L’histoire du camp de Vénissieux est connue aujourd’hui grâce aux travaux précieux de l’historienne Valérie Perthuis-Portheret, qui lui a consacré de nombreux ouvrages. C’est ici, dans la zone de l’Arsenal — aujourd’hui au 25-27 de l’avenue de la République, qui relie Vénissieux à Saint-Fons —, que furent détenus en 1942 un millier de Juifs apatrides, victimes des grandes rafles de l’été. 546 seront expédiés vers les camps de la mort tandis que, grâce à des organisations confessionnelles et résistantes, 108 enfants parviendront à être exfiltrés et sauvés. Quelques-uns seront malheureusement repris par les nazis et assassinés.
Devenu en 1977 sénateur communiste du Val-de-Marne, Charles Lederman fit partie des sauveteurs de ces enfants. Peu de temps avant son décès en 1998, il avait confié ses souvenirs de cette époque à Expressions. Il était l’un des dirigeants de l’OSE (Œuvre de secours aux enfants) qui, pendant la guerre, en sauva plus de 5000.
« En raison de la surveillance dont le camp faisait l’objet, avait-il raconté, il a fallu trouver un moyen de faire sortir légalement le plus de monde possible. Notre priorité alla tout de suite vers les nombreux enfants de moins de 16 ans qui étaient présents. Leur évasion semblait plus envisageable que celle des adultes, même si elle posait, presque dans les mêmes termes, un sérieux problème. »
Aujourd’hui, sa petite-fille Anne Bassi reprend cet extraordinaire épisode pour le replacer au cœur d’un roman, Dieu le fit, sorti aux éditions Marque-Pages/Du Layeur le 7 mai dernier.
Un titre en forme de jeu de mot puisque le village drômois (Dieulefit) accueillit pendant la guerre de nombreux réfugiés fuyant les exactions, dont quelques enfants sauvés du camp de Vénissieux.
« Par cette intrigue romanesque […], confie Anne Bassi, j’ai souhaité évoquer les secrets de famille liés aux enfants cachés pendant la guerre, la façon dont ils se transmettent à travers les générations et s’imposent dans la construction de l’identité. Enfin et surtout, j’ai souhaité rendre hommage aux Justes parmi les Nations, et éclairer le lecteur sur le sauvetage des enfants juifs du camp de Vénissieux par les organisations catholiques, protestantes et juives de la Drôme la nuit au 28 au 29 août 42. Ce sujet me tient particulièrement à cœur compte tenu de l’implication de mon grand-père, Charles Lederman, dans ce sauvetage. J’ai ainsi pu avoir un accès privilégié à une documentation concernant l’identité et le parcours des enfants sauvés et rencontrer leurs descendants. »
« Dieu le fit » (Marque-Pages/Éditions Du Layeur), 212 pages, 18 euros.