Les participants à l’exposition se sont réunis pour échanger sur leurs parcours. © D.R
Et si, malgré les difficultés liées au handicap, la parentalité devenait une source de force et de résilience ? Ces parents, qu’ils soient en fauteuil roulant, malvoyants, sourds ou confrontés à des handicaps cognitifs, font face à des obstacles multiples : le regard de la société, les contraintes physiques, l’accès limité aux services, le manque de soutien et parfois même la remise en question de leur aptitude à exercer leur rôle. Face aux appréhensions des proches et aux réticences des professionnels de santé, nombreux sont ceux qui ont tout de même relevé le défi et accueilli de nouveaux membres dans leur famille.
L’association Actionvisible & Handicap a souhaité rendre hommage à ces handiparents. « Il y a très peu d’information sur le sujet, c’est encore très tabou », estime Jane Meuke, fondatrice de l’association. Dans le cadre de son diplôme universitaire en droits fondamentaux et inclusion sociale des personnes en situation de handicap, elle a rédigé un mémoire sur l’handiparentalité pour recenser les aides disponibles et mettre en lumière les difficultés rencontrées par ces parents. « Je ne pouvais pas m’arrêter à ce travail, détaille-t-elle. Il fallait rendre ce combat visible dans un format plus pratique, plus simple et ludique. »
Elle décide donc de créer une exposition avec des portraits de parents porteurs de handicap, qui partagent leurs parcours en tant que mères ou pères. Intitulée Les Hinvisibles, cette exposition évoque l’handiparentalité tout en mettant en avant les handicaps invisibles. « Notre problématique majeure a été de trouver des témoignages, explique la fondatrice de l’association. Les parents en situation de handicap ne sont pas identifiés, il n’y a pas d’endroit où je pouvais aller pour les trouver. Nous avons donc créé un collectif, un réseau de soutien dédié à ce sujet. »
Grâce aux réseaux sociaux, aux partenaires tels que les hôpitaux et aux médias, l’association a pu identifier vingt profils de parents qui participent aujourd’hui au projet, dont celui de Jane Meuke, qui a deux enfants et qui est atteinte de plusieurs pathologies chroniques handicapantes : spondylarthrite ankylosante axiale et périphérique, rhumatisme psoriasique et fibromyalgie.
Vingt portraits émouvants
Thierry Germain, photographe et journaliste pour France 2, a immortalisé les témoignages dans des clichés touchants, où les parents sont parfois accompagnés de leurs enfants. Ces portraits sont enrichis par des textes, rédigés par le journal Expressions, qui racontent leur histoire. L’association a également souhaité filmer tous les entretiens pour réaliser un documentaire.
© D.R.
Parmi les parcours de vie à découvrir, il y a celui d’Éric, un Vénissian de 56 ans qui vit avec une infirmité motrice cérébrale qui affecte sa marche et sa parole. Ce handicap ne l’a jamais empêché de vouloir des enfants. « J’ai toujours dit que j’en aurais avant mes 30 ans et l’univers m’a entendu puisque j’ai eu ma fille à 29 ans et 364 jours, dit-il dans le documentaire. Je ne me suis jamais questionné sur mon handicap et le fait d’avoir des enfants. La seule chose qu’on s’est demandée, c’est si ma pathologie était génétique. »
À la naissance de ses enfants, il a tout de suite participé aux tâches parentales. Éric a trouvé différentes solutions pour les réaliser, tout en gérant son handicap. « Je ne me suis jamais demandé “comment je vais faire ?”. Il fallait que je m’adapte : j’ai donné des biberons, j’ai coupé le cordon ombilical, donné le bain. » Ce n’est que plus tard que ses deux enfants ont réellement pris conscience de sa condition et des limites qu’elle lui imposait.
« En écoutant tous ces témoignages, on se rend compte qu’il y a très peu d’accompagnement, déplore Jane Meuke. Pourtant, ces parents font face à des défis de prise en charge liés au logement, au financement d’équipements adaptés, et à l’aide à la parentalité. Ils manquent de ressources et sont confrontés à des préjugés et des stéréotypes. »
© Thierry Germain
Ces dernières années, la situation tend cependant à s’améliorer. Depuis 2018, l’hôpital Henry-Gabrielle propose aux futurs parents en situation de handicap des solutions adaptées à leurs besoins, avec des équipements à hauteur variable pour s’occuper des nouveau-nés ou des conseils pratiques pour les tâches quotidiennes. L’hôpital de la Croix-Rousse a un dispositif similaire avec le programme Handimam, qui accompagne les parents jusqu’à l’accouchement.
En 2021, le Service d’accompagnement à la parentalité des personnes en situation de handicap a été lancé par le gouvernement. Depuis le mois de novembre, des bureaux ont été ouverts dans la Métropole. Ce service, composé entre autres de puéricultrices, d’éducateurs de jeunes enfants, de psychologues et d’assistantes sociales, propose un accompagnement avant la grossesse, pendant, et après la naissance du nouveau-né. Il continue également de soutenir les parents tout au long de l’enfance des petits et jusqu’à leur majorité. « Les choses changent et c’est une bonne chose, se félicite Jane Meuke. Il faut comprendre les défis auxquels sont confrontées ces personnes et c’est le but de notre exposition. »
Les Hinvisibles – Exposition itinérante. Vernissage le jeudi 5 décembre à 17 heures au Centre associatif Boris-Vian – 13, avenue Marcel-Paul, à Vénissieux – Entrée libre. L’exposition sera présente pendant plusieurs semaines au CABV.
Elle sera aussi visible du 25 novembre au 9 décembre à l’Université catholique de Lyon (23, place Carnot à Lyon) ainsi que du 10 au 19 décembre à l’Hôpital Femmes mères et enfant (59, boulevard Pinel à Bron).
Derniers commentaires