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ZFE : les villes populaires en première ligne

Au 1er janvier, les Crit’Air 3 seront interdits dans le périmètre de la ZFE. À Vénissieux, plusieurs milliers de véhicules sont concernés.

Photos Emmanuel Foudrot

Au 1er janvier 2025, les Crit’Air 3 seront interdits dans le périmètre de la zone à faibles émissions de la Métropole de Lyon. À Vénissieux, plusieurs milliers de véhicules sont concernés. Mais malgré les inquiétudes exprimées par les élus locaux, le président de la Métropole maintient le cap, « contraint par la loi ».

Les villes populaires sont-elles compatibles avec les ZFE ? Une question qui se posait déjà lors du vote de la loi d’orientation des mobilités, en 2019 — celle-ci actait l’interdiction progressive des véhicules les plus polluants dans les métropoles —, et qui devient centrale alors qu’au 1er janvier 2025, les Crit’Air 3 seront interdits dans le périmètre de la ZFE lyonnaise. Rappelons que cette dernière comprend la totalité des villes de Lyon (axes M6/M7 et boulevard Laurent-Bonnevay compris), ainsi que les zones intra-périphériques des villes de Vénissieux, Caluire, Villeurbanne et Bron, et prévoit encore l’interdiction des Crit’Air 2 en 2028.

10 000 véhicules concernés à Vénissieux

À Vénissieux, le sujet est loin d’être anodin. En juillet, l’INSEE constatait que notre ville était la plus impactée par la ZFE. « La part de véhicules interdits diffère selon les communes et les arrondissements, écrivait l’institut. Si tous les territoires sont concernés, trois d’entre eux ont, en particulier, une proportion de véhicules interdits supérieure à celle de l’ensemble de la ZFE de Lyon. Ainsi, 12 % des véhicules ne peuvent plus circuler ni stationner à Vénissieux, tout comme 9 % des voitures à Bron et dans le 8e arrondissement de Lyon. » Un an plus tôt, une étude de la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) relevait que la ville ne comptait « que » 63,8% de Crit’Air 0, 1 et 2, contre respectivement 67,1%, 75,2%, 70,6% et 76,4% pour Bron, Lyon, Villeurbanne et Caluire-et-Cuire. Quelques mois plus tôt, une étude réalisée pour la Ville par l’institut d’études marketing et d’opinion CSA constatait qu’un habitant sur deux avait un avis défavorable sur la ZFE. Les personnes interrogées assuraient alors qu’ils n’avaient « pas les moyens de changer de voiture », que « les véhicules électriques sont chers », et rappelaient que « Vénissieux est une ville populaire ». 32 % en redoutaient « l’impact sur la liberté », estimant que ce projet serait « une privation de liberté », voire « pénalisant, discriminant ».

« Nous avions cette année 3 000 véhicules Crit’Air 3 dans la ZFE lyonnaise, résumait, lors du dernier conseil municipal, Pierre-Alain Millet, adjoint au maire en charge du développement durable et conseiller métropolitain. Ces véhicules étaient cependant peu roulants. Mais nous aurons en janvier au total 10 000 véhicules interdits d’accès à Lyon, au périphérique, aux M6 et M7. (…) Cette nouvelle étape de la ZFE arrive dans un contexte de crise sociale qui la rend trop violente. »

« Les plus modestes seront pénalisés »

Quelques semaines avant l’interdiction des Crit’Air 3, plusieurs élus des villes de la Métropole en ont interpellé le président, Bruno Bernard. Michèle Picard, maire de Vénissieux, a écrit au président de la Métropole pour qu’il desserre le calendrier et mette en œuvre une réponse adaptée à la situation sociale. « Je ne remets pas en cause les objectifs de la ZFE en matière de décarbonation et d’amélioration de la qualité de l’air, confiait le maire au journal Expressions. Mais avec les élus communistes à la Métropole, cela fait longtemps que nous alertons sur le fait que le calendrier de mise en place est très serré, et que l’impact n’est pas supportable pour une grande proportion des habitants. »

« Je demande que l’on recule la date butoir et que l’on bâtisse une réponse adaptée à la situation sociale, résumait Michèle Picard. Cette réponse passe probablement par des aides financières supérieures de la Métropole, mais aussi par une action revendicative auprès de l’État pour qu’il revienne sur la suppression des primes à la casse et ZFE, récemment décidée dans le cadre des restrictions budgétaires. Il faut reconstruire un contexte favorable à la transition écologique, sans quoi nous n’y arriverons pas. »

Le député de la 14e circonscription du Rhône, Idir Boumertit, a également rendu public un communiqué de presse, dans lequel il constate que « la mesure d’interdiction des véhicules Crit’Air 3 qui doit prendre effet au 1er janvier prochain est profondément injuste et discriminatoire ». « Ce sont les plus modestes des usagers de la route, mais également les petits artisans et commerçants qui vont être pénalisés, assurait-il. (…) Les aides qui étaient déjà bien insuffisantes sont aujourd’hui dérisoires. »

