L’anecdote donne une idée de l’état d’esprit de Josh Chergui et Loïs Serre, les deux membres du duo vénissian Trinix. En décembre dernier, leur tournée les amène à Tahiti. « On ne savait pas à quoi s’attendre, on se disait que, là-bas, personne ne nous connaissait. Pourtant, c’était quasi complet. » Plus fort encore, dans le taxi qui les conduit, le chauffeur écoute… du Trinix. « Il ne savait pas que c’était nous. On ne lui a pas dit. »
Même s’ils ont rempli l’Olympia puis obtenu de beaux succès pendant tout l’été dans une quinzaine de festivals, jouant parfois devant 60 000 personnes, Josh et Loïs restent simples. Ils avouent qu’ils sont reconnus dans la rue mais « ça reste vivable, on n’est pas Johnny Hallyday ni Justin Bieber, dont on ne voudrait pas la vie. » Et, sur leur tournée estivale, ils ajoutent : « Tout s’enchaînait trop vite. Aux Vieilles Charrues, on a joué devant 60 000 personnes le 12 juillet, 20 000 à Terres du son le 13 juillet… On ne se rendait pas compte, on avait la tête dans le guidon. Notre chance, c’est d’être deux. On peut s’en parler. »
Quand on fait la comparaison des chiffres, 60 000 spectateurs sont plus impressionnants que les 6 000 qui les attendent au Zénith de Paris le 1er mars prochain, Loïs et Josh relativisent. « Sur les 60 000, il n’y en a peut-être que 6 000 qui nous connaissaient. Alors qu’au Zénith, tous viendront nous voir nous et seulement nous. » Des fans en provenance d’ailleurs du monde entier, puisque Trinix est suivi en France mais aussi, grâce à Internet, aux États-Unis, en Angleterre, au Brésil, etc.
Une salle historique
Mais remontons un peu le fil du temps pour nous retrouver, le 23 mars 2024, à l’Olympia. « C’était vraiment notre premier gros spectacle, reconnaissent-ils. L’Olympia, c’est un symbole, c’est historique ! Tout a une histoire, jusqu’aux rideaux, aux murs et à la plaque dans le plafond. Et puis, voir deux Vénissians dans une salle comme ça à Paris, on était comme des dingues ! On l’avait tellement préparé qu’on a été pris par la pression, sans vivre pleinement le moment et en traversant le concert de manière extérieure. Quand le show a été fini, il s’est passé quelque chose et l’émotion a grimpé. »
À l’Olympia, les deux musiciens n’ont pas eu le temps de faire un filage du spectacle, seulement quelques balances. « Tout était nouveau, on ne savait pas ce qui fonctionnait. Quand tout a été terminé, on s’est rendu compte que ça avait marché. Pour le Zénith, on va pouvoir recadrer certains détails. Nous arriverons avec moins de pression. »
Le spectacle du Zénith sera différent de celui qui a été présenté à l’Olympia et a tourné tout l’été. « Nous sommes comme un humoriste qui a fait son rodage. Nous allons garder certains passages, en retravailler d’autres, présenter des nouveautés testées en festival et d’autres complètement inédites. Le Zénith est une très grosse scène et, pour pouvoir s’y produire, nous avons investi tout l’argent gagné. Le seul objectif est que les gens viennent et passent un bon moment. On a grandi avec Daft Punk qui, eux-mêmes, réinvestissaient tous leurs gains dans leurs nouveaux shows. Le plus important est que le concert soit qualitatif, pour proposer la meilleure performance au public. Et puis, on ne désirait pas faire une tournée dans vingt Zéniths. Ce sera one shot ! » Souriants, ils ajoutent : « La rareté, c’est bon aussi ! »
La reconnaissance
Cette série de prestations — l’Olympia, le Zénith mais aussi les plus grands festivals d’été tels que le Printemps de Bourges, Garorock, Solidays, les Vieilles Charrues, Terres du son, les Francofolies de Spa et Tomorrowland, en Belgique, « le plus gros festival d’électro » — a changé la donne. Loïs et Josh ne sont plus considérés comme deux petits jeunes qui proposent des sons sur Internet mais comme deux artistes qui commencent à compter. Ils sont à présent chez Warner, ont Wart pour tourneur et commencent à être contactés par des personnalités importantes du showbiz, telle Aya Nakamura. Comme les Beatles en leur temps, sont-ils en passe de devenir deux garçons dans le vent ?
Plus que tout, ils désirent rester proches de leurs spectateurs. « Remplir des salles était un rêve pour nous. C’est important d’être disponibles pour eux ! » C’est ainsi qu’à la fin de l’Olympia, ils ont payé des heures supplémentaires pour pouvoir passer du temps avec ceux qui les avaient applaudis et prendre des selfies. Plus d’un millier, annoncent-ils.
Si tout s’est enchaîné rapidement jusqu’en septembre 2024, Josh et Loïs sont conscients qu’il faut, à un certain point, stopper la machine. « On s’est dit qu’on arrêtait quelques mois pour prendre le temps d’encaisser, de préparer la suite et nous renouveler. On aime se remettre dans nos studios à Vénissieux. On a tellement envie de continuer ce métier-passion, de garder la flamme. »
Cette suite s’avère déjà prometteuse. Outre le Zénith, ils annoncent déjà « un single d’été aussi fort qu’Emorio et un album en parallèle ».
Ils aimeraient également refaire un concert à Lyon. Ils restent attachés à leur région et, plus précisément, à Vénissieux. Josh a d’ailleurs proposé à son père, Rafik Chergui, directeur sportif de Vénissieux boxe française, de sponsoriser le club. « C’est important de garder un pied dans notre ville. On est chauvins ! »
À la découverte de talents méconnus
À propos d’Emorio, un de leurs titres phares, Josh Chergui raconte : « Lors d’un voyage au Brésil, j’avais entendu cette chanson de Gilberto Gil, reprise par Fafá de Belém dans les années soixante-dix. Je l’avais ramenée en souvenir… et oubliée. Un jour, je la retrouve, la mets sur la platine et j’entends Fafá chanter. J’ai aussitôt appelé Loïs et, tout de suite, on a senti le potentiel de cette chanson. On s’est dit qu’on allait la faire pour les concerts et on l’a sortie pour notre tournée Made in France et dans les festivals. Les gens nous la demandaient, filmaient des vidéos pendant les concerts, les postaient, recevaient plein de commentaires. Elle sera bientôt platine. »
Ils aiment découvrir des talents cachés sur Internet et les mettre en avant. « Nous les contactons pour obtenir leur autorisation et on leur reverse 100% des royalties. » Ils l’ont fait récemment avec Rushawn, « un gamin de Jamaïque », pour It’s a Beautiful Day, et ils ajoutent que « cela a changé sa vie, il a pu se lancer dans une carrière professionnelle ».
Bien sûr, les idées arrivent. « Peut-être que nous pourrions créer notre propre label et produire des artistes du monde entier. »