Sorti en 2020 chez XO Éditions, Vous n’aurez pas les enfants, le livre de l’historienne Valérie Portheret, traite de la rafle des Juifs du 26 août 1942 dans la région lyonnaise, de leur incarcération au camp de Vénissieux et du sauvetage de 108 enfants grâce à des résistants et à divers réseaux religieux (catholiques, protestants et juifs), avec le soutien du cardinal Gerlier. Ce récit incroyable, travail de toute une vie, précise son autrice, vient de devenir une bande dessinée. Publié chez Glénat, ce roman graphique est l’œuvre du scénariste Arnaud Le Gouëfflec et du dessinateur Olivier Balez. On doit déjà à ces deux-là Le Chanteur sans nom et J’aurai ta peau, Dominique A.
La BD s’ouvre sur une série de portraits. Il faut dire que les personnages du récit sont nombreux et qu’il va falloir les distinguer. On retrouve ainsi les membres de la Cimade, de l’OSE, de l’Amitié chrétienne, des ouvriers indochinois et également, du mauvais côté de la barrière, les représentants de la préfecture de la région de Lyon qui suivaient les injonctions de la politique collaborationniste de Vichy.
Un excellent support pédagogique
La force d’Arnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez est de ne pas perdre le lecteur et de rendre parfaitement l’ambiance de l’époque. Le camp, les gares d’où partent les trains, les rues nocturnes de la ville, la rafle et le rôle des policiers, le travailleur indochinois qui travaille dans le camp et prendra des photos que Valérie Portheret a retrouvées en 2018, tout nous plonge dans cette extraordinaire histoire.
L’alternance des images — grandes, plus petites, en couleurs, teintes en rouge, en bleu sombre, en marron — donnent un rythme au récit qui s’attache plus particulièrement au rôle tenu par l’Amitié chrétienne avec le cardinal Gerlier, l’abbé Glasberg, Gilbert Lesage, Jean-Marie et Maribel Soutou. Cette dernière était d’ailleurs la sœur du résistant et futur écrivain Jorge Semprun, scénariste entre autres de Z de Costa-Gavras.
Cette bande dessinée contant une histoire de courage et d’entraide, qu’il faut absolument connaître, pourra être un bon support pour les enseignants désireux de la transmettre aux enfants. Et beaucoup de lecteurs adultes, qui y prendront autant d’intérêt, découvriront certainement cet acte de résistance grâce à cet album.
Et ce n’est pas fini. Dans une interview donnée à nos confrères du Progrès, Daniel Auteuil annonce : « J’ai comme projet de metteur en scène un film qui concerne Lyon, qui concerne Vénissieux et qui concerne une certaine époque. Qui est 1942, et comment des fonctionnaires ont sauvé des enfants. Je vais essayer d‘être à la hauteur des Lyonnais. »
« Vous n’aurez pas les enfants » d’Arnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez d’après Valérie Portheret, éditions Glénat, 24 euros.
Plus de 30 ans de recherches
Dès sa préface, Valérie Portheret précise : « Il faut que cette histoire emblématique de Vénissieux soit connue, transmise, expliquée. » En postface, elle va détailler ce long travail qui la tient depuis 1993, alors qu’elle travaillait au musée communal de la Résistance et de la Déportation à Vénissieux. Elle raconte tout à la fois ses recherches et ses rencontres avec les enfants sauvés, qu’elle a retrouvés en France, en Israël et aux États-Unis. Elle parle aussi de son adoubement par Serge Klarsfeld, le grand historien de la Shoah, et par Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et auteur de plusieurs livres sur la résilience. Tous deux ont préfacé Vous n ‘aurez pas les enfants, le livre de Valérie.
Dans cette postface, Valérie Portheret évoque également le sénateur Charles Lederman, fondateur du bureau lyonnais de l’OSE (l’Œuvre de secours aux enfants), actif dans le sauvetage, venu à la mairie de Vénissieux en 1996 pour la signature d’un autre livre de l’historienne, Le Sauvetage des enfants juifs du camp de Vénissieux.
En dehors de ces célébrités qui l’ont aidée, Valérie rend hommage à tous les rescapés qui ont soutenu son travail, Lotte, Lucy, Joseph, Kurt, Lili, Eva, Jeannette, Léa, Jean, Lisa, Rosa, les jumeaux Henry et Bernard et tant d’autres.
Valérie Portheret (au centre), lors d’une signature à la librairie du Cours, à Montchat
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