Idir Boumertit rappelait également des chiffres qui en disent long sur l’inégalité de traitement selon que l’on habite à l’ouest ou à l’est de l’agglomération : « 32,92 % du parc automobile est concerné à Vénissieux, 39,05 % à Givors, contre seulement 12,05 % à Saint-Didier-au-Mont-d’Or. »

Et Michèle Picard et Idir Boumertit de se positionner contre la pénalisation des usagers qui contreviendraient aux règles de la ZFE : le maire assurait ainsi que la police municipale de Vénissieux « a d’autres priorités, ayant déjà fort à faire en matière de tranquillité publique ; il n’est pas envisageable de déroger à cette mission prioritaire pour une mission supplémentaire de verbalisation dans la ZFE ». Le député, pour sa part, mettait en avant l’exemple montpelliérain, où les panneaux de signalisation de la zone ZFE n’ont pas été installés, empêchant ainsi les forces de l’ordre, faute d’information des citoyens, de pouvoir procéder aux verbalisations.

Bruno Bernard ne cède pas

Mais le président de la Métropole — qui n’a pas souhaité répondre à nos questions sur les éléments soulevés par le maire de Vénissieux et le député de la circonscription — a choisi de tenir le cap, assurant être « tenu par la loi » de poursuivre le renforcement de la ZFE. « La loi dit que nous avons l’obligation d’appliquer l’interdiction des Crit’Air 3 au 1er janvier 2025, à Lyon comme à Paris, a ainsi expliqué Bruno Bernard. Ce n’est pas un choix de l’exécutif (…). Les résultats de la ZFE sont bons, la pollution diminue, et depuis 2019, elle diminue plus vite sur notre territoire que dans toutes les autres grandes villes de la région. »

« La politique nationale sur ce sujet, en termes de communication, de contrôle et d’aide à l’achat, n’est pas à la hauteur, regrettait l’élu. Lyon et Paris doivent interdire les Crit’Air 3 : pourquoi n’y a-t-il pas une aide spécifique pour ces territoires ? Avec en plus, la suppression des aides à la conversion. C’était 8 000 euros pour les plus modestes ! (…) La Métropole continuera à tracer sa route sur ce sujet qui est naturellement compliqué. »

Bruno Bernard a cependant annoncé la mise en place d’une nouvelle dérogation, qui viendra s’ajouter à celle du « petit rouleur » (droit à 52 jours de circulation par an dans la ZFE),et qui permettra aux propriétaires d’un véhicule Crit’air 3 travaillant en horaires décalés d’obtenir une attestation fournie par leur employeur, valable un an et renouvelable une fois.


Témoignages

« En attendant, je vais gruger »

L’entrée en vigueur de l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 suscite des réactions variées chez les automobilistes, entre résignation, incompréhension et volontarisme écologique.

Laurent, 52 ans : « Je comprends l’objectif, mais c’est un coup dur »

Résidant au Moulin-à-Vent, Laurent, 52 ans, utilise sa voiture diesel Crit’Air 3 pour ses déplacements professionnels. « Je suis technicien de maintenance, et mon véhicule est aussi, voire surtout, un outil de travail. J’ai déjà changé de voiture en 2018. Maintenant, on me demande de le faire à nouveau… Je comprends l’enjeu écologique, mais cela représente un coût énorme pour moi, même avec les aides. Si on veut vraiment pousser les gens à changer, il faudrait des subventions beaucoup plus élevées ou des solutions alternatives viables. En attendant de pouvoir changer, je vais gruger, il n’y a pas d’autre mot. »

Sophie, 29 ans : « Une opportunité de changer mes habitudes »

Pour Sophie, 29 ans, habitante du 7 arrondissement de Lyon croisée à la station-service de l’hypermarché Carrefour, cette interdiction est une incitation à revoir son mode de vie. « Ma vieille Clio essence, que j’adore, est Crit’Air 3. Elle sera interdite l’an prochain, mais je réfléchis à passer au vélo électrique. Lyon a beaucoup évolué en termes d’infrastructures cyclables. Je vois ça comme une opportunité de réduire mes dépenses et mon empreinte carbone. La réduction de la place de la voiture, c’est le sens de l’histoire. »

Jamel, 65 ans : « Une décision qui pénalise les plus pauvres »

Pour Jamel, retraité de 65 ans vivant sur le plateau des Minguettes, cette mesure est mal pensée. « On pénalise encore les plus pauvres et les retraités. Mon diesel Crit’Air 3 est bien entretenu et je m’en sers principalement pour faire mes courses et rendre visite à ma famille. Acheter une voiture électrique est impensable pour moi : je vis en HLM, je n’en ai pas les moyens et je ne sais même pas où je pourrais la charger ! »

Jasmine, 29 ans : « Pas assez de communication sur le sujet »

