Pour qui fréquente les expositions d’artistes amateurs de Vénissieux, du salon du Moulin-à-Vent à la Cour des Art’s, le visage de Corinne Cavet n’est pas inconnu. Le visage et, surtout, son sourire, devrait-on ajouter, tant elle est rayonnante.
C’est que Corinne vient de loin et a su, grâce à l’art, dépasser la tragédie pour se reconstituer. Cette résilience, elle tente à présent de l’inculquer dans son atelier du Moulin-à-Vent à toutes celles et ceux qui ont besoin de lâcher prise et ne savent pas comment s’y prendre. L’art étant, pour Corinne, l’un des médicaments les plus efficaces.
« Je suis née dans la Nièvre et ai grandi dans l’Yonne, résume-t-elle. J’ai fait mes études à Auxerre, Dijon, où j’ai passé deux années aux Beaux-Arts, et Dôle, où j’ai obtenu un BTS Designer. J’ai ensuite navigué entre Paris, Besançon et Montbéliard avant de m’installer à Vénissieux en 1999, d’abord au Charréard. »
Puisqu’elle est designer, Corinne dessine des flacons de parfum et de shampooing, des bijoux, des bagages jusqu’au papier peint. À Vénissieux, elle travaille pour le bijoutier Jean Delatour.
« Je me suis inscrite aux ateliers Henri-Matisse en 2005 et je me suis remise à créer. Depuis toute petite, je voulais le faire. Pendant mes années aux Beaux-Arts, j’avais tâté de la peinture, la sculpture, la sérigraphie, etc. Je me suis vite rendu compte que, chez Delatour, j’étais sur une voie de garage. Je me sentais exploitée, malmenée, j’avais mal partout. Il fallait tout changer et j’ai commencé par divorcer. »
Elle s’inscrit à l’Afpa de Vénissieux et suit une formation pour aider les adultes dans la création artistique. « J’ai franchi le pas sans m’en rendre compte, dit-elle à propos de son propre travail artistique, et j’ai fait ma première expo personnelle au Porte-Pôt, un restaurant proche de chez moi. »
Élargir le monde, pousser les limites
Pour cela, elle multiplie sa création à raison d’une peinture tous les deux jours. Et se crée une nouvelle famille, qu’elle baptise « Les cousins », personnages semblant sortir de contes de fées et toujours accompagnés d’un petit animal fantastique, sorte de conscience, de Jiminy Cricket. « L’atelier est devenu mon refuge, avoue-t-elle. Il est aujourd’hui ma deuxième maison. J’ai élargi le monde, poussé les limites. Je sortais d’une vie où je ne savais plus qui j’étais. J’avais besoin de reconnaissance et je me suis reconstruite. »
Décidée à se sortir des violences dont elle a été victime, Corinne se remet également à sculpter et expose son travail à la médiathèque Lucie-Aubrac. « Ces objets m’ont aidée à lâcher des choses. » Elle pense alors qu’il est temps d’aider d’autres femmes. « Je n’ai plus envie de combattre, explique-t-elle encore. Je me suis trouvée. »
Certes, il lui arrive toujours d’être en colère ou mal à l’aise. Dans ce cas, la peinture l’aide, l’apaise. Mais ce qu’elle désire par-dessus tout, à présent, c’est « transmettre, partager… et continuer à avancer ».
Elle s’en aperçoit, ses ateliers font du bien à ceux qui les suivent. « Quand une personne arrive avec les traits tirés, je la retrouve rajeunie de cinq ans au bout de trois heures. Comme si elle avait lâché des bagages ! Je vais la titiller pour voir où elle s’est bloquée toute seule. »
Elle évoque alors « l’enfant intérieur », celui qui a pu être brimé. « Souvent on est critiqué et on nous dit qu’on a mieux à faire. On grandit avec des certitudes. Je vais alors accompagner la personne pour qu’elle prenne ce petit enfant par la main. Après, c’est quartier libre. Pour cela, j’installe partout des bâches et proposent des habits qui ne craignent rien. »
Car les « élèves » se mettent à plonger les mains dans la peinture, à dessiner sur la toile, à s’en mettre partout sur soi, à chercher des éléments à ajouter, terre, plumes — il y a vraiment de tout dans l’atelier — et à retrouver la joie. Ce que Corinne appelle « faire sauter les verrous ».
« Je les regarde faire, sourit Corinne. Ils sont à quatre pattes, cherchent ce qu’ils pourraient coller sur la toile. À la fin, ils partent avec leur œuvre, en sont fiers. Il faut reprendre confiance en soi. Ils libèrent leurs émotions, enlèvent les toiles d’araignée et le fil de fer dont ils se sont entouré la tête et le corps. »
Elle a beau être intervenue dans des écoles pour faire travailler l’imagination des enfants, Corinne n’ouvre son atelier qu’aux adultes, « pour qu’ils voient comment les brimades ont conditionné leur vie ». Elle ajoute que c’est les « faire sortir de leur roue de hamster ».
« On peut appeler cela de l’art-thérapie. Je suis une accompagnatrice du déblocage. »
Depuis qu’elle habite Vénissieux, Corinne s’est toujours très investie dans la vie de la cité. Ainsi, son fils Tom a-t-il fait partie de la première promotion du conseil municipal d’enfants. « Depuis, il est plus réfléchi, l’expérience l’a vraiment aidé. Et il parle encore de sa visite du Sénat avec Guy Fischer. » Quant à Chloé, sa fille, elle est aujourd’hui éducatrice spécialisée pour les personnes en situation de handicap.
De beaux cadeaux à petits prix
Pour faire de la place dans son atelier, et parce qu’elle a aussi décidé de clore une partie de son passé, Corinne Cavet vend pour les fêtes de fin d’année de nombreuses œuvres originales : peintures, sculptures, gravures, linogravures, bas-reliefs…
« Je fais un grand vide-grenier dans ma tête, s’amuse-t-elle. La Corinne artiste a changé. Ce sont des œuvres primées, reconnues par la critique lyonnaise mais j’accepte de tourner cette page et d’en faire profiter d’autres personnes. Et pas pour me faire de l’argent ! »
D’où les prix vraiment intéressants.
« J’ai également des bons-cadeaux, reprend Corinne. On peut ainsi offrir une séance d’atelier. »
25, avenue du Docteur-Georges-Lévy, au Moulin-à-Vent. Renseignements : 06 26 39 20 48 – corinnecavet@outlook.fr