaste dont les rares films (quatre en 13 ans) sont attendus. “Tournée”, son petit dernier, a été présenté lors du dernier festival de Cannes, où il a obtenu le prix de la mise en scène.
“J’avais envie de travailler avec la même productrice, expliquait l’acteur-réalisateur lors de son passage à Lyon. Ce qui reste remonte à la surface : ainsi, un texte de Colette, “L’envers du music-hall”. Quelque chose m’attirait là-dedans : pourquoi une femme a-t-elle eu l’envie de partir sur les routes, de faire des pantomimes, un art qui passe par le corps, plus pour elle-même que par goût de la provocation ? Il était question de liberté et je me demandais ce qui pouvait résonner avec cela aujourd’hui. On ne trouvait pas. Un jour, je tombe sur une photo de deux femmes, avec des corps différents de ceux que l’on voit habituellement dans les magazines. Elles dégageaient une énergie incroyable.”
L’image en question représentait des strip-teaseuses américaines d’un genre nouveau, baptisé outre-Atlantique le “New Burlesque”. “Colette aurait fait cela aujourd’hui”, assure Mathieu Amalric.
“Le projet a démarré ainsi mais ce n’était pas assez. Il me fallait deux éléments qui se cognent. J’avais aussi envie de parler du métier de producteur, pour lequel je ressens de l’incompréhension. Comment font-ils pour continuer à avoir la force, à prendre des risques physiques et financiers ? Comment fait-on pour faire quelque chose ? Les producteurs ne sont pas des artistes, en tout cas ils ne sont pas reconnus comme tels. Pourtant, plus que le metteur en scène, je pense que c’est eux les fous, les irresponsables.”
Le producteur et les strip-teaseuses
Mathieu sait qu’il peut mêler les deux sujets, d’autant qu’en 2005, Humbert Balsan se suicide. Producteur de Youssef Chahine, d’“Intervention divine” d’Elia Suleiman, de “Quand la mer monte” de Yolande Moreau, de “Manderlay” de Lars von Trier, du “Grand voyage” d’Ismaël Ferroukhi, sa mort traumatise toute la profession. “Lâcheté ou résistance, reprend Mathieu Amalric, chacun a son point de vue.”
Alors, dans “Tournée”, la caméra suit tout à la fois cette troupe de strip-teaseuses américaines en tournée dans la province française et les démêlés artistico-sentimentalo-existentiels d’un producteur joué par Amalric lui-même. Le point faible du film est sans doute inscrit dans ce déséquilibre. Amalric est parfait dans le rôle mais à trop suivre le producteur, le cinéaste en oublie son sujet : l’envers du music-hall. On a un peu de mal à différencier les artistes burlesques et le film manque, curieusement, de chair. Pourtant, il reste malgré tout ancré dans les mémoires. D’abord grâce à son double sujet mais sans doute aussi parce qu’Amalric intercale des moments de grâce, des parenthèses qui nous enchantent, telle la séquence de drague dans la station-service. Il y a également un élément qu’on ne peut ignorer : Amalric sait rendre une rencontre chaleureuse. On a l’impression d’être avec un ami qui nous confie ses doutes. On le quitte en sachant qu’on le retrouvera dans le prochain film de Marjane Satrapi et aussi chez Martin Scorsese, auprès de qui il va tourner neuf jours. On est heureux pour lui et pour nous. Et on a envie de recommander son film au plus grand nombre possible.
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