Pour Jasmine, infirmière libérale dans l’Est lyonnais, l’interdiction des Crit’Air 3 en janvier 2025 est une source d’incompréhension. « Je fais des tournées quotidiennes pour mes patients, et ma voiture est essentielle pour mon travail. C’est un diesel Crit’Air 3, acheté il y a quelques années à peine. Aujourd’hui, on me dit qu’elle sera interdite, mais je n’ai jamais reçu d’information claire sur ce que je suis censée faire. Pareil, pour les systèmes de dérogation. C’est tellement confus ! Franchement, je n’ai ni le temps ni l’envie de passer des heures à comprendre ça : je travaille 12 heures par jour ! On nous dit partout que les professionnels sont accompagnés, mais ce n’est pas vrai. »

Rachid, 40 ans : « Je me sens pris au piège »

Pour Rachid, chauffeur-livreur, les nouvelles restrictions sont synonymes de complications. « Mon utilitaire va être interdit. Changer de véhicule, c’est perdre des milliers d’euros alors que je me bats déjà pour maintenir mon activité à flot. Les aides, c’est bien, mais elles ne couvrent pas tout. Et puis, trouver un véhicule utilitaire électrique ou hybride à un prix abordable, c’est mission impossible. On nous impose ces règles sans comprendre nos réalités professionnelles. »


Quelles aides pour changer de véhicule ?

À partir du 1ᵉʳ janvier 2025, les véhicules les plus polluants — classés Crit’Air 5, 4, 3 et non classés — seront interdits dans le périmètre de la ZFE. Une interdiction qui s’applique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, en circulation comme en stationnement. Pour accompagner les particuliers, la Métropole a mis en place, depuis le 1ᵉʳ septembre 2023, un ensemble d’aides financières.

Celles-ci s’adressent aux propriétaires de véhicules légers ou de deux-roues motorisés disposant d’un revenu fiscal de référence par part inférieur à 24 900 euros. Ce qui correspond, par exemple, à un revenu mensuel net avant impôt de 2 184 euros pour une personne seule, ou de 5 460 euros pour un couple avec un enfant.

Notez que les montants des aides varient en fonction du type de véhicule acquis et du revenu fiscal de référence par part :
– Voiture électrique neuve ou d’occasion (prix inférieur à 47 000 euros TTC, émissions de CO₂ nulles) :
Revenu ≤ 7 100 euros : 3 000 euros
Revenu entre 7 100 euros et 15 400 euros : 2 500 euros
Revenu entre 15 400 euros et 24 900 euros : 2 000 euros

– Voiture essence Crit’Air 1 neuve (hors hybride rechargeable, prix inférieur à 47 000 euros TTC, émissions de CO₂ ≤ 94 g/km NEDC ou 122 g/km WLTP) :
Revenu ≤ 7 100 euros : 3 000 euros
Revenu entre 7 100 euros et 15 400 euros : 2 500 euros
Revenu entre 15 400 euros et 24 900 euros : 2 000 euros

– Voiture essence Crit’Air 1 d’occasion (hors hybride rechargeable, émissions de CO₂ ≤ 132 g/km WLTP ou 104 g/km NEDC) :
Revenu ≤ 7 100 euros : 3 000 euros
Revenu entre 7 100 euros et 15 400 euros : 2 500 euros

– Deux-roues, tricycles ou quadricycles électriques (hors trottinettes, sans batterie au plomb) : aide uniforme de 1 000 euros

– Vélo à assistance électrique neuf ou d’occasion (puissance maximale de 0,25 kW, sans batterie au plomb) :
Revenu ≤ 7 100 euros : 1 000 euros
Revenu entre 7 100 euros et 15 400 euros : 750 euros
Revenu entre 15 400 euros et 24 900 euros : 500 euros

– Vélos familiaux (cargos, triporteurs, longtails), vélos pliants et vélos adaptés aux personnes à mobilité réduite, avec ou sans assistance électrique, neufs ou d’occasion :
Revenu ≤ 7 100 euros : 2 500 euros
Revenu entre 7 100 euros et 15 400 euros : 1 500 euros
Revenu entre 15 400 euros et 24 900 euros : 1 000 euros

– Rétrofit d’un véhicule thermique Crit’Air 5, 4, 3, 2 ou non classé vers un moteur électrique : aide uniforme de 2 000 euros

Ces aides sont valables pour l’achat, la location longue durée (supérieure ou égale à 24 mois) et la location avec option d’achat. Attention, les demandes de subvention doivent impérativement être déposées avant l’acquisition du nouveau véhicule, faute de quoi elles ne seront pas éligibles.

Notez que les aides ne seront plus disponibles pour le remplacement d’un véhicule classé Crit’Air 5 à partir du 31 décembre 2024. Pour les Crit’Air 4, Crit’Air 3 et Crit’Air 2, la date limite pour déposer un dossier est respectivement fixée au 31 décembre 2025, au 31 décembre 2026 et au 31 décembre 2028.

Enfin, la Métropole rappelle que pour connaître les solutions les plus adaptées à sa situation, il est possible de prendre rendez-vous à l’Agence des Mobilités, située au 120 rue Masséna à Lyon.

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