C’est un nouveau métier, à la frontière entre le médecin et l’infirmier. Depuis 2018, la formation d’infirmier en pratique avancée (IPA) permet aux infirmiers ayant plus de trois ans d’expérience d’obtenir un diplôme en deux ans, afin d’élargir leurs compétences. « Le métier d’IPA n’a pas été créé par hasard, rappelle Aidi Naziha, qui exerce à Vénissieux. Il y a un besoin lié au vieillissement de la population, à l’augmentation des maladies chroniques et à la désertification médicale. Tous ces points montrent qu’il était nécessaire de répondre à la demande afin de ne pas laisser les patients sans soins et en grande difficulté. » Au total, elles sont trois IPA à Vénissieux : Aidi Naziha, spécialisée dans l’hémato-oncologie, ainsi que Nadia Mohamed et Saloua Benyahia, qui interviennent dans les pathologies chroniques stabilisées.
Cela fait plus de dix ans que les trois femmes travaillent à Vénissieux, et elles ont décidé de suivre cette formation pour venir en aide à la population locale. « Un diagnostic du territoire nous a permis de constater que les médecins se rendaient de moins en moins à domicile, qu’ils partaient à la retraite et que les personnes âgées étaient en difficulté, soulignent-elles. Il y a près de 3 000 personnes sans médecin traitant à Vénissieux. C’est une population avec de nombreux besoins. » Pour l’avenir, les trois femmes espèrent voir arriver une IPA spécialisée dans la santé mentale : « C’est un sujet très important à Vénissieux et nous pensons que cette spécialité aura toute sa place ici. »
Grâce à leur formation, les IPA sont en capacité de réaliser des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique. Ils peuvent également renouveler des traitements, adapter des posologies, prescrire des examens complémentaires (imageries, prises de sang) et même pratiquer des auscultations. « Une infirmière travaille sur prescription médicale, sauf dans certaines situations où elle peut modifier ou prescrire des protocoles de pansements, détaille Nadia Mohamed. En devenant IPA, nous avons un regard global sur la prise en charge et nous sommes là pour fluidifier le parcours de soins des patients. On nous surnomme les facilitatrices. Nous faisons aussi de l’éducation, de la prévention, de l’orientation, du dépistage. Nous rappelons l’importance de l’exercice, de l’alimentation, etc. »
Une collaboration pluridisciplinaire
Les rencontres avec les patients ont lieu tous les trois mois : « La première consultation dure en moyenne une heure, et les suivantes entre 30 et 45 minutes », expliquent les trois femmes. Elles assurent un suivi similaire à celui d’un médecin, mais ne posent aucun diagnostic. Leur but étant d’optimiser le temps du médecin traitant, tout en offrant aux patients un accompagnement spécifique à leurs besoins. « C’est une collaboration pluridisciplinaire entre tous les professionnels de santé, précisent-elles. Si nous sommes face à une situation alarmante, nous agissons de manière structurée. Nous communiquons au médecin les éléments que nous avons en notre possession et lui présentons notre démarche. Il pourra ensuite nous conseiller d’ajouter d’autres éléments ou valider ce que nous proposons. Cela permet d’agir rapidement, et le médecin pourra intervenir dans la suite de la prise en charge. »
Pour les trois femmes, il est essentiel de mieux faire connaître leur métier et d’expliquer leur rôle, tant auprès de la population que des médecins, parfois méfiants à leur égard. « Il existe une certaine méconnaissance des IPA. Certains médecins hésitent à faire appel à nous, pensant que nous allons gagner plus qu’eux ou les remplacer, mais ce n’est pas le cas. Nous ne prenons pas leur place, notre collaboration avec eux est simplement plus étendue. Nous sommes là pour faire progresser la prise en charge et travailler à leurs côtés, mais nous ne sommes pas médecins. »
Des changements depuis janvier
Fin janvier, un décret concernant les conditions d’accès direct des infirmiers en pratique avancée (IPA) a été publié dans le cadre de la loi Rist. Ce texte, très attendu par les IPA, confirme notamment la fin du protocole d’organisation. Jusqu’à présent, l’infirmier en pratique avancée devait établir ce document avec les médecins : « Il définissait le nombre de patients suivis, les modalités, et l’étendue de l’intervention dans la pratique, tout cela étant négocié avec le médecin, détaille Nadia Mohamed. Nous étions dans une relation de subordination, le médecin fixait les limites à notre activité. »
De plus, avec ce décret, les IPA peuvent désormais directement prendre en charge les patients de leur domaine d’intervention (voir ci-contre) sans passer par un médecin, dans le cadre d’un exercice coordonné. Les IPA concernés sont ceux qui exercent dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux, les centres ou les maisons de santé. Cette nouveauté vise à renforcer l’accès aux soins, en particulier pour les patients atteints de pathologies chroniques qui ne disposent pas de médecin traitant. « Cette primo-accession est une reconnaissance, se félicite Nadia Mohamed. Cela ne signifie pas que nous remplaçons le médecin, car les patients auront toujours besoin d’eux, tout comme nous avons besoin des médecins également. »
Un autre arrêté, concernant la primo-prescription, devrait également voir le jour : « Si cette mesure est adoptée, une formation sera mise en place, et la pharmacologie sera étudiée dans le cursus universitaire. »
Cinq domaines d’intervention :
Au cours de leur formation, les infirmiers en pratique avancée doivent se spécialiser en deuxième année. Ils peuvent alors choisir parmi cinq domaines d’intervention :
– les pathologies chroniques stabilisées et les polypathologies courantes en soins primaires
– l’oncologie et l’hémato-oncologie
– la maladie rénale chronique, la dialyse, la transplantation rénale
– la psychiatrie et la santé mentale
– les urgences