

La tour numéro 10, endommagée par un incendie, a été vidée de ses occupants. Photo Fabrice Dufaud
« On voulait tous partir d’ici, mais pas de cette façon ! » Au pied de cette tour où il logeait depuis 18 ans, ce père de famille observe avec une certaine fatalité les allées et venues de ses voisins venus récupérer leurs affaires. La tour 10 de l’avenue de la Division-Leclerc, en bordure du parc des Minguettes, est sur le point d’être totalement désaffectée.
Onze jours plus tôt, un incendie s’est déclaré dans une gaine technique de ce vieil édifice de 16 étages. L’évacuation de la centaine de résidents s’est imposée. Pour des questions de sécurité, gaz et électricité ont été coupés. « 24 familles sur 39 ont été relogées à l’hôtel, à Vénissieux, Saint-Priest et Gerland, précise le bailleur social, Alliade Habitat, qui coordonne l’hébergement d’urgence. Les autres ont préféré être logés chez des proches. Les loyers sont suspendus jusqu’à la fin du mois. Pendant cette quinzaine, une aide de 18 euros par jour et par personne est allouée. »
Une petite minorité est restée sur place, par défaut ou par choix. C’est le cas d’une dame âgée, handicapée et clouée à son lit médicalisé. Pour elle, une solution a pu être organisée ce vendredi 28 mars. Un couple et leurs cinq enfants ont décidé de ne pas bouger. « Oui, on est en 2025 et on s’éclaire à la bougie, ironise le papa. Pour les repas, on commande à l’extérieur. Le feu est parti du 5e, en face de notre logement. Mais maintenant, on ne craint rien ! De toute façon, où irait-on avec nos enfants, qui sont scolarisés à droite et à gauche ? Ma femme ne conduit pas. »
Dispositif anti-squat
La Ville a pourtant déclenché un arrêté de mise en sécurité. Ce jeudi 27 mars, une équipe d’agents de sécurité filtre les entrées. « Vous avez 15 minutes pour rassembler le nécessaire, pas plus », avertit l’un d’eux à une mère et son fils. « On vit vraiment comme des clochards, peste une de ses voisines. Pourquoi on nous fout dehors maintenant ? On a tout connu, ici. Des squats, des fuites de gaz, des dégâts des eaux, des coupures d’électricité. Et même quatre incendies en un an. C’est maintenant qu’on serait en danger ? »
La douzaine d’agents déployée jour et nuit est là pour éviter toute tentative d’effraction. « Heureusement, car avec la pression du deal et des marchands de sommeil, on aurait eu droit à une occupation générale, assure Pierre-Alain Millet, adjoint municipal au logement. Dernièrement, les appartements n’étaient plus squattés. L’opération Place nette qu’ont menée les forces de l’ordre l’été dernier avait fait le nécessaire. Tous ces logements sont désormais murés. En revanche, certains squats s’étaient déplacés sur les parties communes. »
Six mois pour retrouver un logement pérenne


En cette fin du mois de mars, les locataires, guidés par des agents de sécurité, se succèdent pour récupérer quelques affaires. Photo Fabrice Dufaud.
Les ascenseurs étant inopérants, les déménagements, pris en charge par Alliade, se feront par l’extérieur, avec une nacelle ou des échafaudages. Pour les habitants, le pic d’urgence est passé. Mardi 1er avril, la Ville prendra le relais du bailleur. Tout le monde pourra être relogé en appartement-hôtel à Lyon. « Les locataires devront à nouveau payer leur loyer comme avant, sans les charges, explique Pierre-Alain Millet. La Ville financera le dépassement. L’État nous aide par le biais du Fonds d’aide au relogement d’urgence (Faru). Cette situation ne devra pas excéder six mois. »
La Ville, l’État et l’ensemble des bailleurs sociaux disposent d’un peu de temps pour trouver un point de chute aux 39 familles. « Six relogements sont déjà actés, assure Pierre-Alain Millet. Chaque jeudi, un point est fait avec l’ensemble des partenaires. On veut que ça se fasse le plus rapidement possible. Les principaux bailleurs sont mobilisés de manière exceptionnelle. »
Dans cet immeuble connu pour être l’un des plus dégradés du Plateau, nombreux sont les locataires à avoir multiplié des dossiers de relogement ces dernières années. Près d’une trentaine de demandes de mutation ont été enregistrées avant l’incendie. « Voilà huit ans que je fais des dossiers, désespère une mère de quatre enfants. Je n’ai rien trouvé qui nous corresponde. » Le père de famille du 5e ne dit pas autre chose : « Ce qui était bien, ici, c’est qu’on avait de la surface pour pas cher. On m’a proposé des T5, à Écully et Irigny. Mais le loyer monte à 1 200 euros. C’est deux fois plus cher ! »
Reste à modeler le visage de ce secteur du Plateau. Et celui-ci est encore loin d’être bien défini. « Le dossier est ouvert depuis un an, explique Pierre-Alain Millet. Le bailleur ne veut pas continuer avec la tour 10. La Métropole de Lyon, la Ville de Vénissieux et l’État y travaillent. Mais est-ce que tout le monde partagera la même volonté ? La question du financement sera la clé. »
C’est bien là que le bât blesse. Contrairement aux quartiers Léo-Lagrange, Pyramide, Darnaise et la future ZAC Marché-Monmousseau-Balmes, le périmètre de Division-Leclerc n’est pas inscrit dans le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), garant de généreuses subventions étatiques. « On ne craint pas la démolition si on peut reconstruire différemment, comme à Vénissy, poursuit l’élu communiste. Un nouveau projet peut inclure des restructurations lourdes et des aménagements urbains. Pourquoi ne pas prolonger le Cerisier sur la Division-Leclerc et valoriser cette entrée du parc des Minguettes ? »
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