Discrètement positionnées à l’entrée du technicentre SNCF et à l’ombre du pont de l’avenue Pierre-Semard, trois vieilles maisons de cheminots viennent de trouver une nouvelle utilité. Vides de tout occupant depuis quelques années, ces bâtisses d’un autre temps abritent désormais huit familles précaires : 16 adultes et 24 enfants âgés de 6 mois à 20 ans, précédemment hébergées à l’hôtel, ont intégré leur nouveau logement entre juin et septembre.
Ce centre d’hébergement d’urgence Semard, que gère l’association Habitat et Humanisme sous l’égide de l’État, tournera à plein régime d’ici la fin de l’année. Dix hommes isolés seront accueillis dans une quatrième maison en cours de réhabilitation. Le bâti et le terrain sont mis à disposition par SNCF Immobilier pour une durée de 5 ans. Grâce aux financements de l’État, Habitat et Humanisme a investi 420 000 euros pour réaliser les travaux. Le budget de fonctionnement de la structure représente environ 500 000 euros par an.
« Tous les résidents ont été orientés par la Maison de la veille sociale, l’organisme qui centralise les demandes d’hébergement, explique Antoine Berlon, responsable du centre. Ce sont des étrangers en attente de régularisation. Ici, ils bénéficient d’un accompagnement social global. Deux chargées de mission travaillent sur place. Elles les aident pour leurs démarches administratives, l’ouverture de leurs droits, leur insertion professionnelle, ou pour l’apprentissage du français. »
Une étape vers l’autonomie
En pleines vacances de la Toussaint, les petits profitent du temps clément pour s’amuser dans le jardin. Mais sans ballon : ce dernier est crevé, la faute à un chien un peu trop joueur. Dans le même temps, Bruno, en bleu de travail, arrive de Villeurbanne pour réaliser quelques petits travaux, comme l’aménagement d’un abri à vélos.
« On a la chance de disposer d’un grand réseau de bénévoles, fait remarquer Antoine Berlon. Notre bricoleur vient quand il le peut. Une animatrice s’investit pour les enfants. Et un intervenant organise des événements, comme dernièrement avec une soirée pizzas. On fournit aux résidents des chèques-services pour qu’ils fassent leurs courses. Tous les enfants sont scolarisés. »
Pour ces familles, ce cocon doit rester transitoire. Il s’agit d’une étape qui leur permettra de devenir autonomes. « Les personnes mises à l’abri n’ont pas vocation à rester durablement dans ces dispositifs, indique la préfecture du Rhône. Il faut voir ce système d’hébergement d’urgence comme une chaîne : une place qui se libère profite immédiatement au prochain. »
De Luanda à Vénissieux, en passant par Dijon
Comme leurs nouveaux voisins, Esperança et Daniel ont été déboutés du droit d’asile. Ce couple venu de Luanda, en Angola, avait tenté sa chance en 2018, à Dijon. « Nous avons fui notre pays en raison de problèmes familiaux, témoignent-ils dans un français correct. Si nous sommes à Lyon, c’est qu’il n’y avait plus de place à Dijon. »
Jusqu’ici logés à l’hôtel avec leurs trois enfants de 2, 8 et 13 ans, Esperança et Daniel ont bien pris leurs marques dans leur appartement : « C’est un vrai foyer. On a une cuisine et une salle de bains, qu’on partage avec une autre famille. Les enfants se sentent à l’aise. »
Dans l’attente d’une réponse de la préfecture pour leur titre de séjour, les deux époux se projettent sur leur vie future. Elle, pharmacienne, envisage de devenir aide-soignante ou auxiliaire de vie. Lui espère faire valoir son expérience dans la mécanique et l’aéronautique.
L’hébergement d’urgence… Et après ?
Combien de temps vont rester les résidents du centre Semard ? « Difficile à dire, répond Antoine Berlon. Ce qui est sûr, c’est qu’un départ sera immédiatement compensé par une arrivée. La Maison de la veille sociale est saturée. »
Pourtant, comme la préfecture le précise, dans le Rhône « le parc d’hébergement d’urgence a plus que doublé en dix ans, pour atteindre 8 000 places. » Mais la demande aussi est en forte augmentation. « Malgré les efforts consentis par l’État et la Métropole de Lyon, la situation est préoccupante, estime Hamdane Attar, chef du pôle hébergement chez Habitat et humanisme. Beaucoup de gens dorment dehors, sous les ponts. Avant, on voyait pas mal d’hommes seuls. Mais depuis deux ans, ce sont des familles qui sont à la rue. »
Selon le responsable associatif, plusieurs paramètres peuvent expliquer ce phénomène : « L’agglomération est économiquement attractive ; en prévision des Jeux olympiques, beaucoup de personnes ont été déplacées d’Île de France ; il y a aussi beaucoup de gens en situation irrégulière. »
Les associations et les pouvoirs publics comptent beaucoup sur la production de logements sociaux. Fabienne Buccio, préfète du Rhône, tente de fluidifier les parcours de deux façons : en proposant systématiquement une aide au retour volontaire vers les pays d’origine, et en alourdissant les sanctions de 21 communes qui ne construisent pas assez de logements aidés.
Enfin, en lien avec les services de l’État, la Métropole pilote l’Accord collectif intercommunal d’attribution (Acia). Ce dispositif accélère l’accès au logement social. « Des objectifs d’attribution pour les publics prioritaires sont définis pour chacun des réservataires (bailleurs, Métropole, État, Action logement) », précise la Métropole.
Derniers commentaires