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Industrie : les nuages s’accumulent sur l’emploi

55 emplois supprimés chez Bosch Rexroth, 150 postes de moins chez Renault Trucks… à Vénissieux aussi, les perspectives sont mauvaises dans le secteur industriel.

© Thierry Fournier / Métropole de Lyon – Renault Trucks

À fin novembre, au niveau national, plus de 160 000 emplois étaient menacés par une procédure collective, selon les données du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. « Nous devrions atteindre environ 65 000 procédures au total à fin 2024 », indiquait au journal Le Monde, en novembre, le président de cette institution, François-Charles Desprat.

Et tous les secteurs se trouvent concernés par cette « marée montante » : la construction, le commerce, l’hébergement, la restauration… sans oublier l’industrie, dont les effectifs baissent d’années en années malgré les promesses successives des grands groupes et des gouvernements.

Sans compter qu’à ces chiffres, il convient d’ajouter les annonces de restructurations « hors procédures judiciaires ». Fin novembre, la CGT indiquait avoir recensé 286 plans de suppressions d’emploi sur le territoire national depuis septembre 2023, soit 128 500 à 200 330 emplois directs, indirects et induits, supprimés ou menacée. Une situation qualifiée de « saignée » par la secrétaire générale du syndicat, Sophie Binet.

55 suppressions chez Bosch Rexroth

Et à Vénissieux ? Une nouvelle fois, le secteur industriel est appelé à souffrir dans les prochains mois. En premier lieu, du côté de Bosch Rexroth, où 55 emplois sont menacés. « Il y avait eu un important mouvement social en 2016, se souvient Gilles de Gea, secrétaire de l’Union locale CGT. Il y avait eu des garanties sur les effectifs mais la situation est redevenue compliquée. La direction a déjà renvoyé les intérimaires au chômage, elle veut aller encore plus loin. 55 emplois vont être supprimés d’ici 2027 dans les services dits ‘support’. »

« Notre crainte, abonde un syndicaliste, c’est que ces suppressions — qui nous feront passer sous la barre des 250 salariés sur le site — constitue une bascule, et que le siège finisse par se dire qu’il a tout intérêt à délocaliser le reste de la production et à fermer le site. Ce que l’on déplore, c’est qu’il n’y a plus d’investissement sur le site, pas de vision à moyen ou long terme. Est-ce qu’il y a vraiment une volonté de respecter les accords de 2016 ? Tous les salariés s’interrogent. »

Même craintes à quelques kilomètres de Bosch Rexroth, chez Renault Trucks. Là, ce sont deux projets qui sont menés tambour battant par le groupe, baptisés « Colisée » et « Convergence », qui inquiètent les salariés. « La transition vers l’électrique, annoncée comme un vecteur d’avenir, est loin d’être à la hauteur des ambitions affichées, constate Frédéric Pannetier (CGT). Les volumes de production sont très inférieurs aux prévisions. Alors, le groupe fait ce que les grands groupes savent faire de mieux : tailler dans l’humain. »

153 postes supprimés chez Renault Trucks

Ce que confirme la direction de Renault Trucks. « Dans le cadre du projet Convergence (déménagement de l’usine Ponts et Essieux de Saint-Priest à Vénissieux), 40 postes seront supprimés. Le projet Colisée (avec la création d’une nouvelle plateforme logistique) entraînera, quant à lui, la suppression de 113 postes. Il est essentiel de souligner qu’aucun licenciement ne sera effectué dans le cadre de ces suppressions de postes. »

Le groupe insiste en effet sur la suppression de « 122 postes [correspondant] à des contrats d’intérim, qui ne seront pas renouvelés ». « Pour les autres postes, l’entreprise proposera aux collaborateurs concernés un poste équivalent en son sein », est-il promis.

Une explication qui ne soulage guère les salariés. « Dire qu’il n’y a pas de licenciements parce qu’on ne renouvelle pas des contrats d’intérim, c’est se cacher derrière des chiffres, regrette Frédéric Pannetier. Ces travailleurs faisaient vivre leurs familles, ce sont des suppressions d’emplois déguisées. »

Une inquiétude qui concerne aussi la raffinerie de Feyzin. « Le groupe TotalEnergies est sans cesse en restructuration depuis 2020, rappelle Gilles de Gea. Les transformations de raffineries se multiplient en France: quelle place sera accordée à celle de Feyzin ? La raffinerie, c’est 500 emplois, et 1 000 à 1 500 sous-traitants ! »

Sans oublier Air Liquide, où, selon la CGT, 250 suppressions d’emplois répartis sur l’ensemble de ses sites seraient en préparation. « Derrière les chiffres bruts, ce sont nos vies, celles de nos familles, notre territoire et notre avenir qui sont saccagés, résume Gilles de Gea. Nous exigeons un avenir et des emplois décents pour nos enfants. »

Pour porter ces exigences, les syndicats prévoient des actions dans les entreprises concernées dans les prochaines semaines, et demandent l’organisation d’un débat public « afin d’impliquer les populations concernées. » Et « de ne pas se laisser manger sans rien dire », souffle un salarié de Bosch Rexroth.


« Bosch Rexroth entend poursuivre son développement »

Directeur de la division « mobile solutions » de Bosch Rexroth, Matthias Aberle explique les raisons qui devraient entraîner la suppression de 55 emplois sur le site de Vénissieux. Mais il l’assure : il s’agit avant tout de « préparer l’entreprise pour l’avenir ».

– Quelle est la situation de l’usine Bosch Rexroth de Vénissieux ? Quelles sont ses perspectives d’avenir ?

