Les trois tours Monmousseau encore debout ne le resteront pas longtemps. Ces trois géantes de béton bâties en bordure de plateau, à côté du marché, devraient être détruites en 2026, l’année de leur 59e anniversaire. Et connaîtront donc le même sort que leurs six anciennes voisines, démolies en 1983 et en 2004. La décision a été prise en 2019, dans le cadre d’un nouveau projet de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine). Le programme, nommé « Zac Marché-Monmousseau-Balmes », modifiera totalement le secteur.
Avant que les pelles hydrauliques attaquent ces trois édifices de 14 étages, 173 appartements doivent être vidés de leurs occupants. Depuis trois ans, 125 locataires ont trouvé un point de chute. Pour les 48 familles restantes, le quotidien n’est pas toujours simple. Invités à partir, parfois contre leur gré, ces « Minguettois » ont appris à vivre dans des immeubles qui sonnent de plus en plus creux. Et expérimentent un environnement qui se dégrade, 11 ans seulement après la dernière rénovation.
« J’habite ici depuis 2011, témoigne Omar. On y vivait très bien jusqu’en 2019, quand on a su que les tours allaient être démolies. Depuis, on remarque qu’il y a moins d’investissement dans l’entretien. Or, les charges augmentent. » Ce père de deux enfants de 10 et 12 ans, logé dans un T2, a plus d’une mésaventure à conter, sur fond de dégâts des eaux, d’ascenseurs continuellement en panne et d’intrusions dans les parties communes.
« On sait ce qu’on quitte, pas ce qu’on prend »
Même son de cloche chez son voisin Abdelkader (66 ans), délégué du conseil de quartier Charles-Perrault, résident de Monmousseau depuis 1968 : « Je suis resté sans eau chaude pendant un an. Dehors, les lumières sont restées cassées pendant trois ans. Et il y a du laisser-aller dans le nettoyage. » Lors des permanences de conseil de quartier, des désagréments plus inquiétants sont rapportés : comme des logements sous-loués, voire squattés, ou la présence de dealers et de guetteurs au pied des tours.
Alors que le bailleur social Alliade Habitat a fixé la fin de la phase de relogement au 31 décembre 2025, le temps presse pour les derniers locataires. Trouver un nouveau logement plus décent, au même prix et au bon endroit revient à mettre la main sur le mouton à cinq pattes.
« On veut habiter à Bron, confie Omar. On a eu huit ou neuf propositions. Mais pour un T4 neuf, le loyer s’élève à 800 euros. Ici, on paye 450 euros par mois. On n’a jamais demandé à partir. Et comme on dit, on sait ce qu’on quitte mais pas ce qu’on prend. » Abdelkader ne semble pas pressé de partir : « On a un toit. Mon appartement est en bon état. J’ai entrepris des travaux. Tout est carrelé. Et puis, à quoi bon quitter un ghetto pour un autre ghetto ? Partout, c’est la même chose. Il n’y a plus de mixité. »
Difficile phase de transition
« La fin d’une phase de relogement est toujours compliquée. Et à Monmousseau, le contexte général se dégrade depuis deux ans. » Le constat de Pierre-Alain Millet vaut pour toutes les opérations de renouvellement urbain qui touchent les quartiers prioritaires de Vénissieux. S’il ne nie pas les difficultés qui s’accumulent pour les locataires, l’adjoint municipal au logement et au Grand projet de ville (PCF) maintient toute sa confiance au bailleur social : « Les gens ne sont certainement pas rassurés. Mais Alliade Habitat fait beaucoup : il paye des agents et gère un accompagnement très important. J’ai pour habitude de dire à ces locataires que le mieux pour eux est d’accélérer leur relogement. Cette situation est toujours perçue comme une souffrance ou un échec. Mais une fois qu’ils emménagent ailleurs, ils sont contents. »
Conscient des actes d’incivilité dans la résidence et la présence d’individus indésirables dans les étages, Alliade Habitat tente de remédier aux problèmes via son pôle de tranquillité résidentielle : « Nos experts prévention sûreté travaillent en lien avec le commissariat de police. Ils sont mobilisés sur les soucis de voisinage et analysent les pieds d’immeuble. »
Concernant l’entretien, le bailleur explique « adapter les prestations de nettoyage en fonction du nombre de résidents ». Sur le volet relogement, « il n’y a aucune pression pour partir. Nos locataires sont libres d’accepter ou de refuser les offres. Dans le parc vieillissant, nous prenons à notre charge les travaux d’embellissement. »