Durden le clame haut et fort : Vénissieux est sa ville et il est heureux de pouvoir, pour la première fois, s’y produire en concert, le 17 octobre à « Bizarre ! ». « Je suis né à la polyclinique des Minguettes et j’ai grandi entre les Minguettes et Villeurbanne. Ma jeunesse s’est passée à La Darnaise puis, à 10 ans, je suis parti au Maroc où je suis resté jusqu’à mes 18 ans. J’ai donc fait le collège et le lycée au Maroc et suis rentré en France pour mes études, à Dijon et Roanne. Depuis cinq ans, je suis revenu à Vénissieux. »
Pour traduire son parcours, le rappeur parle d’« une schizophrénie sociale et culturelle ». « Au Maroc, on regarde la France comme un pays riche alors que, chez nous, les Minguettes n’ont pas la réputation d’être un quartier huppé mais sont plutôt qualifiées de défavorisées. Et ici, on considère le Maroc comme un pays pauvre, en développement. Or, là-bas, je vivais plutôt dans des conditions aisées. Cette schizophrénie me rappelle le personnage de Tyler Durden, joué par Brad Pitt dans Fight Club. Je me sens comme Edward Norton, qui joue le narrateur sans nom et est Tyler en même temps. »
Ce surnom de Durden, le jeune homme se l’est choisi « dès le début du collège ». Quant au rap, s’il en écoutait beaucoup au Maroc, ce n’était pas un genre musical très prisé. « Dans les années 2000-2010, ce n’était déjà pas trop la mode en France et, au Maroc, ils en écoutaient encore moins. »
Dans la décennie citée, le rap connaît une crise puis un renouveau à partir de 2010. « J’étais un peu le marginal qui écoutait ces morceaux du fin fond des banlieues françaises. Le rap n’était pas encore une musique main stream et le prétexte pour en faire était gênant, on se moquait de moi. »
Pourtant, Durden écrit ses premiers textes alors qu’il entre au collège. « J’étais très précoce, j’ai beaucoup lu de livres dès l’enfance et, à 5 ans, j’essayais déjà d’écrire mes propres contes. Mal racontés, certes, mais le désir était déjà là. »
Ses premiers essais, Durden les trouve à présent naïfs,« style la paix dans le monde », plaisante-t-il. « Mais on trouve déjà l’essence de ce que j’écris aujourd’hui. »
Évoquant le contenu des paroles, il estime que « le rap doit être politique mais c’est une affiliation qui peut être dangereuse, surtout quand on diffuse des idées qu’on ne maîtrise pas. Je n’ai pas une énorme connaissance de la géopolitique, aussi je parle de ce que je connais. Prends Kanye West, aux États-Unis, qui a fait scandale en soutenant Trump. Quand on ne maîtrise pas, ça peut être touchy ! Carrément à côté de la plaque ! »
Nouvelle école, nouvelle direction
Quand il apprend que Netflix prépare une version française de Rhythm + Flow, l’émission de téléréalité musicale américaine, Durden postule à la première saison de cette Nouvelle école mais n’est pas retenu. Le jeune homme ne se laisse pas abattre et décide de passer à autre chose quand, plus tard, il va être contacté sur Instagram pour le casting de la saison 3. « Je ne sais même pas comment ils m’ont trouvé », s’étonne-t-il encore. Il va donc devoir subir plusieurs épreuves (audition, groupe, battle) devant trois jurés : Aya Nakamura, SCH et SDM, « trois grandes têtes d’affiche ». « Ils veulent trouver les nouvelles stars du rap avec, à la clef, 100 000 euros à gagner. La série a été diffusée à partir du 4 juillet, pendant trois semaines. »
Durden passe victorieusement les épisodes des auditions et la deuxième étape (Les Cyphers) mais il est malheureusement recalé à l’étape 3, celle des battles. « Le vainqueur a été Youssef Swatt’s, un Belge qui faisait du rap à texte. J’ai vraiment aimé cette expérience de A à Z. C’était tout nouveau pour moi et j’étais comme dans un Walt Disney. Ce fut un changement de vie total : les gens me reconnaissaient et j’avais des propositions avec de véritables professionnels. J’avais mis un petit orteil dans l’industrie de la musique. »
Si Nouvelle école lui a permis de rencontrer des candidats avec qui il est resté ami — il cite AMK, Youssef Swatt’s, Dadi, Anglade mais ajoute : « Je pourrais tous les citer » —, il a également beaucoup apprécié SDM. « Il a été exceptionnel avec nous ! Il a quand même le record historique et mondial des écoutes sur Spotify, plus que les Américains. Il nous a invités à participer avec lui à l’émission de radio Planète rap. »
Estimant être passé « d’amateur à professionnel », Durden est décidé à « se professionnaliser de plus en plus ». Car le jeune homme a la tête sur les épaules. « J’ai fait des études de commerce. Quitte à finir rappeur, autant qu’elles me servent ! »
Son manager Najim, un ami d’enfance, intervient : « Nous sommes autodidactes, tous Lyonnais et Vénissians, et accomplissons un travail familial à la sueur de nos bras. » L’équipe compte aussi Abdé, un Lyonnais de La Villette, et MRF, le petit frère de Durden qui est compositeur, gère l’administratif et est « la colonne vertébrale de la structure ». Quant à Najim, Durden souligne « son rôle important dans les prises de décisions, la vision et la direction ».
Le concert à « Bizarre ! »
À 30 ans, Durden sait plus que jamais où il veut aller. « Il a toujours eu ce côté réfléchi », souffle Najim tandis que le rappeur atténue : « Je suis plus âgé que ceux qui débutent, j’ai du recul. » Et il ne peut cacher sa joie d’être programmé à « Bizarre ! ». Non seulement parce que c’est à Vénissieux mais aussi parce que c’est pour lui comme une revanche. « J’avais voulu faire partie du Plan B, le dispositif qui aide les jeunes musiciens, mais j’avais été refusé. Je ressentais un peu de rancœur et voilà qu’avant Nouvelle école, « Bizarre ! » me contacte et me propose la première partie de Souffrance. Pour le premier concert de ma vie dans ma ville ! En plus, Souffrance est un ami et sera sur mon prochain projet. »
Ce projet, un EP de huit titres dont trois signés par MRF, s’intitulera Travail, argent, laisse et Durden précise : « Laisse, comme celle du chien. » Pour en savoir plus, un conseil : être à « Bizarre ! » le 17 octobre. Il fera encore un show à La Marquise le 6 décembre.
« Mon objectif ?, lance Durden. Le Marché-gare, le Transbo, la halle Tony-Garnier et… le Groupama Stadium. » Tous deux rigolent et Najim ajoute : « Dire qu’on chantait dans une voiture tous les deux. C’est énorme ! »
Durden + Souffrance à « Bizarre ! » le 17 octobre à 20h30. Tarifs : de 5 à 15 euros.
Réservations : resa@lamachinerie-venissieux.fr – 04 72 90 86 68.