La division Mobile Controls de Bosch Rexroth est confrontée à des défis économiques majeurs : la concurrence toujours plus forte conduit à une politique de prix agressive. En outre, l’entreprise ressent clairement la réticence de ses clients à investir en raison de la situation géopolitique et économique. Depuis la fin de l’année 2023, le volume des commandes a considérablement diminué et l’usine de Vénissieux n’est pas pleinement utilisée. Bosch Rexroth y produit notamment des composants pour les systèmes dédiés aux machines mobiles compactes. Afin de rester compétitive et se tenir prête pour l’avenir, l’entreprise souhaite regrouper et automatiser de plus en plus la production de ses familles de produits au sein de ses usines existantes.

L’usine de Vénissieux se concentrera sur la production d’interfaces homme-machine pour les engins mobiles, telles que les joysticks, les pédales et les freins, et continuera à produire des valves pour les petites machines de construction. L’usine conserve son rôle de premier plan en tant que centre de compétence mondial pour les petites machines de construction. Le site de Vénissieux transférera une partie de la production des valves vers des usines existantes, plus rentables, de son réseau de production mondial. Sur le site de Vénissieux, la capacité sera réduite de 55 emplois maximum jusqu’à la fin de l’année 2027. Bosch Rexroth entend ainsi poursuivre le développement et l’expansion de sa forte position dans le secteur Mobile Controls.

– Comment seront supprimés ces postes ?

Bosch Rexroth prévoit de procéder à cette réduction de manière socialement responsable. En particulier, des départs volontaires et des mesures de retraite partielle seront proposés à cette fin. Bosch Rexroth DSI a entamé des discussions avec les représentants du personnel.

– Ces 55 suppressions d’emplois  n’étaient-elles pas évitables ?

Nos concurrents nous confrontent à des stratégies de prix agressives et une reprise du marché n’est actuellement pas en vue. Nous nous préparons maintenant à relever ces défis et à préparer notre entreprise pour l’avenir.


Décembre sera chaud

Après la journée du 5 décembre (voir page 8), un nouvel appel à un mouvement d’ampleur a été lancé par les syndicats, pour le 12 décembre. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a ainsi appelé, fin novembre, « les salariés à se mettre en grève et à occuper leurs usines pour empêcher les licenciements », ainsi qu’à une journée de mobilisations devant usines et préfectures.

Du côté de la SNCF, l’intersyndicale a par ailleurs maintenu son appel à la grève à partir du 11 décembre au soir, les syndicats du groupe ferroviaire exigeant notamment un moratoire sur le démantèlement de Fret SNCF. Ils s’opposent par ailleurs aux modalités de l’ouverture à la concurrence des lignes régionales. « L’exigence d’un moratoire sur le processus de discontinuité est plus que jamais d’actualité, écrivent la CGT, UNSA Ferroviaire, Sud Rail et la CFDT FGTE Cheminots. Alors que les catastrophes climatiques se multiplient et s’intensifient, il est impensable et irresponsable de liquider un acteur public majeur et indispensable à la décarbonation des transports. Ce coup d’arrêt doit permettre de remettre tous les acteurs autour de la table, y compris la Commission européenne. »

Et ce n’est pas tout : dans d’autres secteurs, comme le social ou la santé, des appels à la grève ont également été lancés. Sur le front de l’emploi, décembre sera chaud !


Le bâtiment souffre aussi

L’industrie n’est pas le seul secteur à souffrir en cette fin d’année 2024, loin s’en faut. Ainsi, le secteur du bâtiment, notamment dans le département du Rhône, est confronté à une crise profonde, marquée par une baisse significative des permis de construire et des mises en chantier, avec des répercussions notables sur l’emploi et l’économie locale.

Ainsi, en 2023, le nombre de logements autorisés à la construction dans le Rhône a diminué de 16,4 %, avec seulement 10 400 unités approuvées. Une tendance qui se reflète également dans les mises en chantier, qui ont chuté de 30,6 %, pour 7 100 logements commencés.

Cette contraction du marché a des conséquences directes sur l’emploi. Selon la Fédération française du bâtiment (FFB), environ 30 500 postes salariés et intérimaires ont été supprimés entre avril 2023 et juin 2024 au niveau national. Dans le Rhône, cette tendance se traduit par une diminution du nombre de salariés dans le secteur, « affectant la vitalité économique locale », regrette la FFB.

Le marché immobilier dans son ensemble n’est pas épargné. La baisse de la construction neuve limite l’offre de logements, ce qui peut entraîner une hausse des prix de l’immobilier existant et aggraver la pénurie de logements abordables.

En cause, plusieurs éléments. La hausse des taux d’intérêt et des coûts des matériaux de construction rend l’accès à la propriété plus difficile pour les ménages, réduisant la demande de logements neufs. Parallèlement, les entreprises du bâtiment font face à une augmentation des prix des matières premières, comme l’acier et le bois, ce qui pèse sur leurs marges et leur compétitivité.

Face à cette situation, les professionnels du bâtiment appellent à des mesures urgentes. La FFB réclame notamment le retour des prêts à taux zéro (PTZ) et une prorogation du dispositif d’investissement locatif Pinel afin de soutenir la demande. Ils demandent également un report de l’application de certaines réglementations environnementales, afin de donner aux entreprises le temps de s’adapter sans compromettre leur viabilité économique. « Nous espérons que le prochain gouvernement se montrera plus à l’écoute de nos demandes, souffle-t-on du côté de la FFB. Le BTP, c’est 1 759 000 actifs, en cumulant les 1 286 000 salariés et les 104 000 intérimaires en équivalent-emplois à temps plein… »

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