Faiblesse des ressources et précarité professionnelle d’un côté, manque de logements adaptés et hausse des loyers de l’autre : pour les jeunes, l’accès au logement a rarement été aussi difficile. D’autant que les garanties exigées sont toujours plus élevées. C’est encore plus vrai pour le public en difficulté d’insertion.
Dans le foyer de jeunes travailleurs de la MAJO de Parilly, coincé entre l’avenue Viviani et le périphérique, Habib Darwiche, le directeur, rêve déjà de 2014, quand il déménagera à Parilly, dans des locaux flambant neufs. “On fait le maximum pour rester accueillants, mais le foyer est en bout de course. Il faut dire les choses comme elles sont : si les jeunes viennent ici, c’est parce qu’ils n’ont pas trouvé de place ailleurs dans l’agglomération.”
Et pourtant la MAJO est pleine. Les 116 lits sont occupés. “On refuse du monde tous les jours, déplore le directeur, c’est vous dire à quel point l’accès au logement est devenu problématique pour les jeunes.” S’il est difficile d’entrer à la MAJO, il est encore plus dur d’en sortir. “Auparavant, il fallait trois mois, six mois, maximum un an pour trouver un studio ou un petit appartement. Aujourd’hui, nos résidants restent jusqu’à trois ans avant de pouvoir rebondir ailleurs. Nous ne pouvons plus jouer notre rôle de tremplin vers l’autonomie.”
Ce parcours du combattant, des millions de jeunes Français âgés de 18 à 30 ans le vivent au quotidien. Faibles revenus, postes instables, manque de garanties, pénurie de logements adaptés, singulièrement de petits logements, loyers excessifs… La liste des difficultés est connue. Le constat n’est pas nouveau mais la situation s’est aggravée durant ces dernières années de crise.
“Heureusement, nous avons un bon partenariat local
C’est comme si l’on refusait aux jeunes d’entrer dans l’âge adulte. En 2006, selon la dernière enquête logement de l’Insee, 46,1 % des 18-30 ans vivaient encore chez leurs parents ; un chiffre en augmentation de 3,5 % depuis 1992. Une étude IPSOS réalisée pour Action logement montre par ailleurs qu’un jeune sur cinq met plus de six mois à trouver un logement. Et ils sont 55 % à déclarer avoir rencontré des difficultés dans leur recherche.
Un bon niveau d’insertion sur le marché du travail, la qualité du réseau, le fait d’avoir dans son entourage des personnes pouvant se porter garantes, sont bien sûr des éléments déterminants pour trouver un toit. Au service logement de Vénissieux (l’ancien CLLAJ), hébergé par la Mission locale pour l’emploi, le public accueilli n’a pas vraiment ce profil. C’est même l’exact inverse. Le revenu moyen mensuel des quelque 200 jeunes suivis chaque année s’élève à seulement 750 euros. Et ils ne sont que 18 % à être employés en CDI, tandis que les chômeurs et les allocataires du RSA constituent la moitié des effectifs. “Heureusement, nous avons un bon partenariat local, observe Marine Rainko, la responsable du service. Entre la MAJO, les quatre foyers Adoma, les deux foyers Aralis et les bailleurs sociaux traditionnels, nous parvenons à trouver des solutions provisoires ou durables. Mais cela devient de plus en plus difficile. Les différentes structures n’arrivent plus à jouer leur rôle parce qu’il n’y a plus de turn over.”
C’est que la concurrence fait rage : le taux de rotation dans les logements est faible, ceux qui ne parviennent plus à accéder au parc privé se rabattent sur le parc social, voire sur les structures d’hébergement provisoire. Et en bout de chaîne, les jeunes en difficultés sont les principales victimes de cet effet “domino”. “Le délai d’attente pour trouver une place dans un CHRS (N.D.L.R. : Centre d’hébergement et de réinsertion sociale) est de six mois, poursuit Marine Rainko. Dans les foyers Adoma et Aralis, c’est de l’ordre de trois mois. Et environ deux mois dans le logement social classique. Mais encore une fois, je le rappelle, nous avons à Vénissieux un très bon partenariat et des possibilités de logement assez nombreuses. Ce n’est pas le cas partout.”
À Vénissieux, un problème avant tout féminin
Nationalement, un peu plus d’un jeune Français sur deux, âgé de 18 à 30 ans, ne vit plus chez ses parents. Mais on constate une forte disparité entre filles et garçons. Les jeunes femmes quittent en effet le domicile parental plus tôt. En moyenne, elles sont 63 % à ne plus vivre dans le nid familial. On retrouve cette particularité, de manière encore plus prononcée à Vénissieux : les filles représentent 74 % du public suivi par le service logement à la Mission locale. “Il y a énormément de ruptures familiales, souligne la responsable. Mais en dehors de cela, j’ai constaté que les filles sont beaucoup plus dans une recherche d’autonomie.”
Kouraïcha Thari, 24 ans, en est un bon exemple. Elle vit aujourd’hui, avec sa petite fille, dans un studio tout équipé de 18 m2, à la résidence Adoma “Les Cèdres”. La route a été longue et difficile jusqu’ici. “Il y a deux ans, j’étais enceinte quand je me suis séparée de mon compagnon, raconte-t-elle. J’habitais Vaulx-en-Velin. Je suis partie à Saint-Étienne où je n’ai trouvé qu’un appartement à 500 euros par mois. Comme ma paie était du même montant, cela ne pouvait pas durer. Je suis donc revenue chez mes parents à Vénissieux. Mais retrouver sa chambre d’enfant quand on est maman, c’est difficile. J’avais besoin d’autonomie. J’ai laissé mon enfant à ma mère et j’ai galéré dans des loyers d’urgence à Lyon. Et puis je me suis adressée au Service logement de la Mission locale. Ici, c’est petit, mais il y a tout ce qu’il faut et j’ai pu reprendre ma fille. Le loyer est de 373 euros. Je fais de l’intérim, j’arrive à gagner entre 600 et 1 000 euros par mois. Avec l’APL je m’en sors.”
Kouraïcha a aujourd’hui le projet d’emménager dans un T3, “pour avoir deux chambres, une pour la petite et une pour moi”. Avec l’aide de Marine Rainko, elle a repris le parcours du combattant. “Je suis moins dans l’urgence donc je le vis beaucoup mieux, mais cela reste long et difficile.”
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