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L’affaire de Vénissieux

Ce crime déchaîna les passions en 1876. Chez nous, bien sûr, mais aussi à travers toute la France. Il faut dire qu’il fut particulièrement odieux.

Les pages 1 et 3 du « Journal du Midi » en date du 30 mai 1876 qui évoque « Le crime de Vénissieux ».

Tous les journaux l’évoquèrent dans leurs colonnes. Le Progrès de Lyon fut le premier, dès le 29 mai 1876. Puis ce fut un déferlement aux quatre coins du pays, tant « L’affaire de Vénissieux », comme on l’appela, ou encore « Le crime de Vénissieux », suscita l’effroi et l’indignation. Le Journal du Midi lui ouvrit ainsi ses colonnes le 30 mai, suivi par La République de Montpellier le lendemain, puis par le Journal de Villefranche le 1er juin, Le Bon Sens de Carcassonne, Le Bien Public de Dijon et La Liberté de Paris le 2 juin, et jusqu’à L’Industriel Alsacien dans les semaines qui suivirent. Le moindre détail de l’affaire fut raconté, ses circonstances, mais aussi et bien évidemment ses suites judiciaires.

Elle s’appelait Joséphine Jiclat. Elle était née le 28 janvier 1868 à Vénissieux, soit cinq ans après le mariage de ses parents : Louis Jiclat, âgé de 30 ans au moment de ses noces, et Françoise Balthazard, âgée de 32 ans. Comme beaucoup de Vénissians en ce XIXe siècle, le couple était originaire du Nord-Isère : Monsieur venait de Romagnieu, près de La Tour-du-Pin, tandis que Madame avait vu le jour à Saint-Didier-de-la-Tour. Tous deux exerçaient la profession d’agriculteurs : ils louaient ou détenaient une petite ferme au Moulin-à-Vent, isolée dans les champs, et située plus précisément au Velin, non loin de l’actuel Grand-Parilly. Pour compléter ses revenus, Louis Jiclat s’employait aussi comme « homme d’équipe au chemin de fer », autrement dit comme manœuvre. Autant dire qu’il était dur à la peine. Mais le couple Jiclat croyait en l’avenir, et espérait le meilleur pour ses deux enfants, un fils de cinq ans, et la petite Joséphine. C’est pourquoi ils n’auraient manqué à aucun prix d’envoyer leur fille aînée à l’école. En 1876, alors qu’elle n’avait que huit ans, Joséphine Jiclat accomplissait donc tous les jours, à pied bien évidemment, les deux kilomètres séparant sa maison de l’école tenue par des religieuses au Moulin-à-Vent. Sous le soleil ou sous la pluie, par de grands froids ou par des chaleurs à faire cuire un faisan aussi sûrement que sur une rôtissoire, elle arpentait le chemin passant à travers champs. Puis le soir, sitôt la classe terminée, elle retournait sagement chez elle, la tête pleine des leçons de son institutrice.

« Quel vent de meurtre et de sang passe donc en ce moment sur la France ? »

Le 27 mai 1876, un samedi, Joséphine Jiclat partit de sa maison à 7 heures du matin pour aller à l’école. Mais elle n’y arriva jamais. Vers 19 heures, ne voyant pas sa fille rentrer, son père « se rendit chez les sœurs pour la réclamer ; celles-ci lui répondirent que Joséphine n’avait pas paru à l’école de la journée. Justement inquiet, le père Jiclat se mit à la recherche de son enfant, et trouva bientôt son cadavre dans un champ de seigle, près du chemin de Corbas, à 350 mètres environ de son domicile ». L’on appela aussitôt le commissaire de police de Villeurbanne, qui à son tour fit venir un médecin. Les deux hommes constatèrent alors l’effroyable vérité : la petite Joséphine avait été violée, puis étranglée par son meurtrier. Le corps portait « encore au cou, l’empreinte des doigts de l’assassin »… Les Vénissians, puis les Lyonnais et bientôt tous les Français, s’émurent de l’affaire. « Il est à remarquer que ce crime est le troisième qui soit commis depuis huit jours dans des circonstances absolument semblables sur des jeunes filles du même âge, à Cesson [Seine-et-Marne], à Reims et à Vénissieux. De tous côtés on signale des assassinats, des parricides, d’abominables forfaits ; quel vent de meurtre et de sang passe donc en ce moment sur la France ? », s’indigna le Journal du Midi.

Bien sûr, la police et la population se mirent immédiatement à chercher le meurtrier. L’on entendit le témoignage de deux écolières qui, « passant le jour même de l’assassinat, vers huit heures du matin, près du lieu où le crime a été commis, rencontrèrent sur le chemin un individu qui les appelait auprès de lui en se montrant dans un état de nudité complète, mais elles purent heureusement se rappeler assez la mise et la physionomie de cet individu pour donner son signalement à la justice ».

Un crime entouré de mystère

L’homme est retrouvé à Bourgoin. Agé de 61 ans et originaire de Nancy, ce vagabond est aussitôt arrêté, ramené à Lyon et enfermé à la prison Saint-Paul. « Mais rien, jusqu’à présent, ne permet d’affirmer que cet homme est coupable ». Il est donc relâché. Puis l’on soupçonne le sieur Duchenaux. Ouvrier agricole, il a travaillé la veille du crime à côté de la maison des Jiclat, et a déjà été condamné pour vol. Direction la prison, lui aussi. Derrière les barreaux, Duchenaux accuse un troisième homme, Gabriel Muguet, cultivateur au Moulin-à-Vent, « qui travaillait avec ses domestiques du côté de la maison Jiclat, [et qui] aurait été vu vers sept heures et demie dans le chemin qu’aurait traversé la petite Joséphine Jiclat pour se rendre à l’école ». Les gendarmes et la presse pensent enfin tenir le coupable. Mais quelques jours plus tard, retournement de situation, Muguet est innocenté à son tour. Malgré trois arrestations, l’enquête n’avance pas d’un pouce. Si bien qu’un mois après le décès de Joséphine Jiclat, Le Progrès conclut que « Le crime de Vénissieux reste toujours entouré du plus profond mystère ». Le meurtrier ne fut jamais retrouvé.

La petite fut inhumée le 31 mai 1876, en présence d’une foule considérable. « Son cercueil était entouré de petites filles vêtues de blanc, condisciples de Joséphine », puis suivait le conseil municipal de Vénissieux au grand complet. Mais pas sa mère, totalement hors d’état d’assister à la cérémonie. Quant au père, Louis Jiclat, il « faisait vraiment pitié. Le pauvre homme poussait des cris déchirants et ses sanglots le suffoquaient ». L’assassin était-il le vagabond de Nancy ? On ne le saura jamais.

Sources : Archives du Rhône, 4 E 5388 et 6133. Site internet Gallica.fr

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