

Leïla Aoujdad (à droite), fondatrice de l’association Femmes et Diversité, avec deux des 14 femmes qui ont participé à l’atelier de prise de parole en public et de confiance en soi.
`« Les représentations ont la dent dure, estime Leïla Aoujdad, fondatrice de l’association Femmes et Diversité. Les femmes sont constamment jugées : sur leur apparence, leur comportement, et encore plus lorsqu’elles sont racisées ou portent un voile. » En février dernier, au centre associatif Boris-Vian, cette militante associative a proposé un atelier autour de la prise de parole en public et la confiance en soi. « Vénissieux est un symbole fort de l’égalité : il y a de nombreuses initiatives féminines, et le maire est une femme. Je voulais mettre en lumière toutes ces actions et permettre aux femmes des quartiers prioritaires de réfléchir à la question de la représentation pour lutter contre l’invisibilisation », poursuit-elle.
Pendant deux jours, les quatorze participantes ont pu s’engager dans diverses activités, accompagnées d’intervenants tels que Khalid Hamdani, président de l’Institut Éthique et Diversité, et Marie-Hélène Bojin Charmasson, coach spécialisée dans la prise de parole en public. Une restitution était organisée le 4 avril à la médiathèque. « On nous a par exemple montré que la discrimination peut être une force plutôt qu’une fatalité, témoigne Sarah Demeglio. Cette expérience m’a donné de la force et du courage. J’ai compris que ma parole avait du poids. J’ai aussi réussi à mettre de côté cette peur d’être jugée, sur le plan social et en tant que femme. Cela m’a permis de briser de nombreuses barrières. »
Un autre objectif était de convaincre les femmes de ne pas renoncer. « Nous sommes là pour leur montrer leurs possibilités, affirme Leïla Aoujdad. J’ai rencontré des femmes aux talents incroyables, prêtes à se lancer dans l’entrepreneuriat. Beaucoup ont fait des études non reconnues en France : une pharmacienne, une enseignante… Elles ont vécu un déclassement social très dur. »
Ainsi pour Nour Mahajou Hamed, cet atelier a été une source d’inspiration. Avec les autres femmes de son association Espoir du Soudan, elle souhaite valoriser un savoir-faire en tricot et couture : « Nous pensons commencer en proposant des services de repassage. Comme un arbre, nous prenons le temps de grandir. »
Lâcher-prise
La thématique du pouvoir des femmes était également au cœur de la première édition du festival Printemps des femmes, organisé du 15 au 18 avril par les centres sociaux des Minguettes. « Nous avons souhaité mobiliser le pouvoir d’agir, accompagner au mieux les participantes dans la réalisation de leur projet personnel ou professionnel », explique Marie-Hélène Mathurin.
Des ateliers de boxe libératrice étaient notamment proposés. « C’est une méthode qui aide au lâcher-prise et renforce la confiance en soi, décrit Naïma Bendjeddou. C’est un exutoire qui permet une autre forme de communication, favorisant un rapprochement entre les mères et leurs filles. » Une animation autour de la beauté et de l’estime de soi était également au programme : « Nous voulons que les femmes se sentent belles, qu’elles retrouvent leur place en tant que femmes, au sein de leur famille comme dans la société », ajoute Naïma Bendjeddou.
Le mardi 15 avril, Nedjma Ahmed Messaoud, coach et thérapeute, est intervenue pour aider les femmes à « dépasser leurs blocages et avancer dans leur vie ». « Nous travaillons sur la gestion des émotions, la prise de parole en public et la communication d’impact », précise-t-elle. Certaines participantes ont partagé leur parcours, leur solitude, les difficultés qu’elles rencontrent pour entreprendre, ou encore la charge mentale qu’elles supportent au quotidien.
Quand Samia se retrouve
C’est un constat partagé par de nombreuses participantes : bien souvent, les femmes, surtout les mères, mettent leur identité de côté pour répondre aux exigences du quotidien. Véritables piliers de la famille, elles organisent la vie de tous, quitte à s’effacer. Pour les mères solo, ce constat est encore plus fort : c’est un défi quotidien.
À Vénissieux, 31 % des familles sont monoparentales, dont 84 % sont des mères seules — un chiffre légèrement supérieur à la moyenne nationale. Souvent en situation précaire, elles doivent jongler avec des difficultés multiples : 43 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, contre 20 % au niveau national. L’accès aux droits devient alors un véritable parcours du combattant, souvent freiné par le manque de temps ou d’information.
Depuis que Samia* a poussé les portes du centre social Eugénie-Cotton, à Vénissieux, sa vie a commencé à changer. « Avant, je faisais tout toute seule. Le centre m’a ouvert les yeux, m’a redonné confiance. J’ai été accompagnée par une conseillère qui m’a encouragée à aller de l’avant, tout en m’expliquant les démarches. Je me suis rendue compte que ce n’était pas aussi compliqué que je le pensais. »
Grâce à cet accompagnement, elle a pu bénéficier du soutien des Compagnons Bâtisseurs, une association qui aide les personnes précaires à rénover leur logement. « Ils m’ont aidée à réaménager les toilettes, la salle de bains, les chambres. Il y avait un budget à respecter, et on a fait ensemble les choix. »
Tout au long de sa vie personnelle et professionnelle, Samia a fait en sorte de rester disponible pour ses enfants, en évitant les horaires en soirée et en week-end. Aujourd’hui encore, même si ses enfants sont plus autonomes, le rythme reste soutenu : « Quand je rentre du travail, parfois j’ai juste envie de me poser cinq minutes, mais ce n’est pas possible, confie-t-elle. Entre les repas, les lessives, les devoirs… c’est la course. Et quand tout est fini, je n’ai qu’une envie : aller me coucher. »
Désormais, elle parvient à s’accorder du temps pour elle, notamment grâce aux activités proposées par le centre social. « J’arrive mieux à m’en sortir, affirme-t-elle. Je suis fière de la maman que je suis devenue. »
* Le prénom a été modifié
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